14ème législature

Question N° 46357
de Mme Huguette Bello (Gauche démocrate et républicaine - Réunion )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > ordre public

Tête d'analyse > maintien

Analyse > armes non létales. utilisation. réglementation.

Question publiée au JO le : 17/12/2013 page : 13085
Réponse publiée au JO le : 04/03/2014 page : 2149

Texte de la question

Mme Huguette Bello attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'usage de plus en plus courant en France du taser alors qu'un jeune homme de 21 ans vient de décéder au début du mois de novembre 2013 après avoir reçu une décharge de pistolet électrique taser tirée par un gendarme qui tentait de le maîtriser. Ce nouveau drame intervient quelques mois après que le défenseur des droits a consacré un rapport sur les armes dites « non létales » dans lequel il met en exergue leur dangerosité. Régulièrement saisi sur les cas d'utilisation abusive et de dérapages du taser et du flashball par les forces de l'ordre, le défenseur des droits a, en effet décidé de mener une réflexion sur l'usage de ces armes dites à « létalité réduite ». Le taser, qui est un pistolet à impulsions électriques, a été déployé dans les services rattachés au ministère de l'Intérieur à partir de mi-2006. Une circulaire du 11 juin 2010 en a élargi les modalités d'utilisation puisqu'elle a supprimé de la liste des personnes présentant une vulnérabilité particulière « les malades cardiaques » et les « femmes enceintes », celles-ci étant remplacées par les « femmes visiblement enceintes ». Bien que le taser soit une arme de nature à neutraliser un individu en provoquant une perte de contrôle musculaire, les décharges électriques qu'il prodigue sont à la fois douloureuses et très dangereuses dans certains cas. Ses effets (paralysie et douleur aiguë) sont d'ailleurs assimilés à une forme de torture par le comité contre la torture des Nations-unies. Le rapport souligne également que l'usage de cette arme peut présenter un risque pour la santé voire la vie de la personne qu'elle atteint avant d'ajouter que « cet aspect fait l'objet de controverses en France comme à l'étranger, non encore résolues par les études diligentées sur cette arme ». Le Défenseur des droits a présenté plusieurs recommandations visant à encadrer davantage l'utilisation des taser par les forces de l'ordre. Après avoir indiqué que son usage « ne devrait être autorisé qu'en situations très exceptionnelles » et avoir recommandé au ministre de l'Intérieur de« reconsidérer et préciser les situations exceptionnelles », le défenseur des droits demande une harmonisation des interdictions d'usage entre la police et la gendarmerie « par une extension à ces deux corps des interdictions d'usage fixées pour l'un ou l'autre ». Il insiste particulièrement pour que « l'utilisation du taser sur les personnes vulnérables soit plus strictement encadrée ». À cet égard, il accorde une attention spéciale aux « personnes en situation de delirium agité, ou sous l'influence de stupéfiants » en rappelant que « ces états sont susceptibles de réduire, voire annihiler, les effets visibles de l'impact de l'utilisation du taser, ou encore de décupler l'état d'énervement de la personne qui en fait l'objet ». Il recommande d'ailleurs que « les agents habilités à l'usage de cette arme soient sensibilisés à cette question lors de leur formation, et notamment à déceler le comportement anormal d'une personne en état de délirium agité, ou souffrant de troubles psychiques ou encore sous l'influence d'une substance psychotrope ». Plus largement le défenseur préconise que la formation des agents soit renforcée. La durée de la formation initiale (actuellement de 4 heures pour les gendarmes et de deux jours pour les policiers) doit être augmentée « notamment en raison des préconisations du fabricant de l'arme ». Quant à la formation continue, il demande la mise en place d'un dispositif permettant aux agents d'avoir de façon permanente une pleine connaissance de cette arme et de ses conditions d'utilisation. Elle lui demande de bien vouloir lui indiquer les suites qui ont été données aux recommandations formulées par le défenseur des droits, en particulier à celles qui concernent la formation des agents habilités à faire usage du taser.

Texte de la réponse

Les policiers et les gendarmes assurent, avec professionnalisme et courage, le respect de la loi républicaine et la protection de nos concitoyens, dans des situations fréquemment difficiles et dangereuses, parfois au péril de leur vie. Chaque année, plus de douze mille d'entre eux sont blessés et plusieurs trouvent la mort dans l'accomplissement de leur devoir. Ces actes de violence sont inadmissibles, comme le sont toutes les atteintes aux forces de l'ordre. Le respect dû à ceux qui incarnent le principe d'autorité et la République est essentiel. Face à la multiplication des actes de violence et à l'aggravation des risques encourus, la protection des policiers et des gendarmes est un souci constant du ministre de l'intérieur. Elle passe notamment par la mise à leur disposition de matériels adaptés. C'est dans ce cadre qu'ils sont équipés d'armes de force intermédiaire, pour leur sécurité et pour celle des tiers. Les lanceurs de balles de défense et les pistolets à impulsions électriques (PIE) entrent dans cette catégorie. L'emploi du pistolet à impulsions électriques obéit à des règles strictes, fait l'objet de contrôles rigoureux et s'exerce dans le respect des droits fondamentaux des personnes. Il relève du cadre juridique général de l'usage de la force (légitime défense, état de nécessité). Dans tous les cas, il est soumis aux principes de nécessité et de proportionnalité. Il est, en outre, subordonné à une formation spécifique et les fonctionnaires et militaires autorisés à l'employer doivent disposer d'une habilitation individuelle et sont assujettis au suivi d'une formation continue. Par ailleurs, seules les unités les plus exposées en sont équipées. Une traçabilité et un suivi effectif de l'utilisation de cette arme sont assurés, notamment, pour la police nationale, par une application spécifique dénommée « traitement de suivi de l'usage des armes ». Assorti de ces garanties, l'emploi du PIE permet d'exercer une contrainte légitime de manière strictement nécessaire et proportionnée face à des comportements parfois extrêmement violents, pour neutraliser une personne dangereuse pour elle-même ou pour autrui en minimisant les risques et surtout en évitant le recours, incomparablement plus dangereux, à une arme à feu. Lors des interventions, les forces de l'ordre doivent en effet parfois faire face à des personnes armées, qui se sont déjà servies ou tentent de se servir à nouveau de leur arme, qu'elle soit par nature (arme de poing, couteau...) ou par destination (marteau...). Dans de telles situations, les policiers ont recours au PIE dans des conditions où l'usage de l'arme à feu individuelle aurait parfois été légitime mais infiniment plus dangereux. Le ministre de l'intérieur est cependant conscient des dangers liés à l'usage du pistolet à impulsions électriques et connaît les préoccupations qu'il peut susciter. Son utilisation, même par des agents qualifiés et dont le sang-froid et le professionnalisme sont reconnus, présente des risques. Tout doit être mis en oeuvre, d'un point de vue juridique, hiérarchique, humain et matériel, pour que son emploi s'exerce dans des conditions maximales de sécurité. Les obligations en matière de formation continue ont été renforcées. Les instructions adressées aux services de police et de gendarmerie pour en préciser les règles d'utilisation font l'objet de la plus grande attention et sont régulièrement mises à jour pour tenir compte des retours d'expérience, des préconisations des autorités médicales, des évolutions du droit. Les instructions relatives à l'emploi du PIE dans la police nationale ont ainsi été mises à jour en avril 2012. Les recommandations formulées par le Défenseur des droits dans son « Rapport sur trois moyens de force intermédiaire » présenté en mai 2013 constituent un élément utile à la réflexion. Dans les faits et dans le droit, plusieurs ont déjà trouvé une réponse. Ainsi, la proposition visant à harmoniser les cadres d'emploi de la police et de la gendarmerie a été prise en compte, les deux directions générales ayant engagé un travail en ce sens. D'autres préoccupations du Défenseur des droits ont également été mises en oeuvre (attention à la vulnérabilité de la personne, prise en charge médicale et psychologique, contrôle des habilitations...). Par ailleurs, la détermination de la périodicité des formations continues est une question essentielle à laquelle il convient de répondre de manière exigeante, sur la base d'objectifs pédagogiques clairs et des besoins révélés par les retours d'expérience. En tout état de cause, l'armement des policiers et des gendarmes ne peut être la seule réponse aux problèmes de violence. D'autres actions ont été entreprises pour répondre aux attentes de nos concitoyens comme à celles des forces de l'ordre, notamment en matière de prévention de la délinquance. Les actions engagées pour améliorer le lien de confiance entre les forces de l'ordre et la population (expérimentation des « caméras-piéton », numéro d'identification apparent, réforme de l'inspection générale de la police nationale avec, notamment, la création d'un site internet de signalement...) doivent aussi concourir à mieux protéger gendarmes et policiers dans leur travail, en réduisant les incompréhensions et la méfiance lors des interventions sur la voie publique. De ce point de vue, la publication du nouveau code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale, entré en vigueur le 1er janvier 2014, constitue une avancée importante.