14ème législature

Question N° 430
de M. Jean-Christophe Fromantin (Union des démocrates et indépendants - Hauts-de-Seine )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > sécurité routière

Tête d'analyse > permis de conduire

Analyse > présentation aux épreuves. délais.

Question publiée au JO le : 26/11/2013 page : 12173
Réponse publiée au JO le : 04/12/2013 page : 12551

Texte de la question

M. Jean-Christophe Fromantin alerte M. le ministre de l'intérieur sur les graves difficultés liées à l'organisation de l'examen du permis de conduire. En effet, l'insuffisance des places offertes à l'examen du permis (1,3 million de places par an contre plus de 2 millions de candidats en attente) est à l'origine d'un engorgement massif du système. Cette situation a un coût élevé pour les candidats. Un coût en termes de temps tout d'abord, car le temps d'attente pour passer le permis est excessivement long. Sur ce sujet, la situation est particulièrement dégradée dans les régions urbaines, ainsi dans la région Île-de-France, un candidat attend en moyenne 4 mois avant de pouvoir se présenter à l'examen et parfois 6 mois dans certains départements. Mais cela est valable uniquement pour 55 % des candidats qui réussissent l'examen dès le premier passage. Pour les autres, le temps d'attente entre le premier et le deuxième passage est encore plus long (en moyenne trois mois, mais 6 à 8 mois dans les départements les plus encombrés). Ce coût en termes de temps entraîne mécaniquement un coût financier. Ainsi, pour ceux qui échouent à la première tentative, le coût grimpe rapidement à plus de 2 000 euros, car il faut payer des heures de conduite supplémentaires pour ne pas perdre la main entre les deux examens qui peuvent être espacés dans le temps. Cette situation a également un coût en termes d'emplois car l'obtention d'un travail est bien souvent conditionné au fait d'avoir un permis. La question du permis de conduire doit donc être pleinement intégrée dans les problématiques des politiques de l'emploi. Enfin, cette situation a un coût en termes de sécurité et de légalité. Le permis devenant plus difficile à obtenir et, depuis l'instauration du permis à point, plus facile à perdre, on assiste à une hausse de la conduite sans permis. Certains estiment qu'il est préférable de conduire sans permis plutôt que de perdre son emploi et d'autres préfèrent ne pas avoir à attendre de passer l'examen pour conduire. Enfin, face à la difficulté pour les candidats de trouver une place, certaines auto-écoles n'hésitent pas à « vendre » des places à l'examen en proposant un tarif relevé qui donne l'assurance d'avoir une place dans le mois. Pour répondre à cette situation, il mène depuis 8 mois un travail qui l'a conduit à formuler une proposition de loi visant à accélérer, simplifier et réduire le coût du passage de l'examen du permis de conduire. Cette proposition est aujourd'hui déposée et cosignée par 80 députés. Il propose d'instaurer un permis probatoire délivré par un certificateur privé agréé par l'État. Ce permis donne le droit de conduire pendant deux ans. Au bout de ces deux années, si le candidat n'a pas commis d'infraction, il reçoit son permis à point avec 6 points, il en obtient 12 au bout de deux ans. Si le candidat commet une infraction au cours des deux années qui suivent l'obtention du permis probatoire, il doit se soumettre à un examen de contrôle mené par un inspecteur-fonctionnaire du permis de conduire. L'examen du permis probatoire mené par un certificateur privé répondra à toutes les normes de sécurité et au niveau d'exigence du permis de conduire actuel. En ouvrant la possibilité à des certificateurs de droit privé de faire passer l'examen du permis probatoire, l'offre de places à l'examen s'adaptera naturellement à la demande des candidats. Plutôt que d'augmenter le nombre d'inspecteurs du permis de conduire, solution difficile dans le contexte actuel de restriction budgétaire, et alors même que le budget pour 2014 prévoit la suppression de 35 postes d'inspecteurs et de délégué du permis de conduire (c'est-à-dire 100 000 places à l'examen en moins par an), cette proposition semble à même de répondre au problème de l'encombrement de l'examen et aux conséquences que cela suscite. Aussi, il souhaite connaître son sentiment sur une telle proposition.

Texte de la réponse

DIFFICULTÉS D'ORGANISATION DU PERMIS DE CONDUIRE


M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour exposer sa question, n°  430, relative aux difficultés d'organisation du permis de conduire.

M. Jean-Christophe Fromantin. Monsieur le ministre, le permis de conduire est un véritable serpent de mer de nos discussions, du fait des difficultés liées au manque d'inspecteurs et aux délais d'attente de plus en plus longs, particulièrement en zone urbaine.

Je commencerai par rappeler quelques chiffres importants : on compte aujourd'hui quelque 1,3 million de places disponibles pour 2 millions de candidats en attente, voire 3 ou 4 millions selon certains syndicats. Cet écart déjà extrêmement important ne fait que se renforcer, nombre de nos concitoyens ayant besoin d'obtenir leur permis de conduire pour leurs déplacements, mais aussi et surtout pour leur activité professionnelle.

Il y a donc un double problème. Le premier est celui du délai, puisqu'il faut attendre quatre à six mois pour un premier passage, et parfois un an, voire deux, pour ceux qui n'ont pas eu de chance et doivent repasser l'examen. Ce problème est au cœur des préoccupations de nos concitoyens. Le deuxième problème est financier : ce délai, qui, je le répète, peut atteindre quatre à six mois dans un cas et plus d'un an dans l'autre, oblige les candidats à prendre de nombreuses heures de cours dans l'attente d'un créneau, afin de rester au niveau. Cette contrainte pèse sur le budget des ménages et des personnes les plus modestes et met en particulier en difficulté les jeunes, qui doivent souvent s'endetter pour passer leur permis de conduire.

Au-delà des problèmes de délai et de budget, cette situation a aussi des conséquences directes sur la sécurité, puisqu'on estime à un million le nombre de personnes qui conduisent sans permis, avec tous les risques que cela comporte pour eux-mêmes, pour les tiers et en matière d'assurances.

Il est donc temps de sortir de cette situation. Il y a deux manières de le faire. La première consisterait à recruter des inspecteurs, mais les signaux qui ont été donnés ces dernières semaines vont plutôt dans le sens inverse : alors qu'il faudrait recruter deux à trois cents inspecteurs supplémentaires pour desserrer un peu l'étau, il semble que leurs effectifs soient réduits de trente-cinq postes, ce que vous nous confirmerez, ce qui représente environ 100 000 places de moins pour les candidats au permis de conduire en 2014.

L'autre voie est mise en forme dans une proposition de loi que quatre-vingts parlementaires ont cosignée avec moi la semaine dernière : il s'agirait de mettre en place une sorte de partenariat public-privé, ou en tout cas d'utiliser les moyens du privé, en l'occurrence d'organismes certificateurs comme ceux qui font déjà passer les contrôles techniques automobiles par exemple, tout en maintenant le rôle des inspecteurs. Ceux-ci pourraient contrôler les candidats ayant obtenu un certificat probatoire de deux ans auprès d'un organisme agréé. À la première infraction, ils vérifieraient, par un double examen, que le permis est bien valide. Ils pourraient, par ailleurs, procéder à des contrôles aléatoires.

Cette proposition qui va vous être transmise d'un permis probatoire serait de nature à articuler le public et le privé, à desserrer l'étau et sans doute à fluidifier le système qui aujourd'hui est complètement bloqué.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur Fromantin, vous soulevez une question qui intéresse évidemment nos concitoyens, surtout les plus jeunes et leurs parents. Le permis de conduire n'est pas seulement une autorisation administrative ; pour les jeunes, c'est l'accès à l'indépendance, à la mobilité, à l'âge adulte. Le travail que vous avez mené, et qui a abouti à une proposition de loi, explore une voie nouvelle. Je vais vous répondre, mais il convient sans doute de poursuivre ce débat.

Je rappellerai qu'avec 3,3 millions de candidats chaque année, le permis de conduire est aujourd'hui le premier examen de France. Il me semble essentiel qu'il reste organisé par l'État, et ce pour plusieurs raisons. D'abord, la compétence des agents du corps des inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière est reconnue et garantit pleinement la qualité du permis délivré. Ces compétences sont d'ailleurs très strictement encadrées par une directive du 20 décembre 2006, qui fixe un certain nombre d'obligations en termes de formation initiale, faisant de ces inspecteurs des experts dans le domaine de l'évaluation de la conduite. À l'heure actuelle, en France, ces compétences sont uniquement détenues par le corps des IPCSR. Confier le passage de l'examen à un organisme privé remettrait en cause le service public du permis de conduire auquel le Gouvernement est tout particulièrement attaché.

Par ailleurs, cette mesure aurait des conséquences financières pour les usagers, qui se verraient facturer le coût du passage de l'examen alors qu'il est aujourd'hui gratuit. Elle viendrait donc alourdir le coût de l'examen du permis de conduire, déjà souvent jugé élevé alors que la France se situe aujourd'hui dans la moyenne des pays européens. J'ajoute qu'une telle proposition n'encourage plus au suivi de l'apprentissage anticipé de la conduite, alors que ce mode d'apprentissage a démontré tout son intérêt, notamment en termes d'accidentalité et de réussite à l'examen. La pratique de la conduite accompagnée s'est répandue ces dernières années, pour concerner aujourd'hui 60 % des candidats.

Votre proposition, enfin, soulève un certain nombre d'interrogations : quels seraient le délai et les modalités de mise en œuvre de ce dispositif, que je crois complexe ? Quelles seraient les conséquences juridiques en cas d'infraction dans le délai de deux ans ? Comment, enfin, serait assurée la répartition des compétences entre l'organisme certificateur et l'inspecteur ? Les questions ne manquent pas.

Pour autant, je suis parfaitement conscient des difficultés que peuvent rencontrer certains usagers ayant échoué à l'examen pour repasser leur permis dans un délai raisonnable – ils représentent 40 % des candidats. J'ai donc souhaité ouvrir une réflexion globale sur la question des délais et des places d'examen. C'est pourquoi j'ai demandé à la présidente de la commission « Jeunes et éducation routière » du Conseil national de la sécurité routière de mener une concertation élargie sur ce sujet et de proposer un plan d'actions. Une présentation en a été faite vendredi dernier.

Monsieur le député, nous sommes déterminés à agir rapidement dans ce domaine, et beaucoup de collectivités y participent aussi, par un certain nombre de dispositifs d'aide aux jeunes. Je vous propose donc que nous poursuivions ensemble cette réflexion.