CSG et CRDS
Question de :
M. Frédéric Lefebvre
Français établis hors de France (1re circonscription) - Les Républicains
M. Frédéric Lefebvre attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger, sur la protection sociale des Français établis hors de France. Les Français établis hors de France sont depuis la loi de finances rectificative d'août 2012, assujettis à la CSG et au CRDS au titre des revenus patrimoniaux (revenus locatifs et plus-values immobilières de source française) alors qu'ils ne relèvent pas du régime général obligatoire de protection sociale. Cette soumission à la CSG et au CRDS des revenus patrimoniaux sans contreparties fait d'ailleurs l'objet d'une procédure contentieuse devant la Cour de justice de l'Union européenne. Nos compatriotes établis hors de France peuvent adhérer volontairement, moyennant une contribution, à la Caisse des Français de l'étranger, cette dernière ne remboursant les frais engagés qu'à la hauteur du tarif de la sécurité sociale, ce qui ne permet pas le remboursement intégral des frais engagés notamment en Amérique du nord. Ils peuvent également adhérer au régime de leurs pays d'établissement, voire y être contraints comme le prévoit le projet « Obama care » aux États unis d'Amérique. C'est pourquoi il lui demande si le Gouvernement entend, au regard du risque d'une condamnation par la Cour de justice de l'Union européenne, d'une part, et des spécificités de la protection sociale des Français établis hors de France, d'autre part, revenir sur l'assujettissement des revenus patrimoniaux de nos compatriotes expatriés à la CSG et au CRDS.
Réponse en séance, et publiée le 20 novembre 2013
PROTECTION SOCIALE DES FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour exposer sa question, n° 401, relative à la protection sociale des Français établis hors de France.
M. Frédéric Lefebvre. Madame la ministre déléguée chargée des Français de l'étranger, au moment où le Premier ministre vient d'annoncer aux Français qu'il entendait remettre à plat la fiscalité, et alors que le taux des prélèvements obligatoires atteint aujourd'hui un niveau historiquement élevé en France, soit 46,5 % du PIB – j'ai d'ailleurs proposé l'instauration d'une « règle de platine » instaurant un seuil égal à la moyenne européenne, soit 39,9 % –, je tiens à souligner combien nos compatriotes Français de l'étranger sont victimes de maints manquements à l'équité. J'en ai évoqué de nombreux lors de l'examen du projet de loi de finances, notamment concernant la redevance, payée par un certain nombre d'entre eux alors qu'ils n'ont pas accès aux programmes du service public, ou encore la déduction de charges.
Je veux aujourd'hui revenir sur une question qui revient en permanence lorsque nous allons à la rencontre de nos compatriotes, cette injustice qui fait que leurs revenus patrimoniaux – loyers ou plus-values – sont soumis à la CSG et à la CRDS depuis 2012, alors même qu'ils ne bénéficient pas de la protection sociale de notre pays. C'est d'autant plus compliqué, madame la ministre, que, vous le savez, le projet Obamacare va obliger les résidents français aux États-Unis, y compris ceux qui adhéraient à la Caisse des Français de l'étranger, à souscrire une assurance santé. Sachant que cette soumission à la CSG et à la CRDS a vu la France – j'ai eu l'occasion d'en parler avec M. le ministre du budget – devoir faire face en Europe à une procédure contentieuse, je souhaiterais donc que vous me disiez où nous en sommes et où vous voulez aller. Le Gouvernement, appliquant le principe de précaution – terme que j'ai entendu de la bouche même de M. le ministre du budget à propos de la TVA sur les équidés –, reviendra-t-il sur cette taxation inéquitable de nos compatriotes ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger.
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger. Monsieur le député, vous avez balayé très largement les problèmes de fiscalité, mais le cœur de votre question concerne l'assujettissement des plus-values immobilières aux prélèvements sociaux.
Comme vous l'avez indiqué, il a été décidé, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour l'année 2012, d'assujettir les non-résidents aux prélèvements sociaux. Ceux-ci s'acquittent donc désormais d'un impôt comparable à celui dont s'acquittent les résidents français lorsqu'il est procédé à des cessions immobilières ou foncières. Cette décision a été prise pour des raisons de justice fiscale. Elle a en effet pour objectif de rétablir l'égalité de traitement entre les citoyens redevables de l'impôt en soumettant aux prélèvements sociaux les revenus immobiliers – revenus fonciers et plus-values immobilières – perçus par les non-résidents de la même manière qu'ils le sont déjà pour les personnes fiscalement domiciliées en France. C'est donc non pas une surtaxe mais bien une mesure d'équité.
Pour les Français de l'étranger, elle ne peut être cause de double imposition, puisque ces revenus ne sont soumis aux prélèvements sociaux en France que s'ils ne sont pas imposés dans l'État de résidence du bénéficiaire des revenus.
Comme vous l'avez indiqué, la Commission européenne a remis en cause le bien-fondé de cette décision. Nous ne partageons pas son analyse. Le Conseil d’État a saisi la Cour de justice de l’Union européenne d'une question préjudicielle sur ce point. La Cour de justice s'est prononcée jusqu'à présent sur les seuls prélèvements sociaux sur les revenus d'activité, en application des règles de coordination des régimes de Sécurité sociale visant à éviter le double assujettissement aux prélèvements sociaux. Or cette logique ne trouve pas à s'appliquer aux prélèvements sur les revenus du patrimoine. En effet leur exigibilité n'est pas conditionnée à l'affiliation à l'assurance-maladie ; telle est la position, aujourd'hui, du Gouvernement sur ce sujet.
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.
M. Frédéric Lefebvre. Madame la ministre, je ne veux pas recommencer le débat juridique que j'ai eu avec votre collègue Bernard Cazeneuve au cours de l'examen du projet de loi de finances. Le ministre du budget m'a proposé – et je l'en remercie – d'organiser une réunion de travail à Bercy sur cette question car, compte tenu de la jurisprudence, la France risque fortement d'être condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne. C'est une réalité.
Il me paraît donc essentiel de se réunir autour d'une table pour trouver une solution sachant que c'est l'équité que je recherche. Nous sommes en désaccord sur un point : d'une part, ces personnes sont soumises à une imposition mais, d'autre part, elles ne reçoivent pas la prestation correspondante. Or beaucoup de nos compatriotes se retrouvent dans des situations d'extrême urgence : j'en ai rencontré plusieurs dans mes permanences.
J'ai en tête l'exemple d'un de nos compatriotes établi en Californie qui, après avoir divorcé, a décidé de rester aux États-Unis pour être aux côtés de son fils. Il vit depuis en situation de précarité, ne subsistant que grâce aux revenus fonciers qu'il perçoit en France. Or l'imposition de ces derniers a explosé avec une augmentation qui atteint aujourd'hui 50 %. De ce fait, il n'est plus en mesure de faire face à ses besoins. Face à une telle iniquité et à une telle situation de détresse, nous devons, les uns et les autres, nous réunir autour d'une table pour trouver une solution : on ne peut pas continuer avec ce dispositif, qui d'ailleurs est mis en cause devant les autorités européennes, et par l'Europe elle-même.
Auteur : M. Frédéric Lefebvre
Type de question : Question orale
Rubrique : Sécurité sociale
Ministère interrogé : Français de l'étranger
Ministère répondant : Français de l'étranger
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 novembre 2013