Internet
Question de :
Mme Seybah Dagoma
Paris (5e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
Mme Seybah Dagoma appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les moyens mis en œuvre pour identifier les auteurs de publications électroniques haineuses et pénaliser leurs auteurs. Depuis quelques mois, on assiste en effet à une libération de la parole raciste, qui trouve dans les moyens de diffusion électronique un canal présentant l'avantage de la facilité d'usage, de la gratuité, et de la viralité. Si l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881 qualifié bien de crime ou délit l'usage des moyens « de communication au public par voie électronique » dans le but de provoquer des crimes et des délits, elle s'interroge sur l'adéquation des moyens disponibles et en particulier sur l'efficacité de la plateforme Pharos (plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements) gérée par le ministère de l'Intérieur, pour agir dans un contexte où bien souvent, des utilisateurs opérant depuis la France, se cachent derrière des pseudos et utilisent des plateformes d'hébergement situées à l'étranger. Elle lui demande donc quels nouveaux moyens pourraient être mise en place pour traquer les publications électroniques à caractère racistes, antisémites ou d'appel à la violence sur la toile, et ainsi pouvoir pénaliser leurs auteurs.
Réponse publiée le 11 mars 2014
Au côté d'autres acteurs, la police et la gendarmerie nationales sont activement impliquées dans la lutte contre les propos racistes et antisémites diffusés sur Internet. La répression de ces propos se fonde sur la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui permet de sanctionner leur diffusion sur Internet soit au titre de la diffamation publique à caractère racial, soit au titre de l'injure publique à caractère racial, soit au titre de la provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale, soit enfin en tant que contestation de crimes contre l'humanité. Face à un phénomène souvent international, il convient de rappeler que les juridictions françaises sont compétentes pour poursuivre et sanctionner ces actes, dès lors que les contenus illicites diffusés sur Internet sont accessibles depuis la France. Pour autant, les services de police se heurtent à des contraintes liées, notamment, à l'impossibilité d'identifier les hébergeurs domiciliés à l'étranger, notamment aux Etats-Unis où ils bénéficient de la protection du 1er amendement de la Constitution relatif à la liberté d'expression. La difficulté d'apporter une réponse systématique à ce phénomène peut contribuer à donner un sentiment d'impunité aux internautes qui diffusent de tels messages. En application de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, fournisseurs d'accès à Internet (FAI) et hébergeurs doivent concourir à la lutte contre la diffusion de certaines infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881 (apologie des crimes contre l'humanité ; provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée). A cette fin, si les FAI et les hébergeurs ne sont pas soumis à une obligation générale de surveillance, ils peuvent être astreints à une activité de surveillance ciblée et temporaire demandée par l'autorité judiciaire. De même, les fournisseurs d'accès et d'hébergement ont l'obligation de déférer aux décisions de justice destinées à faire cesser ou à prévenir un dommage. Enfin, la loi leur impose d'informer promptement les autorités publiques compétentes de toute activité illicite (mentionnée à l'art. 6.1.7 de la loi du 21 juin 2004) portée à leur connaissance qu'exerceraient les destinataires de leurs services, et de mettre en place un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance ce type de données. Tout manquement à ces obligations est puni d'un an d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. La surveillance et la répression de ce phénomène sont assurées à titre principal par la plate-forme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (PHAROS) placée au sein de l'office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC) de la direction centrale de la police judiciaire. Cette plate-forme, accessible au public par le portail www. internet-signalement. gouv. fr, permet aux internautes et aux professionnels de signaler en ligne les sites ou contenus d'Internet potentiellement contraires aux lois et règlements. Composée de sept policiers et de sept gendarmes, elle est chargée d'analyser et d'orienter vers les services d'enquête les signalements. Au cours des neuf premiers mois de 2013, PHAROS a recueilli 93 944 signalements, dont 9 517 relèvent du racisme ou de la discrimination (provocations publiques à la haine, à la discrimination ou à la violence, diffamations et injures raciales...). Sur ces 9 517 signalements, 1 300 ont été transmis à des services de police ou de gendarmerie pour enquête ou information. Sur le plan de la prévention, l'OCLCTIC rencontre régulièrement les différents acteurs concernés (associations de lutte contre le racisme, hébergeurs, FAI...). De nombreux réseaux sociaux (Dailymotion, Myspace, Skyrock. com, Doctissimo, Facebook, etc.) et des associations (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme, Action Innocence, etc.) ont signé une convention de partenariat qui leur permet d'obtenir des comptes de signalement « professionnels » pour accéder à un formulaire spécifique sur le site www. internet-signalement. gouv. fr. L'OCLCTIC assure également des sessions de formation à lutte contre la xénophobie et les discriminations, ainsi que des missions d'information (l'OCLCTIC a par exemple présenté le 20 septembre 2013 au réseau d'aide aux victimes de discriminations les actions menées en la matière par PHAROS). Pour accroître l'efficacité de la réponse publique, l'ensemble des ministères concernés (justice, économie, intérieur, économie numérique) a souhaité, à la suite du séminaire gouvernemental sur le numérique du 28 février 2013, la mise en place d'un groupe de travail interministériel afin d'approfondir la stratégie globale et efficace de lutte contre la cybercriminalité souhaitée par le Gouvernement. Les conclusions du groupe de travail sont attendues au cours du premier trimestre 2014 ; elles permettront très probablement de répondre aux attentes des services d'enquêtes en proposant de nouveaux moyens d'actions permettant de lutter encore plus efficacement contre les contenus haineux en ligne.
Auteur : Mme Seybah Dagoma
Type de question : Question écrite
Rubrique : Télécommunications
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 10 décembre 2013
Réponse publiée le 11 mars 2014