Question de : M. Christian Estrosi
Alpes-Maritimes (5e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Christian Estrosi interroge M. le ministre de l'économie et des finances sur la proposition formulée dans le rapport intitulé « Évasion des capitaux et finance : mieux connaître pour mieux combattre » de la commission d'enquête sénatoriale sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l'évasion des ressources financières consistant à instituer une obligation de déclaration préalable des schémas d'optimisation fiscale, pesant sur les intermédiaires. Il lui demande son avis sur cette proposition et, le cas échéant, dans quels délais elle pourrait être mise en œuvre.

Réponse publiée le 10 novembre 2015

Il convient de rappeler que les dispositifs législatifs en matière de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales ont été considérablement renforcés depuis 2012, avec l'adoption de plus de 70 mesures législatives et réglementaires spécifiques. Le Gouvernement est en outre très actif pour soutenir les initiatives et les travaux des instances internationales et communautaires dans ce domaine. Cela étant, la question des schémas d'optimisation fiscale est juridiquement et techniquement complexe, tout particulièrement lorsqu'il s'agit d'en préciser la portée et les limites, comme cela a pu être précisé lors des nombreux échanges intervenus au cours des deux dernières années à l'occasion notamment de l'examen des lois de finances. De plus, elle s'inscrit, en France, dans un cadre juridique différent de celui qui prévaut dans de nombreux autres Etats ayant instauré une obligation de déclaration de montages. En premier lieu, il est rappelé que le choix par le contribuable de la voie fiscale la moins onéreuse est admis tant par les juges national et communautaire que par l'administration fiscale, qui en tire les conséquences de droit. En droit interne, la procédure juridique de répression des abus de droit dont les conditions de mise en oeuvre et les garanties ont été largement encadrées par le juge, répond assez largement à ces préoccupations. Face à des schémas d'optimisation fiscale abusifs, l'administration fiscale peut, le cas échéant, utiliser le dispositif de l'abus de droit, prévu à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales (LPF), pour écarter non seulement les actes qui ont un caractère fictif, mais aussi ceux qui, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. Par ailleurs, afin d'obtenir davantage de sécurité juridique et se prémunir contre le risque d'une procédure d'abus de droit, le contribuable a la faculté de consulter l'administration fiscale, préalablement à la conclusion d'un ou plusieurs actes, en lui fournissant tous éléments utiles pour apprécier la portée véritable de cette opération, selon la procédure de rescrit prévue à l'article L. 64 B du LPF. S'agissant plus spécifiquement de l'institution d'une déclaration des schémas d'optimisation fiscale, il est précisé que les schémas qui ont une dimension fiscale sont quotidiens dans la vie des affaires. Ainsi, la mise en société d'une entreprise individuelle a des conséquences fiscales immédiates qui peuvent se révéler favorables pour l'entrepreneur mais qui ne sont pas ses seules motivations. En conséquence, à défaut d'être en capacité d'en préciser le champ d'application avec suffisamment de pertinence, l'obligation déclarative envisagée entraînerait le dépôt d'un nombre extrêmement important de documents d'intérêt fiscal très inégal et que l'administration ne pourrait matériellement pas exploiter, alors même que de très nombreux actes font d'ores et déjà l'objet d'obligations déclaratives. Il est également délicat d'organiser un régime de sanction solidaire entre le contribuable et son conseil qui serait le promoteur de ce type de montages. A cet égard, la censure, par le Conseil constitutionnel (décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013), de l'article 96 du projet de loi de finances pour 2014, qui prévoyait que toute personne commercialisant un schéma d'optimisation fiscale est tenue de le déclarer à l'administration préalablement à sa commercialisation, a mis en exergue ces difficultés juridiques de détermination du champ d'une telle mesure et des opérateurs économiques concernés. En outre, des travaux importants sont en cours à l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur cette question, dont il est préférable d'attendre les conclusions et préconisations, avant de déterminer dans quelle mesure et selon quelles modalités, le cas échéant, de nouvelles dispositions particulières seraient nécessaires dans notre corpus juridique. Dans l'attente de ces conclusions et dans le cadre des mesures d'amélioration des relations entre l'administration fiscale et les entreprises présentées en avril 2015, une approche différente a été retenue, qui poursuit les mêmes objectifs sans comporter les inconvénients évoqués supra. Elle prend la forme d'une publication périodique par l'administration fiscale de pratiques et montages qu'elle considère comme abusifs. Ces publications, à vocation préventive, concernent tous les impôts et tous les contribuables ; elles portent sur un champ plus large que la mesure envisagée. En conséquence, au vu de l'ensemble de ces dispositions, qui sont de nature à répondre aux préoccupations, et compte tenu des travaux internationaux en cours, l'institution d'une déclaration préalable des schémas d'optimisation fiscale apparaît prématurée.

Données clés

Auteur : M. Christian Estrosi

Type de question : Question écrite

Rubrique : Impôts et taxes

Ministère interrogé : Économie et finances

Ministère répondant : Finances et comptes publics

Dates :
Question publiée le 19 novembre 2013
Réponse publiée le 10 novembre 2015

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