14ème législature

Question N° 45740
de Mme Marietta Karamanli (Socialiste, républicain et citoyen - Sarthe )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie et finances
Ministère attributaire > Finances et comptes publics

Rubrique > politique économique

Tête d'analyse > croissance

Analyse > orientations. politiques communautaires.

Question publiée au JO le : 10/12/2013 page : 12812
Réponse publiée au JO le : 24/02/2015 page : 1362
Date de changement d'attribution: 27/08/2014

Texte de la question

Mme Marietta Karamanli attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur l'endettement des États dans la zone euro et l'utilité de mesures en faveur de la croissance dans l'ensemble de la zone. À la fin du deuxième trimestre 2013, le ratio de la dette publique par rapport au PIB s'est établi à 93,5 % dans la zone euro (à 17) contre 92,3 % à la fin du premier trimestre 2013 et à 86,8 % du PIB par rapport au premier trimestre 2013. Dix-neuf États membres ont enregistré une hausse du ratio de leur dette publique par rapport au PIB à la fin du deuxième trimestre 2013. Notre pays se situe dans la moyenne à 93,5 %. Il y a donc eu une croissance continue de l'endettement public malgré de fortes mesures de diminution des dépenses publiques ou d'augmentation des impôts. Une étude de l'Union européenne montre que l'effet d'assainissement préconisée par l'Union serait limité et aléatoire, alors même que la croissance aurait été affectée de l'ordre de 3 % à 8 % sur trois années par l'orientation prise. Notre pays aurait ainsi perdu 4,8 % de croissance du fait de l'orientation économique prise par l'Union européenne. Est pointée la difficulté de plusieurs États à accéder dans de bonnes conditions aux marchés financiers. L'étude suggère que des mesures fiscales dans un certain nombre de pays connaissant un excédent pourraient avoir un effet bénéfique pour l'ensemble de la zone. Elle lui demande quelles initiatives le Gouvernement français entend prendre en direction de ses partenaires européens pour que, dans la zone euro, il y ait un arrêt de la baisse de la demande et éviter comme le signalait le FMI dans son rapport d'avril 2013 que les progrès ne soient « freinés par la lassitude face à l'ajustement ».

Texte de la réponse

L'étude de Jan in't Veld montre effectivement que les efforts d'ajustement budgétaires menés par les pays de l'Union européenne depuis le début de la crise se traduisent, en 2013, par un niveau de PIB inférieur à ce qu'il aurait été en l'absence d'ajustement. Mais l'étude montre surtout que l'effet négatif sur la croissance a été exacerbé par le caractère simultané des ajustements réalisés par les pays de la zone euro, en raison, notamment, de la baisse des exportations qu'ils ont induite. L'étude estime à 1,5 - 2,5 points de PIB l'impact supplémentaire lié à cet effet et la mauvaise coordination, selon l'auteur, des efforts d'ajustement entre les différents pays. L'auteur de l'étude ne remet cependant pas en cause le fait qu'un redressement ambitieux était nécessaire à court-terme, notamment dans les États membres où l'accès aux marchés était menacé. Un rythme de consolidation plus modéré aurait en effet pu attiser les craintes relatives à un défaut souverain et de ce fait accroître encore les tensions sur les marchés financiers, avec des répercussions plus dommageables encore pour la croissance et la stabilité de la zone euro que la consolidation budgétaire elle-même. Nous ne connaîtrons par définition jamais quel aurait l'impact d'un tel scénario ; sa perspective justifiait, cependant, la nécessité de replacer au plus vite les dettes publiques sur une trajectoire soutenable. Celles-ci continuent d'augmenter à court-terme, en raison à la fois des déficits publics que continuent d'enregistrer la plupart des États membres, et de la faiblesse de la croissance nominale. Mais les dettes sont désormais placées sur une trajectoire soutenable et, en tout état de cause, à des niveaux bien moindres que ceux qu'ils auraient été sans ces efforts de redressement. Il en va de notre crédibilité, mais également de la nécessité d'assurer la soutenabilité à long terme de nos finances publiques - et ainsi préserver nos modèles sociaux -, que ces efforts soient poursuivis. En revanche, l'impératif de redressement doit également se conjuguer avec la nécessité de préserver la croissance. La stratégie doit donc être équilibrée, ce que la France appelle de ses voeux depuis le début de la crise. C'est notamment sous son impulsion, ainsi que celle de plusieurs organisations internationales (dont le fonds monétaire international, qui avait à l'automne 2012 admis que l'impact récessif de la consolidation budgétaire avait été sous-estimé), que la doctrine européenne a été infléchie à l'été 2013 : les États membres ayant respecté l'effort budgétaire requis mais n'ayant pas atteint les cibles nominales de déficit public en raison d'un environnement macroéconomique plus dégradé que prévu ont bénéficié d'un report de leur cible nominale. C'est en particulier le cas de la France dont la date de retour du déficit public en-deçà de 3 % a été reportée de 2013 à 2015. Cette décision, qui respecte à la fois la lettre et l'esprit du Pacte de stabilité et de croissance, place l'ajustement structurel au coeur du redressement et offre la possibilité de laisser jouer les stabilisateurs automatiques le long de la trajectoire d'ajustement, permettant ainsi d'atténuer les chocs sur l'activité économique. Cette décision a bien permis un ralentissement de la trajectoire d'ajustement : d'après les derniers chiffres de la Commission en date de novembre 2013, le solde structurel en zone euro se serait en moyenne amélioré de 0,6 point de PIB en 2013, vs. 1,5 point de PIB en 2012, reflet d'un ajustement à la fois plus étalé dans le temps et compatible avec les objectifs de soutenabilité à long-terme. Ainsi qu'inscrit dans la recommandation adressée à la zone euro par le Conseil à l'été 2013, et réaffirmé par l'Eurogroupe dans son communiqué publié le 22 novembre, l'adéquation de la stratégie de redressement budgétaire aux conditions macroéconomiques continuera de faire l'objet d'un suivi et de débats réguliers. Dans le cadre de ces discussions, la France continuera d'insister auprès de ses partenaires et des institutions européennes sur la nécessité d'une stratégie équilibrée, qui ne compromette aucun objectif et qui permette désormais un ancrage solide de la reprise. Concernant enfin la possibilité de prendre des mesures pour soutenir la demande dans les pays disposant de marges de manoeuvre sur le front budgétaire, la France partage les conclusions dégagées par l'auteur de l'étude. Celles-ci figurent également dans le rapport de l'Annual Growth Survey de la Commission européenne, publié le 13 novembre, où les États membres disposant de marges de manoeuvre budgétaires sont invités à les mettre à contribution pour soutenir l'investissement et la consommation. Cette orientation est d'ailleurs reflétée dans l'accord de coalition du nouveau gouvernement allemand, qui prévoit la mise en place d'un salaire minimum ainsi qu'une augmentation de l'investissement public. De manière plus ciblée, la France a joué un rôle moteur dans la mise en place au niveau européen de nombreuses initiatives ambitieuses en faveur de la croissance et l'emploi : - le pacte pour la croissance et l'emploi, adopté à l'occasion du Conseil européen de juin 2012, qui inclut des mesures de financement de l'économie à effet rapide, d'un total de 120 Mds€ (dont une augmentation de capital de la Banque européenne d'investissement de 10 Mds€ et le lancement de la phase pilote des obligations de projet) ; - la création d'un nouvel instrument européen de partage des risques pour les PME ; - la « garantie pour la jeunesse », avec en particulier le décaissement des 6 Mds€ prévus par l'« Initiative pour l'emploi des jeunes sur 2014 et 2015 ; - la forte hausse des dépenses de compétitivité dans le cadre financier pluriannuel du budget européen (+ 38 % sur 2014-2020 par rapport au précédent cadre 2007-2013). Cette hausse va permettre de mieux financer la recherche et le développement, l'innovation et les grands projets européens fédérateurs, comme ITER dans le nucléaire ou Galileo dans le domaine spatial. La France continue de porter le message sur la nécessité de placer la croissance au coeur de la stratégie de redressement. Les ajustements que nous menons ne seront durables que s'ils bénéficient aux pays et aux peuples, qu'ils se traduisent par des créations d'emplois et qu'ils contribuent à améliorer notre potentiel de croissance à moyen-terme. Il est également indispensable que nous continuions de lutter contre les conséquences sociales de la crise, à la fois au niveau national mais également au niveau européen. C'est notamment dans cette perspective que des indicateurs sociaux ont été ajoutés à la procédure de surveillance des déséquilibres macroéconomiques, de manière à ce que la dimension sociale soit prise en compte dans les recommandations de politique économique formulées à l'égard des États membres de la zone euro.