code des marchés publics
Question de :
M. Christophe Guilloteau
Rhône (10e circonscription) - Les Républicains
M. Christophe Guilloteau appelle l'attention de M. le ministre de la défense sur certaines difficultés susceptibles d'apparaître dans l'application des textes régissant la protection du secret de la défense nationale, particulièrement en droit des marchés publics. Par principe, la commande publique est soumise à des obligations générales de transparence et d'égalité d'accès des candidats devant être soumis à une libre concurrence. Aux termes du 7° de l'article 3 du code des marchés publics, ne sont cependant pas soumis aux dispositions de ce code, les marchés classifiés dans les conditions du titre Ier du livre III de la 2e partie du code de la défense. Aux termes de l'article R. 2311-5 du code de la défense, le ministre compétent décide de la classification du marché public concerné. Cette décision n'est pas susceptible de recours juridictionnel. Mais il est également impossible que soit exercé devant le juge compétent un recours juridictionnel contre les actes préparatoires et d'exécution du dit marché public. Il n'est donc pas possible de savoir si la classification était fondée, notamment eu égard à la définition donnée des différents niveaux d'habilitation par les dispositions précitées du code de la défense. Compte tenu des très importantes dérogations au droit des marchés publics que permet le recours à la procédure de classification, il serait équitable, tout en maintenant l'impossibilité d'une voie de recours contre la décision de classification, qu'au moins celle-ci ne fasse pas obstacle à ce que les décisions d'attribution et d'exécution d'un marché public classifié confidentiel ou secret défense puissent faire l'objet d'un recours ad hoc. Si à l'évidence, les spécificités des actes classifiés font obstacle à ce qu'il soit fait recours aux voies de droit commun, il n'existe aucun obstacle à ce que puisse être créée une formation spéciale composée de magistrats administratifs qui seraient dûment habilités pour les besoins de cet office et qui statueraient dans le cadre d'une procédure non publique. En tout état de cause, l'absence totale de voies de recours, y compris spécialement aménagées, semble manifestement disproportionnée eu égard aux buts poursuivis et serait susceptible d'entraîner un risque de condamnation de la France devant la Cour européenne des droits de l'Homme. Il souhaiterait connaître les dispositions réglementaires qui pourraient être rapidement prises pour pallier cette carence de texte.
Réponse publiée le 25 mars 2014
Les marchés publics classifiés « confidentiel » ou « secret défense », passés hors du champ d'application du code des marchés publics (CMP) sur le fondement de l'exclusion prévue au 7° de l'article 3 du CMP, peuvent faire l'objet de voies de recours. En effet, il convient tout d'abord de préciser que le champ d'application du 7° de l'article 3 du CMP demeure très restreint et qu'il ne vise que les cas de figure dans lesquels sont réunies les conditions d'application du a) du 1 de l'article 346 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui dispose que « aucun État membre n'est tenu de fournir des renseignements dont il estimerait la divulgation contraire aux intérêts essentiels de sa sécurité ». Par conséquent, la plupart des marchés faisant l'objet d'une classification ou comportant des clauses de protection du secret(1), parce qu'ils impliquent du fait de leur passation et/ou de leur exécution l'accès à des supports ou des informations classifiés, ou à des lieux abritant de tels supports ou informations, sont passés conformément au CMP. Les dispositions prévues dans la troisième partie du CMP, spécifiques aux marchés de défense et de sécurité définis en son article 179, offrent un cadre réglementaire particulièrement adapté à la passation et l'exécution de ces marchés sensibles. Il n'existe donc pas de dérogation de principe excluant tous les marchés publics classifiés des procédures de publicité et de mise en concurrence. Dans ce contexte, s'agissant des opportunités de voies de recours, même les marchés les plus sensibles relevant de l'exclusion prévue au 7° de l'article 3 du CMP sont soumis au contrôle du juge, notamment dans le cadre d'un recours en référé précontractuel. Ainsi, l'article L. 551-1 du code de justice administrative, qui vise les « contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la délégation d'un service public », permet d'assurer un système de recours uniforme pour tous les contrats de la commande publique, qu'ils soient ou non passés en application du CMP. Cette soumission des marchés publics sensibles et/ou classifiés au contrôle du juge est confirmée par la jurisprudence. A titre d'illustration, le Conseil d'État a été amené à connaître d'une consultation lancée par le ministre de l'intérieur sur le fondement du 7° de l'article 3 du CMP pour la passation d'un contrat portant sur la fourniture de passeports électroniques sécurisés et de systèmes de suivi et de gestion de clefs (Conseil d'Etat, 3 mars 2006, Société François-Charles Oberthur Fiduciaire, n° 287960). Ainsi, les dispositions législatives et réglementaires en vigueur offrant des voies de recours suffisantes afin de garantir les droits des justiciables contre les décisions d'attribution et d'exécution des marchés publics classifiés, aucune évolution réglementaire n'apparaît à ce jour nécessaire. (1) Au sens de l'arrêté du 30 novembre 2011 portant approbation de l'instruction générale interministérielle n° 1 300 sur la protection du secret de la défense nationale, notamment ses articles 93 et suivants.
Auteur : M. Christophe Guilloteau
Type de question : Question écrite
Rubrique : Marchés publics
Ministère interrogé : Défense
Ministère répondant : Défense
Dates :
Question publiée le 26 novembre 2013
Réponse publiée le 25 mars 2014