14ème législature

Question N° 3928
de M. Jean-Jacques Urvoas (Socialiste, républicain et citoyen - Finistère )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > droit pénal

Tête d'analyse > procédure pénale

Analyse > réglementation.

Question publiée au JO le : 11/09/2012 page : 4981
Réponse publiée au JO le : 26/02/2013 page : 2287

Texte de la question

M. Jean-Jacques Urvoas interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la compatibilité de l'article 712-14 du code de procédure pénale avec l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, reconnaissant le droit à une procédure équitable. En substance, l'article 712-14 du code de procédure pénale suspend l'exécution d'une mesure décidée par un juge de l'application des peines en cas d'appel par le procureur, alors que le même appel est non suspensif pour la personne détenue. Or le droit à une procédure équitable implique, selon une jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l'homme, le respect du principe de l'égalité des armes, en particulier dans l'exercice des voies de recours entre le mis en cause et le parquet. Il lui demande si, dans ces conditions, il ne serait pas judicieux de procéder à la réécriture de l'article 712-14 du code de procédure pénale de telle sorte que l'appel devienne non suspensif pour les deux parties.

Texte de la réponse

Le caractère suspensif de l'appel du ministre public contre les décisions des juridictions de l'application des peines en matière d'aménagement de peine ou de libération conditionnelle a été institué dès la première phase de juridictionnalisation des peines opérée par la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence et a été maintenu par les réformes ultérieures. Comme l'avait reconnu le Parlement lors de l'adoption de cette loi, il est indispensable que la mise à exécution des décisions des juridictions de l'application des peines du premier degré, qu'il s'agisse de celles du juge de l'application ou de celles du tribunal de l'application des peines, puissent, dans certaines conditions, être suspendues en cas d'appel du parquet. Ces décisions peuvent en effet avoir pour conséquence la remise en liberté avant la fin de sa peine d'une personne définitivement condamnée à une peine d'emprisonnement ou de réclusion par un tribunal correctionnel ou une cour d'assises. Or si le ministère public, garant des intérêts de la société et des victimes, conteste la décision rendue et souhaite que le dossier soit réexaminé par la chambre de l'application des peines de la cour d'appel, il convient de permettre à ce recours d'être efficace. À titre conservatoire, la condamnation prononcée par la juridiction de jugement, et qui est revêtue de l'autorité de la chose jugée, doit donc continuer de recevoir exécution. La situation n'est pas comparable à celle de l'appel formé par le condamné lui-même en cas de refus d'un aménagement de peine ou de libération conditionnelle, puisqu'il s'agit d'une personne définitivement condamnée qui est en cours d'exécution de sa peine. En tout état de cause, l'appel du parquet n'est suspensif qu'à la condition qu'il soit formé dans les vingt-quatre heures - délai qui avait été fixé par la loi du 15 juin 2000 - et la cour d'appel doit statuer dans le délai maximum de deux mois - délai résultant également de la loi de 2000 - à défaut de quoi la décision d'aménagement ou de libération conditionnelle est mise à exécution. Ces dispositions sont d'autant plus nécessaires que la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a très sensiblement augmenté les possibilités pour les juridictions de l'application des peines d'accorder des mesures d'aménagement - désormais possibles pour les condamnations inférieures ou égale à deux ans, au lieu d'un an - ou des libérations conditionnelles - dont les conditions d'octroi ont été assouplies, et que le Gouvernement veut favoriser, dans un souci de prévenir la récidive au maximum l'utilisation de ces mesures, comme l'indique la circulaire de politique pénale du 19 septembre 2012. Si l'équilibre entre, d'une part, le renforcement des droits des condamnés et la nécessité de favoriser leur réinsertion, et, d'autre part, la préservation des intérêts de la société, la prévention de la récidive et la protection des victimes paraît justifier de conserver le caractère suspensif de l'appel du parquet, il pourrait être envisagé de limiter ce caractère aux seuls cas dans lesquels il est fait appel d'une décision entraînant la mise en liberté du condamné, et de réduire le délai dans lequel la cour d'appel doit statuer. Par ailleurs, il pourrait être prévu que l'appel du condamné qui conteste une décision aggravant les conditions d'exécution d'une mesure d'aménagement ou de libération conditionnelle déjà accordée puisse également être suspensif, ce qui assurerait le respect de l'égalité des armes qui caractérise une procédure équitable. Ces questions pourront être examinées lorsque le Parlement sera saisi du projet de loi qui fera suite aux conclusions de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive organisée à l'intiative de la garde des Sceaux et dont les recommandations seront connues fin février 2013.