14ème législature

Question N° 40154
de M. Gabriel Serville (Gauche démocrate et républicaine - Guyane )
Question écrite
Ministère interrogé > Éducation nationale
Ministère attributaire > Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche

Rubrique > outre-mer

Tête d'analyse > DOM-ROM : Guyane

Analyse > enseignement. programmes. géographie. représentation du territoire.

Question publiée au JO le : 15/10/2013 page : 10733
Réponse publiée au JO le : 01/07/2014 page : 5589
Date de changement d'attribution: 03/04/2014

Texte de la question

M. Gabriel Serville appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur le déficit d'image dont souffre la Guyane relayé auprès de l'ensemble des élèves français et particulièrement ressenti par les jeunes Guyanais du fait de la non-présentation de ce territoire à la même échelle que les autres régions françaises et européennes. Il ne viendrait en effet jamais à l'esprit de quiconque de réduire l'échelle des autres régions de France et d'Europe juste pour opérer des économies de papier. Il s'agit de rappeler que la Guyane représente en fait près d'un septième du territoire français, soit l'équivalent d'un pays tel que le Portugal. Il apparaît primordial pour les jeunes issus d'une région dont les problématiques de développement économique et social sont sans communes mesures avec celles présentées par les 26 autres régions français de ne pas se sentir lésés par la présentation de ce territoire à une échelle moindre sur les manuels scolaires. Nous savons à quel point cela a pu défavorablement conditionner l'image qu'en ont gardée plusieurs générations. Il lui demande donc de lui apporter des éclairages sur les actions à mener par le Gouvernement afin que le rattrapage du déficit d'image dont souffre la Guyane commence dès l'éveil à la géographie et que nos jeunes aient une idée fidèle de ce qu'est la réalité du territoire de la République.

Texte de la réponse

L'attention du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a été attirée sur le déficit d'image que peuvent ressentir les guyanais quant à la représentation du territoire à l'échelle des autres régions françaises, sous l'angle de l'éveil à la géographie et de la représentativité dans les manuels scolaires. Il mérite également d'être évoqué sous l'angle linguistique. Comme le soulignent les ressources d'accompagnement des programmes d'enseignement du collège, la maîtrise de la cartographie a des finalités propres à la discipline mais également des finalités civiques et patrimoniales : les cartes comme les images, en même temps qu'elles doivent faire l'objet d'une approche critique, ouvrent la réflexion des élèves sur la diversité de la nature et des aménagements des sociétés humaines. Leur lecture et leur interprétation combinées à la progressive réalisation de schémas et de croquis requièrent des compétences fortes qui placent la maîtrise des langages graphiques au coeur des apprentissages, de l'école primaire jusqu'au lycée. Si, pour appuyer l'enseignement de la géographie, la qualité de la cartographie proposée par un manuel scolaire est assurément importante, les démarches pédagogiques mises en oeuvre par les enseignants d'histoire-géographie sont, elles, essentielles. Recentrés sur les territoires, ouverts aux questions du développement durable, les programmes en application identifient les capacités que les élèves doivent acquérir et favorisent les approches par études de cas qui, en permettant d'articuler le particulier au général, initient au raisonnement géographique. Dans cette perspective, de sa situation en Amérique du sud aux relations qu'elle entretient avec les pays limitrophes, des problèmes de biodiversité au parc national d'Amazonie, du site de Kourou au statut de zone ultra périphérique de l'Europe, pour ne citer que quelques aspects caractéristiques de son territoire, l'étude de la Guyane, trouve toute sa place en appui des thématiques développées au long du cursus scolaire. L'évolution de la représentation des politiques linguistiques peut également être signalée puisque la langue participe totalement de l'identité des locuteurs. Le ministère de l'éducation nationale a publié en janvier 2012 « Le schéma d'accompagnement à la valorisation de l'enseignement des langues d'origine dans les régions et territoires d'Outre-Mer ». Il y est explicitement précisé que les élèves des Outre-mer peuvent mieux apprendre et comprendre en partant du socle de leur propre langue, et qu'il est souhaitable de s'appuyer sur toutes les ressources linguistiques des élèves, sur leur environnement et sa richesse culturelle, pour étayer le développement de leur langage. Ainsi, les activités linguistiques conduites en milieu scolaire en langue d'origine trouvent naturellement leur place dans l'accompagnement éducatif mais peuvent aussi, en prenant en compte les réalités locales, s'inscrire dans les heures d'enseignement des élèves. Compte tenu de l'âge des enfants, une série de séquences brèves et régulières est préférable. Afin d'optimiser les mises en place de stratégies d'assimilation chez les jeunes enfants, leur investissement dans l'école et l'activité scolaire, l'apprentissage de la langue d'origine commence à l'école maternelle et peut se poursuivre au cycle 2. De plus, sur la plupart des territoires, de nombreux dispositifs se côtoient. En prenant appui sur des principes communs, c'est au niveau académique ou territorial qu'il convient d'assurer le recensement des dispositifs, d'en garantir la complémentarité et d'en optimiser les performances. Pour aller dans ce sens, depuis 1998, le dispositif des intervenants en langue maternelle (ILM), est expérimenté en Guyane, sous le contrôle de chercheurs, notamment Michel Launey, Isabelle Léglise, Odile Lescure et Isabelle Nocus. Ces personnels interviennent dès l'école maternelle, en milieu monolingue non francophone, auprès d'enfants linguistiquement et culturellement non familiers de la langue comme de la culture françaises. Les missions permettent la valorisation de la structuration des élèves dans la ou les langues maternelles, la représentation dans l'école de la culture d'origine des enfants et la médiation dans l'école entre familles et enseignants. C'est une reconnaissance de la langue maternelle à l'école qui prend ainsi un statut valorisé, non seulement aux yeux des enfants, mais également des parents qui peuvent se sentir mieux accueillis dans l'école s'ils souhaitent suivre la scolarité de leur enfant. Le dispositif des Actions éducatives familiales (AEF), développé en partenariat avec l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme, favorise également ce rapprochement de confiance et de respect mutuel école/parents en agissant simultanément sur les leviers de la prévention et de la lutte contre l'illettrisme. La reconnaissance de l'importance du territoire guyanais passe avant tout par l'action conduite sur place, afin de conduire les enfants vers une meilleure réussite scolaire et une alphabétisation en langue de scolarisation. Enfin, qu'il s'agisse des textes, de l'iconographie ou des compléments documentaires, il faut rappeler que les éditeurs scolaires ont entière liberté et responsabilité dans la composition des ouvrages qu'ils proposent. Il est de la responsabilité des professeurs de choisir les outils qui serviront de support aux apprentissages et, de ce point de vue, leur responsabilité est aussi importante que leur liberté pédagogique, pour adapter le discours au niveau, aux besoins et au profil des élèves.