14ème législature

Question N° 43054
de M. Jacques Bompard (Non inscrit - Vaucluse )
Question écrite
Ministère interrogé > Affaires sociales et santé
Ministère attributaire > Affaires sociales et santé

Rubrique > santé

Tête d'analyse > trisomie 21

Analyse > diagnostic prénatal. mise en oeuvre.

Question publiée au JO le : 19/11/2013 page : 11906
Réponse publiée au JO le : 11/03/2014 page : 2310

Texte de la question

M. Jacques Bompard attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé à l'occasion de la journée nationale de la trisomie 21, le 17 novembre. La trisomie 21 est une maladie d'origine chromosomique qui touche environ 60 000 personnes en France. Elle concerne aussi les 820 000 femmes enceintes chaque année depuis la généralisation du diagnostic prénatal de la trisomie 21. De ce fait il s'agit d'un enjeu de santé publique important. Depuis 15 ans le dépistage prénatal de la trisomie 21 généralisé puis systématisé s'amplifie considérablement. Un arrêté du 27 mai 2013 met en place par voie réglementaire un fichage national et exhaustif de la quasi-totalité des femmes enceintes, des tests de détection de la trisomie 21 effectués ou non, de leurs résultats, des issues de grossesse Cet arrêté impose à tous les praticiens concernés par le diagnostic prénatal de transmettre leurs résultats à l'ABM qui produira une évaluation nationale du diagnostic prénatal de la trisomie 21. Tous les praticiens se voient donc mobilisés sur la trisomie 21 de manière toujours plus insistante. Cette politique de santé publique qui se concentre sur la performance de la détection prénatale de la trisomie 21 accessible à toutes les femmes enceintes interroge. Aujourd'hui, 96 % des fœtus trisomiques 21 diagnostiqués sont éliminés. Le dispositif français aboutit déjà à l'éradication des personnes trisomiques 21. Par ailleurs la stigmatisation, la discrimination et le rejet des personnes trisomiques 21 s'en trouvent renforcés car cet hyper dépistage sous-entend qu'il vaut mieux qu'une personne trisomique 21 ne naisse pas plutôt qu'elle vive, qu'elle est destinée à être malheureuse et qu'elle génère le malheur pour sa famille. Or le contraire est démontré par les familles qui ont un enfant trisomique 21. L'ancien président du Comité consultatif national d'éthique a alerté depuis plusieurs années : « Osons le dire : la France construit pas à pas une politique de santé qui flirte de plus en plus avec l'eugénisme. La vérité centrale de l'activité de dépistage prénatal vise à la suppression et non au traitement : ainsi ce dépistage renvoie à une perspective terrifiante : celle de l'éradication ». Plus récemment, il insistait encore sur le fait que « le dépistage prénatal ne doit pas être un automatisme ». Il souhaiterait donc l'interroger sur la finalité de ce nouveau dispositif et sur le coût du fichage national du diagnostic prénatal de la trisomie 21 mis en œuvre par l'arrêté du 27 mai 2013, et sa finalité. Compte tenu de la situation d'éradication des personnes trisomiques 21, il serait temps de faire une pause dans la course à la performance du diagnostic prénatal de la trisomie 21 qui aboutit à l'éradication des fœtus détectés, et de mener une réflexion nationale sur l'eugénisme des personnes trisomiques 21.

Texte de la réponse

Plusieurs questions sont soulevées par l'arrivée du diagnostic prénatal non invasif de la trisomie 21, des questions éthiques mais aussi des questions liées aux performances du test et à son coût. La ministre des affaires sociales et de la santé a saisi en juillet 2012 le comité consultatif national d'éthique (CCNE), instance de référence, pour qu'il rende un avis éthique sur ce sujet, ce qu'il a fait le 25 avril 2013. Le CCNE considère que cette méthode, qui ne modifie pas la procédure actuelle, permet de diminuer le nombre de prélèvements invasifs responsables de fausses-couches et constitue donc une amélioration des conditions actuelles de dépistage. Par ailleurs, la Haute autorité de santé a été saisie le 11 décembre 2012 afin qu'elle apporte les réponses qui permettront de déterminer la place de ces nouvelles techniques dans le diagnostic prénatal de la trisomie 21. Par réponse en date du 20 décembre 2012, la HAS a indiqué qu'elle serait en mesure de procéder à une évaluation complète de la place de ce test dès lors qu'elle disposera des résultats d'une étude menée en France sur une population de femmes enceintes considérées à risque après l'étape de dépistage initial. Cette étude permettra, en effet, d'obtenir des données complémentaires de performance et de coûts, recueillies de façon prospective dans le contexte français. L'arrêté du 27 mai 2013, qui a complété un arrêté de 2009, encadre formellement les modalités d'évaluation du dépistage et du diagnostic de la trisomie 21, à partir du recueil des données utiles à cette évaluation. Ces données, qui excluent les issues de grossesse, sont centralisées à l'Agence de la biomédecine qui est à même de prendre les mesures nécessaires pour en garantir la confidentialité et la sécurité. La CNIL, saisie au préalable par le ministère chargé de la santé, a donné son accord le 16 mai 2013 à la collecte de ces données, considérant qu'elle est « pertinente et non excessive au regard de la finalité poursuivie par le traitement ». Ce n'est qu'à l'issue des recommandations de la HAS que le dépistage prénatal non invasif de la trisomie 21 pourra être introduit en France.