Rubrique > justice
Tête d'analyse > Cour de cassation
Analyse > pourvoi suspensif. réglementation.
M. Gilbert Collard attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la question du caractère suspensif du pourvoi en cassation en ce qui concerne les sanctions disciplinaires dans le domaine des auxiliaires de justice appartenant à une profession réglementée. Sous réserve absolue de sa constitutionnalité, voire de sa conformité aux textes normatifs de l'Union européenne, le régime français disciplinaire des auxiliaires de justice appartenant à professions réglementées est parfaitement désordonné. La présente question ne traite pas le détail, et s'intéresse seulement au sort des décisions rendues par les juridictions d'appel en pareille matière. La règle est qu'on doit respecter les prérogatives du droit pénal pour la défense des professionnels. Cependant l'autre règle fondamentale est la même : s'agissant des auxiliaires de justice, la matière est civile. Ceci est littéralement rappelé notamment aux articles 38 du décret du 28 décembre 1973 applicable aux notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs, jadis aussi aux avoués, et 277 du décret du 27 novembre 1991 applicable aux avocats. Pour les avocats, les notaires, les huissiers de justice, les commissaires-priseurs, les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires, les décisions de dernier ressort émanent des cours d'appel judiciaires. Elles peuvent toujours faire l'objet de pourvois devant la Cour de cassation. Or ces pourvois n'ont aucun effet suspensif. On imagine sans difficulté les conséquences dramatiques pour les professionnels concernés, voire pour les autorités de poursuite, éventuellement elles-mêmes poursuives pour dénonciations calomnieuses dans l'hypothèse de cassations. La pratique apprend en effet que, très souvent, la Cour de cassation est amenée à casser les décisions rendues, ne serait-ce que parce que la matière disciplinaire n'est pas du strict droit positif et laisse place à des interprétations d'usages locaux et professionnels, incompatibles avec le strict respect d'une loi claire et précise connue d'avance par tous. Or il n'existe à la Cour de cassation aucun mécanisme connu de sursis à l'exécution. Au contraire, l'exécution de la décision dont pourvoi conduit au traitement effectif de ce dernier. Pour les autres professionnels, l'ensemble de ceux de santé, ainsi que les experts comptables, la juridiction de cassation des décisions d'appel, qui n'est pas la cour d'appel judiciaire, est le Conseil d'État. La règle est également l'absence de principe d'effet suspensif des pourvois. Sauf, et c'est là l'exception absolue, que la formation de jugement du Conseil d'État a la possibilité, à la demande de l'auteur du pourvoi d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution d'une décision rendue en dernier ressort, si celle-ci risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et s'il existe des moyens invoqués paraissant sérieux, de nature à justifier l'annulation de la décision et l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond. C'est l'art. R. 821-5-1 du code de justice administrative. La question posée à la garde des sceaux est donc double : y compris en exécution de la « directive services » de l'Union européenne, est-il concevable que la garantie des droits ouverts en cas de pourvoi en cassation devant le Conseil d'État soit plus importante que celle devant la Cour de cassation, suivant les professions réglementées concernées, dans une matière pourtant fondamentalement de même nature celle disciplinaire ; plus généralement, alors qu'il convient de garantir au professionnel poursuivi disciplinairement les droits les plus complets qui soient comme ceux en matière pénale, comment ne pas imposer dans les textes de droit positif le caractère suspensif de tous les pourvois en cassation en matière disciplinaire ? Quel qu'il soit, quoi qu'il ait fait, quoi qu'on lui reproche, le professionnel d'une activité réglementée, poursuivi au disciplinaire, doit avoir au moins les mêmes garanties que la loi accorde légitimement à tout criminel, délinquant, voire auteur d'une banale contravention de police. Il souhaiterait donc connaître la position de la chancellerie face à cette discordance injustifiée.