14ème législature

Question N° 39719
de M. Carlos Da Silva (Socialiste, républicain et citoyen - Essonne )
Question écrite
Ministère interrogé > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Ministère attributaire > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

Rubrique > santé

Tête d'analyse > tabagisme

Analyse > interdiction de fumer. lieux publics. narguilés. réglementation.

Question publiée au JO le : 08/10/2013 page : 10529
Réponse publiée au JO le : 07/01/2014 page : 303

Texte de la question

M. Carlos Da Silva attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur la situation sanitaire relative aux employés d'établissements dits « bars ou salon de thé-chicha ». En effet, si un établissement veut néanmoins offrir à ses clients et usagers la possibilité de fumer, il doit s'équiper d'un fumoir. Ce dernier doit alors respecter les dispositions du code de la santé publique (notamment les article R. 3511-2 et R. 3511-3), dont la légalité a été confirmée par le Conseil d'État dans une décision rendue le 10 juin 2009 : salle close réservée aux fumeurs et affectée à la consommation de tabac dans laquelle aucune prestation de service n'est délivrée, dispositif d'extraction d'air par ventilation mécanique indépendant du système de ventilation ou de climatisation du bâtiment, fermeture automatique de la salle sans possibilité d'ouverture non intentionnelle, superficie au plus égale à 20 % de la superficie totale de l'établissement sans dépasser 35 mètres carrés, signalétique officielle à l'entrée rappelant l'interdiction aux mineurs. De plus, tous les établissements doivent signaler, de manière apparente, l'interdiction de fumer dans l'établissement et l'espace éventuellement dédié à la consommation de tabac. Au regard de la loi, on peut ainsi considérer que certains de ces établissements se retrouvent en situation d'infraction caractérisée lorsqu'ils considèrent que leur activité principale est la consommation de chicha. Nombre d'entre eux commencent d'ailleurs à être poursuivis par le ministère public et condamnés, sur ce chef d'accusation, comme l'a montré l'arrêt de la cour d'appel de Dijon rendu le 12 octobre 2012. Il faut ajouter qu'ils violent ainsi non seulement les dispositions mentionnées plus haut du code de la santé publique, mais également celles du code du travail qui font reposer sur l'employeur « une obligation de sécurité de résultat vis-à-vis de ses salariés en ce qui concerne leur protection contre le tabagisme dans l'entreprise », comme l'avait rappelé la Cour de cassation dans son arrêt du 29 juin 2005. Il souhaiterait ainsi connaître les dispositions qui pourraient être mises en œuvre afin de pourvoir aux manquements relatifs au code du travail et au code de la santé publique.

Texte de la réponse

Les établissements, qui proposent à la vente et à la consommation sur place du tabac à narguilé, sont soumis malgré leur statut hybride, à une réglementation stricte puisque le tabac à chicha est bien considéré comme un produit du tabac au sens du code de la santé publique. Or, sous couvert du statut associatif ou de privatisation des lieux, les bars à chicha prétendent échapper à l'interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif. L'article L. 3511-7 du code de la santé publique prévoit pourtant une interdiction de fumer dans tous les lieux affectés à un usage collectif, qu'ils soient associatifs ou non (CA Dijon, 12 Octobre 2012). Un établissement passant outre cette interdiction est passible d'une amende de 3e classe, soit 450 €. Si l'établissement peut prévoir des emplacements réservés aux fumeurs, le non-respect des conditions d'installation est passible d'une contravention de 4e classe (750 €). De nombreux corps de contrôle sont compétents pour constater ces infractions (agents de police municipale, gardes champêtres, pharmaciens et médecins inspecteurs de santé publique, inspecteurs de l'action sanitaire et sociale, ingénieurs du génie sanitaire, ingénieurs d'études sanitaires, inspecteurs et contrôleurs désignés par l'agence régionale de santé, inspecteurs et contrôleurs du travail). Le décret n° 2010-720 du 28 juin 2010 relatif à l'exercice du monopole de la vente au détail des tabacs manufacturés prévoit qu'en dehors des débits de tabac, les débits de boissons à consommer sur place de 3e ou de 4e catégorie peuvent, dans certaines conditions, dont le caractère complémentaire à l'activité principale de ce service, proposer à la vente du tabac. Le non-respect de ce décret, indifféremment du statut associatif de l'établissement, est constitutif d'un délit de contrebande (article 417 du code des douanes), constaté par les agents de l'administration des douanes et puni d'une peine d'emprisonnement de trois ans. Dès lors que l'établissement est bien déclaré comme un débit de boissons, il se doit, en outre, d'appliquer le droit des débits de boissons prévu par le code de la santé publique, au risque de faire l'objet d'une fermeture administrative ou judiciaire. En plus des agents de police judiciaire, les agents de police municipale, comme le préfet en cas de carence, sont compétents pour intervenir en cas d'atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques. Enfin, en application du code du travail, l'employeur est tenu à une obligation générale de sécurité de résultat à l'égard des salariés. Aussi, il doit respecter et faire respecter les dispositions du code de la santé publique (art. L. 3511-7 et R. 3511-1 et suivants). A défaut, le salarié peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail. Par ailleurs, en présence d'une situation présentant un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, le salarié peut faire usage des droits d'alerte et de retrait. Le juge est particulièrement rigoureux quant au respect par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat (Cass. Soc. , 29 juin 2005, n° 03-44.412). Dans un arrêt rendu en 2010, la Cour de cassation considère qu'il suffit que l'employeur n'ait pas respecté les dispositions relatives à l'interdiction de fumer sur les lieux de travail pour que le salarié puisse prendre acte de la rupture de son contrat, « sans avoir à démontrer que cette carence a eu des conséquences effectives sur son état de santé » (Cass. Soc. , 6 octobre 2010, n° 09-65.103). L'employeur peut s'appuyer sur l'équipe pluridisciplinaire de santé au travail du service de santé au travail interentreprises auquel il doit légalement adhérer pour être conseillé sur les modalités d'installation d'un espace fumeur. Ainsi, la réglementation existante permet d'ores et déjà de contrôler, et sanctionner, au besoin, les bars ou salons de thé chicha ne respectant pas les dispositions du code de la santé publique, ainsi que les employeurs exposant leurs salariés au tabagisme passif.