14ème législature

Question N° 45774
de Mme Colette Capdevielle (Socialiste, républicain et citoyen - Pyrénées-Atlantiques )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > professions judiciaires et juridiques

Tête d'analyse > experts

Analyse > régime fiscal.

Question publiée au JO le : 10/12/2013 page : 12840
Réponse publiée au JO le : 09/08/2016 page : 7267
Date de changement d'attribution: 28/01/2016
Date de signalement: 10/05/2016
Date de renouvellement: 15/07/2014
Date de renouvellement: 11/11/2014
Date de renouvellement: 17/02/2015
Date de renouvellement: 26/05/2015
Date de renouvellement: 13/10/2015
Date de renouvellement: 19/01/2016
Date de renouvellement: 03/05/2016
Date de renouvellement: 03/05/2016

Texte de la question

Mme Colette Capdevielle attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le statut des experts judiciaires et la lisibilité de leur régime fiscal. En effet, les experts judiciaires sont assujettis à des impôts contradictoires. D'une part, ils sont affiliés en leur qualité de collaborateur occasionnel du service public (L. 311-2 et L. 311-3 du code de la sécurité sociale) au régime général de la sécurité sociale (décret 2000-35 du 17 janvier 2000), qui est en principe celui des salariés. À ce titre, ils sont tenus de verser des cotisations sociales. D'autre part, étant considérés comme exerçant une activité économique de manière indépendante, ils seront assujettis à la TVA à compter du 1er janvier 2014. En effet, la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne Margarete Unterperting (aff. C-212-01) met fin à l'exonération de TVA dont bénéficiaient jusque-là les expertises médicales judiciaires réalisées dans le prolongement d'une activité thérapeutique. Celles-ci relèvent désormais du champ de l'article 256A du code général des impôts. Contestant l'appréciation selon laquelle ils exercent en toute indépendance, les experts judiciaires font état des diverses contraintes imposées par l'autorité judiciaire sur leur activité (nomination, mission, rémunération). À leurs yeux, celles-ci sont susceptibles de caractériser l'existence d'un lien de subordination de nature à rattacher leur revenu à la catégorie des traitements et salaires et non à celle des bénéfices non commerciaux. Dans les précédentes réponses apportées à des questions écrites approchantes, le Gouvernement a toutefois estimé « qu'il résulte d'une jurisprudence constante, tant administrative que judiciaire, que ces sujétions ne caractérisent pas l'existence d'un lien de subordination ». La jurisprudence concernée dispose, en effet, que « l'expertise judiciaire est par nature exclusive d'un lien de subordination entre celui qui y procède et l'autorité judiciaire dont il tient sa désignation » (Cass. soc. 14 juin 1990, n° 87-12-26, bulletin V n° 289, p. 173). Cependant, une telle appréciation est contraire au principe selon lequel la détermination du régime fiscal de sommes perçues à l'occasion d'une activité professionnelle nécessite un examen des conditions effectives de l'activité. Dès lors, il apparaît nécessaire de procéder à une clarification du statut des experts judiciaires, elle-même de nature à simplifier leur régime fiscal.

Texte de la réponse

La loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 1999 (loi no 98-1194 du 23 décembre 1998) prévoyait l'affiliation au régime général d'un grand nombre de collaborateurs occasionnels du service public notamment de la justice (COSP) énumérés dans le décret du 17 janvier 2000 no 2000-35 modifié. Figuraient parmi cette liste les experts judiciaires. La mise en œuvre de ce dispositif s'est avérée particulièrement complexe en raison du volume de mémoires traités, du nombre de prestataires concernés et de la diversité de leur situation. Dans le même temps, en vertu de l'indépendance des droits fiscal et social, ces mêmes collaborateurs étaient soumis par principe à la TVA (en application notamment de la jurisprudence européenne que vous citez) au-delà d'un certain chiffre d'affaires, rendant encore plus complexe leur situation.  Ainsi, ce double assujettissement social et fiscal n'a jamais pu être mis en œuvre, pour des raisons techniques et pratiques. C'est ainsi qu'a été missionnée une inspection interministérielle relative aux COSP qui a rendu son rapport en juillet 2014. La mission inter-inspections a conclu à la nécessité d'opérer une répartition parmi les prestataires en fonction de l'existence ou non d'un lien de subordination les rattachant à l'autorité judiciaire. Dans le cas où le prestataire personne physique est indépendant, il est affilié au régime social des indépendants et soumis à la TVA ; dans le cas où il a un lien de subordination vis-à-vis de l'autorité judiciaire, il est affilié au régime général, sans assujettissement à la TVA. Parallèlement, la loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 2015 (loi no 2014-1554 du 22 décembre 2014) est venue modifier le régime des COSP sur la base d'une nouvelle rédaction de l'article L.311-3 du code de la sécurité sociale, conduisant à la rédaction d'un nouveau décret d'application no 2015-1869 du 30 décembre 2015. L'objectif de la réforme est de mettre fin au double assujettissement social et fiscal pour une même prestation. Une répartition a ainsi été opérée parmi les prestataires personnes physiques en fonction du lien de subordination - ou de son absence - les rattachant à l'autorité judiciaire. Sur cette base, les experts judiciaires ont été sortis du statut des collaborateurs occasionnels du service public, mettant fin au double assujettissement. En effet, en l'état, l'activité d'expert est analysée selon une jurisprudence constante comme étant exclusive d'un lien de subordination entre celui qui y procède et l'autorité judiciaire dont il tient sa désignation.  Il a donc été mis fin par ce décret à la situation que vous décrivez pour les experts judiciaires. Ces derniers doivent dès lors, comme tout indépendant, cotiser au régime social des indépendants et être assujettis à la TVA dès lors que leur chiffres d'affaires relatif à leur activité expertale est supérieur à 32 600 euros l'année civile précédente.  Toutefois, suite à de fortes revendications des praticiens hospitaliers et à un mouvement de contestation des experts psychiatres et psychologues, le ministère de la justice a obtenu la modification du décret no 2015-1869 du 30 décembre 2015 par le décret no 2016-744 du 2 juin 2016 relatif à l'affiliation au régime général de la sécurité sociale des personnes participant de façon occasionnelle à des missions de service public. Sont désormais affiliés au régime général les médecins et les psychologues exerçant des activités d'expertises médicales, psychiatriques, psychologiques ou des examens médicaux, rémunérés en application des dispositions de l'article R. 91 du code de procédure pénale et qui ne sont pas affiliés à un régime de travailleurs non salariés (article D.311-1 3° du code de la sécurité sociale).  S'agissant du statut fiscal de ces derniers, le ministère de la justice a interrogé le ministère des finances et des comptes publics, compétent en matière de droit fiscal.