14ème législature

Question N° 45078
de Mme Huguette Bello (Gauche démocrate et républicaine - Réunion )
Question écrite
Ministère interrogé > Outre-mer
Ministère attributaire > Outre-mer

Rubrique > agriculture

Tête d'analyse > prix

Analyse > sucre. politiques communautaires.

Question publiée au JO le : 10/12/2013 page : 12841
Réponse publiée au JO le : 18/02/2014 page : 1629

Texte de la question

Mme Huguette Bello interroge M. le ministre des outre-mer sur les conséquences du nouveau règlement européen qui supprime, à partir de 2017, les quotas et les prix garantis dont bénéficie le sucre européen. À La Réunion, cette décision va provoquer un véritable bouleversement dans la plus ancienne filière agricole, qui emploie plus de 20 000 personnes. Alors que jusqu'ici elle était intégralement vendue à un prix de référence garanti, la production sucrière sera d'ici trois ans soumise aux seules lois du marché et à la concurrence internationale. Pour les agriculteurs directement concernés comme pour l'ensemble de la société réunionnaise, cette mutation sans précédent est vécue avec appréhension. Tous craignent que la fin des quotas sucriers et des prix garantis ne remette en cause l'ensemble de la filière et les multiples activités liées à la canne, au premier rang desquelles la diversification agricole (animale et végétale) et l'objectif de sécurité alimentaire. L'inquiétude est d'autant plus grande que d'importants efforts ont été accomplis durant ces dernières décennies pour accroître la productivité de cette filière et pour exploiter les multiples potentialités de cette culture notamment environnementales : la canne est désormais une source d'énergie renouvelable non négligeable à La Réunion. Au fil des décennies, l'agriculture réunionnaise s'est structurée autour de filières complémentaires où les cultures destinées à l'exportation ne s'opposent pas à celles tournées vers la satisfaction des besoins élémentaires locaux. 80 % des produits frais consommés par les Réunionnais sont produits localement. Remettre en cause la filière de la canne autour de laquelle ce modèle s'est progressivement construit risque de mettre à mal l'ensemble de l'activité agricole réunionnaise. C'est pourquoi elle lui demande de bien vouloir lui indiquer, outre les contours et les modalités de l'étude que le Gouvernement a confiée récemment à un cabinet indépendant, les initiatives qu'il compte prendre, notamment auprès des instances européennes, pour éviter une catastrophe.

Texte de la réponse

Le marché du sucre est encadré par l'Organisation Commune des Marchés du secteur agricole (règlement OCM unique), qui fixe pour chaque État membre des quotas sucriers (quantité de sucre pouvant être vendue sur le marché européen) et des prix de référence. Sous la pression de plusieurs grands pays exportateurs de produits agricoles (Brésil, Australie, Thaïlande...), l'Organisation mondiale du commerce (OMC) a condamné le règlement sucrier européen (confirmation de la condamnation en 2005). Le règlement sucrier a donc été réformé une première fois en 2006. Il avait alors été décidé la baisse du prix du sucre de 36 %, de manière graduelle et la restructuration des unités sucrières. L'Union européenne avait autorisé les États à compenser cette baisse du prix par une subvention supplémentaire (59 M€ pour les DOM). Le secteur sucrier bénéficie dès lors, au niveau communautaire, d'un encadrement du marché qui garantit aux producteurs sa stabilité, au moyen d'instruments de régulation que sont essentiellement, le prix minimum garanti, la limitation des possibilités de production nationale pour le sucre alimentaire et non alimentaire (quotas) et la prise en compte des accords interprofessionnels. L'organisation commune du marché du sucre en vigueur (OCM unique) prévoit le maintien de ce régime, jusqu'au terme de la campagne de commercialisation 2014-2015. Cette réforme n'était qu'une première phase. L'Union européenne devait arrêter de garantir à ses producteurs de sucre des quotas et donc un prix fixe au-dessus du cours mondial. Le système des quotas a conduit l'Organisation mondiale du commerce à limiter les exportations européennes à 1,37 million de tonnes (Mt) sur fond d'accusation de dumping. Ainsi comme l'Europe risque de voir arriver du sucre des ACP et des PMA (libéralisation du marché) sans pouvoir exporter dans la même mesure, la production intérieure serait la variable d'ajustement du marché. Pour la Commission, il faut donc en finir avec les quotas pour permettre l'export. L'OCM unique a donc été révisée une deuxième fois comme prévu, dans le cadre de la réforme de la PAC post 2013. Les nouveaux règlements PAC prévoient ainsi la fin des quotas sucriers pour la campagne 2017, laissant de ce fait le marché se gérer librement (loi de l'offre et de la demande). Pour permettre à la filière d'anticiper au mieux cette échéance, le Gouvernement a défendu, au niveau européen, le report de cette échéance, et a obtenu un délai supplémentaire jusqu'en 2017 au lieu de 2015. D'autres filières ont connu les mêmes mutations (bananes) et sont parvenues grâce au soutien public à s'adapter au nouvel environnement. Les conséquences pour La Réunion pourraient être les suivantes : La production des DOM représente 265 000 tonnes (2012) - chiffre qu'il convient de comparer avec les 15 millions de tonnes que représente la production européenne de sucre et les 181,5 Mt que représente la production mondiale. Il est à noter que la consommation mondiale de sucre est de 176,8 Mt. La Réunion, qui produit en moyenne 200 000 t de sucre soit près de 75 % de la production totale de l'outre-mer, exporte 95 % de sa production en Europe, pour moitié en France et pour l'autre moitié dans un certain nombre de pays européens. La filière canne de La Réunion est structurée et se caractérise par la présence de deux usines, de 3 500 planteurs et de 12 000 emplois, directs et induits. Les deux sucreries de La Réunion appartiennent depuis 2010 au groupe Téréos, qui est le 4e producteur mondial de sucre, qui apporte à la filière un appui important et une très bonne connaissance du marché. La moitié des 200 000 tonnes de sucre fabriquées à La Réunion (moyenne), soit 100 000 tonnes, est exportée en Europe pour y être raffinée et devenir du sucre blanc, ce qui la place en concurrence directe avec les 18 millions de tonnes produites en Europe. Or, sur ce marché, la compétitivité d'un produit dépend étroitement de son prix. Ainsi, la filière canne devra poursuivre ses efforts en termes d'innovation pour maintenir sa compétitivité et faire face à une nouvelle concurrence. Le Gouvernement a toujours soutenu cette filière pourvoyeuse d'emplois directs et indirects et continuera à le faire. Les montants alloués à la filière canne-sucre-rhum au niveau du Posei (75 M€ pour l'ensemble des DOM) et des aides nationales (86,4 M€) témoignent de l'importance de ce secteur pour le Gouvernement. Au niveau communautaire, le Gouvernement veillera au maintien de l'enveloppe financière à un niveau permettant son développement. De plus, les négociations menées depuis 2012, avec la Commission, pour défendre la mesure de défiscalisation du rhum traditionnel (taux d'accise réduit), montre la détermination du Gouvernement à aider la filière canne-sucre-rhum dans sa globalité. Les résultats obtenus vont permettre d'assurer une visibilité (2014-2020), nécessaire à la filière. Pour les sucres roux (dits sucres spéciaux) qui représentent 50 % de la production, la concurrence est moindre et La Réunion se trouve parmi les premiers producteurs en termes de qualité. Sur ce marché, la production n'est donc pas en compétition directe avec le sucre européen, qui provient uniquement de la betterave, et elle se positionne devant l'Île Maurice et, a fortiori, devant le Swaziland et le Malawi, dont les productions sont inférieures. Sur ces marchés, la compétitivité s'appuie plus sur la qualité du produit que sur son prix et, sur ce point, La Réunion a une dizaine d'années d'avance sur ses concurrents. Ce type de production est mieux valorisé et doit être encouragé. Dans le cadre des différents accords commerciaux en cours de négociation (UE/USA, Mercosur...), le Gouvernement étudie la possibilité de protéger ce secteur de la concurrence externe. En parallèle, le soutien à la démarche IGP (Indication Géographique Protégée) qui est en cours, devrait permettre une meilleure reconnaissance du sucre de canne de La Réunion. Les co-produits sont de plus en plus valorisés, permettant de conforter la filière. Ainsi la filière canne-sucre dispose d'une plate forme de recherche agronomique, technologique et génétique reconnue dans le monde entier au travers de eRcane. De nouveaux débouchés sont à l'Etude avec le CIRAD autour de la chimie verte (domaines des bioplastiques, cosmétiques, médicaments...). Etude sucre : L'étude « Evaluation des aides à la filière sucre des départements d'outre-mer » a été lancée à l'été 2013. Le cabinet Solving Efeso devrait rendre ses conclusions en avril 2014. Les professionnels ont été associés à cette étude par les missions réalisées par le cabinet dans les DOM concernés. De plus un groupe de travail interministériel, se réunit sur le sujet tout au long de l'étude pour échanger avec les acteurs locaux. Cette évaluation s'inscrit dans une démarche normale d'évaluation des aides publiques. Les différentes mesures de soutien à l'agriculture outre-mer font ou feront l'objet d'évaluation (programme POSEI, Plan banane durable...). L'objectif de cette étude est d'évaluer le dispositif d'accompagnement de la filière et, en tant que de besoin, de dégager des perspectives d'amélioration.