14ème législature

Question N° 40852
de M. Lionel Tardy (Union pour un Mouvement Populaire - Haute-Savoie )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture, agroalimentaire et forêt
Ministère attributaire > Agriculture, agroalimentaire et forêt

Rubrique > agriculture

Tête d'analyse > activité agricole

Analyse > engrais minéraux. droits de douane. prix.

Question publiée au JO le : 29/10/2013 page : 11152
Réponse publiée au JO le : 23/09/2014 page : 8043
Date de changement d'attribution: 27/08/2014
Date de renouvellement: 04/02/2014
Date de renouvellement: 13/05/2014
Date de renouvellement: 26/08/2014

Texte de la question

M. Lionel Tardy alerte M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur la situation difficile des agriculteurs français, en lien avec les coûts exorbitants des engrais minéraux dus en grande partie aux droits de douane qui leurs sont appliqués. En effet, le monde agricole milite pour la suppression de cette barrière douanière qui a des conséquences néfastes sur la compétitivité du secteur agricole, déjà affecté par la réduction du budget de la PAC. Ces tarifs limitent considérablement les importations et conduisent à l'oligopole d'un petit nombre de producteurs d'engrais qui maintiennent un prix élevé des fertilisants en Europe, souvent corrélé au revenu des agriculteurs et sans lien direct avec les prix du marché mondial. Alors que les fertilisants représentent pour certaines cultures près de 14 % du prix global de production et que la suppression de ces droits de douane pourrait réduire de 120 millions d'euros la facture annuelle du secteur agricole, il lui demande de bien vouloir indiquer sa position à ce sujet et les mesures qu'il compte prendre pour améliorer la situation.

Texte de la réponse

Les engrais représentent en moyenne 15 % des charges dans les exploitations de grande culture (chiffres réseau d'information comptable agricole, 2012). Plus particulièrement s'agissant des engrais azotés, la gestion de l'azote dans les exploitations est soumise à une double contrainte : un manque pénalise immédiatement les rendements et la qualité des productions, tandis qu'un excès pèse sur les coûts de production et provoque des pollutions vers l'air et les ressources en eau. Le poids des engrais azotés dans l'économie des exploitations est fortement lié d'une part à la volatilité des prix du gaz naturel, nécessaire à leur synthèse industrielle et impactant ainsi leur coût, et d'autre part à celui du cours des céréales qui fluctue fortement en raison d'une demande inélastique et d'une offre variant considérablement sous l'effet de facteurs climatiques incontrôlables. Non synchronisées, les brutales évolutions des prix des engrais et des céréales peuvent considérablement contracter le revenu agricole, comme en 2009 où les prix agricoles sont retombés pendant la flambée du coût des engrais (sources : Agreste Primeur, n° 291 octobre 2012). S'agissant plus particulièrement des droits de douane, l'instauration des droits de douane relève de la compétence exclusive de la Commission européenne, et leur taux varie en fonction des intérêts économiques en jeu et des accords conclus à l'organisation mondiale du commerce. Ils sont donc le résultat d'arbitrages tenant compte, d'une part, de l'ouverture des marchés qui permet à nos entreprises européennes de développer leurs exportations et de créer des emplois et, d'autre part, de la protection des industries existant dans l'Union européenne. Les droits de douane constituent un outil économique important car ils peuvent éventuellement être modulés en fonction de la nature du produit importé et du pays d'origine. Aujourd'hui, les produits repris sous le libellé général « d'engrais » sont en effet soumis à des droits de douane différenciés, car le régime tarifaire applicable au sein des États membres aux produits non communautaires est fonction à la fois de la nature de la marchandise importée et de son origine : les engrais d'origine animale ou végétale (3101) ainsi que les engrais minéraux ou chimiques potassiques (3104) sont exemptés, les engrais minéraux ou chimiques azotés (3102) sont soumis à un taux de 6,5 %, les engrais minéraux ou chimiques phosphatés (3103) à un taux de 4,8 % et certains engrais minéraux ou chimiques contenant deux ou trois éléments fertilisants (3105) à des taux de 3,2 % à 6,5 %. Les autres positions tarifaires sont en exonération de droits de douane en régime de droit commun. Toutefois, ces droits peuvent être soit réduits soit totalement supprimés dans le cadre d'accords tarifaires préférentiels conclus entre la Communauté et un pays ou groupe de pays, ou, également, dans le cadre des suspensions et contingents tarifaires autonomes dont l'instauration peut être sollicitée par une entreprise de l'Union (cf. communication de la Commission publiée au JOUE C 363/2011). La baisse du poids de la fertilisation azotée dans l'économie des exploitations passe également par la recherche de la performance économique et environnementale, au coeur du projet agro-écologique pour la France afin de produire autrement, avec moins, en repensant les systèmes de production. Cela passe en particulier par la diversification des assolements, par l'accroissement de la biodiversité, par le renforcement de l'autonomie des systèmes de production à travers une utilisation économe des intrants et de l'énergie, par l'accroissement de la valeur ajoutée des productions... L'action collective jouera un rôle central pour favoriser cette évolution des modes de production. C'est l'ambition des groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE) prévus par le projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt. S'agissant de la fertilisation azotée, la recherche de la performance économique et environnementale passe également par une meilleure valorisation de l'azote organique en fertilisation. Il s'agit d'améliorer la prise en compte des spécificités de l'azote organique dans le calcul de la fertilisation, de mieux valoriser les gisements existants en travaillant sur les déséquilibres entre ressources et besoins dans les territoires, ou encore de développer des process nouveaux et innovants et des filières de traitement et de valorisation des effluents d'élevage. S'agissant de ce dernier point, la méthanisation constitue une solution privilégiée permettant à la fois de valoriser énergétiquement les effluents d'élevage et de conserver l'azote contenu dans certains sous-produits de l'exploitation. Elle permet également de l'exporter, à condition que les digestats bruts fassent l'objet de post-traitements permettant leur transport et leur bonne valorisation. Ces enjeux constituent l'un des axes du plan énergie méthanisation autonomie azote (EMAA) qui vise à améliorer la gestion de l'azote et à développer un « modèle français de la méthanisation agricole », pour faire de la méthanisation agricole collective de taille intermédiaire un complément de revenus pour les exploitations agricoles, en valorisant l'azote et en favorisant le développement de plus d'énergies renouvelables ancrées dans les territoires, dans une perspective d'agriculture durable et de transition énergétique et écologique.