14ème législature

Question N° 40643
de M. Dominique Baert (Socialiste, républicain et citoyen - Nord )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > justice

Tête d'analyse > procédures

Analyse > sentences arbitrales. exequatur. recours judiciaires.

Question publiée au JO le : 22/10/2013 page : 10989
Réponse publiée au JO le : 01/07/2014 page : 5638
Date de changement d'attribution: 03/04/2014

Texte de la question

M. Dominique Baert interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la révision de l'article 1516 du code de procédure civile (CPC) afin de rendre contradictoire la procédure d'exequatur des sentences arbitrales internationales. En effet, il y a deux ans le décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011 a réformé l'arbitrage dans le but de renforcer l'attractivité du droit français et la place de la France en matière d'arbitrage international. Ainsi, dans les modifications mises en œuvre depuis lors, la procédure d'exequatur des sentences arbitrales n'est pas contradictoire comme le souligne l'article 1516 du CPC dans son alinéa 2, l'alinéa suivant précisant que la demande est introduite par une simple requête déposée au greffe de la juridiction. Mais, comme des études juridiques l'ont souligné depuis, le caractère non-contradictoire de la procédure d'exequatur rend illusoire tout contrôle véritable par le juge de l'exequatur, puisque, notamment, celui-ci ne peut se fonder que sur les éléments transmis par le demandeur à l'appui de sa requête. Or il est plus que vraisemblable -et pour tout dire quasiment certain- que ce n'est pas celui qui sollicite l'exécution de la sentence arbitrale qui va, par exemple, communiquer au juge, en matière internationale, les éléments permettant de démontrer une violation « flagrante, effective et concrète » de l'ordre public international (cass. 1er civ, 4 juin 2008, n° 06-15320) et donc susceptible d'amener le juge à refuser l'exequatur. Ainsi, il n'y a plus de vérification effective par un magistrat de la conformité de la sentence à l'ordre public international avant son exécution, ce qui peut ne pas être sans conséquence négative, puisqu'ainsi, par cette procédure trop légère, le risque existe qu'une sentence viciée soit exécutée sur le territoire français. Il lui demande donc si le Gouvernement peut envisager de réexaminer le décret de 2011 en vue de renforcer le contrôle judiciaire sur les sentences arbitrales internationales, ce qui irait dans le sens de garantir la qualité et l'impartialité du droit énoncé.

Texte de la réponse

En matière d'arbitrage international, les sentences ne peuvent être exécutées en France qu'en vertu d'une ordonnance d'exequatur émanant du tribunal de grande instance dans le ressort duquel elles ont été rendues ou du tribunal de grande instance de Paris lorsqu'elles sont intervenues à l'étranger. Selon l'article 1516 du code de procédure civile, la procédure relative à la demande d'exequatur n'est pas contradictoire et, conformément à l'article 1526 du même code, le recours en annulation formé contre la sentence et l'appel contre l'ordonnance ayant accordé l'exéquatur ne sont pas suspensifs. Le principe de l'exécution immédiate de la sentence arbitrale constitue une innovation importante introduite par la réforme de la procédure d'arbitrage issue du décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011, laquelle a été unanimement saluée, afin, précisément, d'éviter les recours dilatoires exercés par des parties de mauvaise foi qui, après avoir accepté de se soumettre à une procédure d'arbitrage pour régler leur différend, tentaient d'échapper par la voie d'un recours à l'exécution de la décision rendue dans ce cadre. Le caractère non contradictoire de la procédure relative à la demande d'exequatur, qui n'est pas une nouveauté introduite par la réforme de 2011 mais correspond au contraire à une consécration de la jurisprudence antérieure, participe de la même volonté. Il s'agit d'éviter que la demande d'exéquatur ne devienne le prétexte à un nouvel examen du litige entre les parties, au risque, à défaut, de priver de toute efficacité le recours à l'arbitrage. Au demeurant, à l'occasion de cette procédure d'exequatur introduite à l'initiative de la partie la plus diligente, le juge s'assure, en application de l'article 1514 du code de procédure civile, que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence n'est pas manifestement contraire à l'ordre public international. En permettant ainsi une exécution dans des délais rapides des sentences rendues en matière d'arbitrage international, la combinaison de ces dispositions garantit aux parties qui ont choisi d'y recourir l'effectivité de la procédure d'arbitrage et contribue fortement à l'attractivité internationale du droit français de l'arbitrage. Il ne paraît dès lors pas souhaitable de revenir sur ces dispositions, d'autant que le premier président statuant en référé ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état, peut arrêter ou aménager l'exécution de la sentence si cette exécution est susceptible de léser gravement les droits de l'une des parties. L'ensemble de ces dispositions assure ainsi un équilibre entre la nécessité de conférer toute leur efficacité aux sentences arbitrales internationales et la protection des droits des parties.