14ème législature

Question N° 40405
de M. André Chassaigne (Gauche démocrate et républicaine - Puy-de-Dôme )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie et finances
Ministère attributaire > Économie et finances

Rubrique > communes

Tête d'analyse > conseils municipaux

Analyse > délibérations. annulation. réglementation.

Question publiée au JO le : 22/10/2013 page : 10973
Réponse publiée au JO le : 18/03/2014 page : 2655
Date de signalement: 07/01/2014

Texte de la question

M. André Chassaigne attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la hausse des taxes locales et leurs conséquences non maîtrisées par les élus. Les dispositions de l'article 1396 du code général des impôts permettent à une commune de majorer la valeur locative cadastrale des terrains constructibles situés dans les zones urbaines ou à urbaniser, lorsque les voies publiques et les réseaux ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone, délimitées par un plan local d'urbanisme. Le 25 septembre 2012, une commune a délibéré pour appliquer une majoration forfaitaire de un euro par mètre carré, sans avoir réalisé de simulation. Cette délibération est devenue exécutoire « l'année suivante », soit le 1er janvier 2013. À la réception des bases imposables, la commune a découvert l'importance des augmentations pour les contribuables concernés, avec des montants exorbitants pour certains redevables. Elle a donc décidé, le 9 juillet 2013, d'annuler sa délibération du 25 septembre 2012. Selon le contrôle de légalité, elle est « entachée d'illégalité dans la mesure où elle présente un caractère rétroactif ». Cette délibération n'a cependant pas été retirée par le conseil municipal. En effet, suivant deux jugements du Conseil d'État, en date des 25 juin 1948 et 16 mars 1956, la jurisprudence admet notamment que peut être admise une exception au principe de non rétroactivité des actes réglementaires « lorsque la rétroactivité de l'acte est exigée par la situation qu'il a pour objet de régir ». Or la délibération du 25 septembre 2012 crée bien une situation insupportable pour certains contribuables. Il lui demande donc son appréciation sur cette interprétation de la jurisprudence et le maintien de la décision d'annulation par la commune.

Texte de la réponse

En principe, les actes à caractère réglementaire ne disposent que pour l'avenir (CE, ass. , 25 juin 1948, société du journal « l'Aurore », req. n° 94 511). Une collectivité territoriale ne peut ainsi donner effet à ses actes à une date antérieure à celle à laquelle il a été procédé à sa transmission à l'autorité en charge du contrôle de légalité (CE, sect. , 30 septembre 1998, ville de Nemours c/Mme Y. , req. n° 85 099). Elle ne peut pas davantage faire rétroagir une décision à compter d'une date antérieure à celle de son entrée en vigueur. Les délibérations à caractère fiscal ne font pas exception en la matière (CE, 9 nov. 1992, commune de Fort-du-Plasne c/Thouvenez, req . n° 104 937). En l'espèce, la commune ne pouvait régulièrement retirer en date du 9 juillet 2013 une délibération adoptée le 25 septembre 2012 et entrée en vigueur le 1er janvier 2013. En application des dispositions combinées de l'article 1396 et du premier alinéa du I de l'article 1639 A bis du code général des impôts, la suppression de la majoration forfaitaire de la valeur locative cadastrale des terrains constructibles passibles de taxe foncière sur les propriétés non bâties ne pouvait s'appliquer qu'à compter du 1er janvier 2014. La jurisprudence n'admet de dérogations au principe de non-rétroactivité des actes réglementaires locaux que dans un nombre limitatif de cas dont les conditions de réalisation sont strictes. La rétroactivité de l'acte local peut tout d'abord résulter d'une loi. Dans cette hypothèse, l'acte réglementaire pris pour application de cette loi rétroactive peut prendre effet à une date antérieure à celle de son entrée en vigueur (CE, ass. , 7 février 1958, G. , req. n° 38 861 et n° 39 862). Or ce n'est pas le cas en ce qui concerne la majoration de la valeur locative cadastrale des terrains constructibles passibles de taxe foncière sur les propriétés non bâties, le législateur n'ayant pas entendu permettre une modification des valeurs forfaitaires après la date de réalisation du fait générateur pour des raisons évidentes de sécurité juridique. Par ailleurs, il est admis que la rétroactivité de l'acte puisse être rendue nécessaire par la situation qu'il a pour objet de régir. Cette dérogation est cependant d'interprétation stricte : elle n'a vocation à être mise en oeuvre que pour des situations non contractuelles en cours, qui ne sont pas complètement réalisées de façon définitive. Il en va ainsi, par exemple, du texte réglementaire relatif à une campagne de production agricole pris peu de temps après le début de celle-ci (CE, ass. , 8 juin 1979, confédération générale des planteurs de betterave, rec. , p. 269). Cette jurisprudence n'est toutefois pas transposable au cas d'une délibération prise le 9 juillet 2013 pour application à la valeur locative cadastrale des terrains constructibles sur l'exercice fiscal en cours, le fait générateur de la taxe foncière sur les propriétés non bâties étant pleinement réalisé au 1er janvier 2013. Dans cette hypothèse, aucune rétroactivité n'est envisageable, la situation de fait déclenchant l'imposition s'étant concrétisée de façon définitive.