Syrie
Question de :
M. Jacques Bompard
Vaucluse (4e circonscription) - Non inscrit
M. Jacques Bompard attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur les violences en Syrie. Le lycée français de Damas, havre de paix et d'équilibre dans une capitale en prise à la guerre civile, vient d'être la cible d'une attaque des forces rebelles. La France souffre d'un manque d'information accablant sur les actions criminelles de certaines troupes rebelles qui bénéficient pourtant de l'aide de la France. Le lycée français de Damas est un symbole fort de la persévérance des liens qui unissent Paris et Damas même au coeur des combats sanglants et de la violence des islamistes. La France ne possède cependant aucun système d'alerte et de prévention du départ de miliciens islamistes alors que le journal allemand Der Spiegel rapportait récemment une initiative de Berlin visant à contenir le flux constant de fanatiques sans repères qui s'envolent alimenter les forces rebelles qui bénéficient du soutien financier de la France. Il lui demande s'il va prévoir de contenir le flux de djihadistes qui embarquent de France pour la Syrie et préserver ainsi les vies et institutions qui maintiennent la preuve de la vocation française en Orient.
Réponse publiée le 10 juin 2014
Le départ de jeunes gens pour le théâtre d'opérations syrien, ou d'autres zones de combat, est un phénomène préoccupant, notamment au regard du retour sur le territoire européen de personnes radicalisées et formées au maniement des armes. Cette menace est d'autant plus inquiétante qu'elle survient dans un espace de libre circulation des personnes et qu'elle est difficile à appréhender (filières, dérives individuelles...). Au-delà des enjeux sécuritaires, cette situation soulève des questions complexes pour l'Etat et pour l'ensemble de la société. Ce phénomène, important et continu, n'est nullement circonscrit à la France. Il est également sans commune mesure avec le précédent afghan. Venant de plusieurs pays d'Europe occidentale (France, Royaume-Uni, Belgique, Allemagne, Pays-Bas...), des volontaires radicalisés partent en Syrie pour y rejoindre, dans leur grande majorité, la composante jihadiste de l'insurrection. L'émergence d'une nouvelle génération de terroristes aguerris, susceptibles de frapper le territoire français, appelle de l'Etat une réaction déterminée, ferme et efficace et cette situation fait l'objet de la plus grande attention de l'ensemble des services engagés dans la prévention et la répression du terrorisme (communauté du renseignement, juridiction spécialisée). La complexité du théâtre syrien et notamment des nombreux groupes engagés rend difficiles les évaluations. Les services spécialisés européens travaillent donc en particulier à la collecte d'informations susceptibles de permettre l'identification des individus ayant rejoint des groupes extrémistes (interrogation de la police judiciaire, documentations de renseignement, liaisons internationales, surveillance et étude de l'activité jihadiste sur Internet, notamment les réseaux sociaux...). Une attention particulière est apportée à la prévention et à la lutte contre la radicalisation. Une vigilance accrue est en effet impérative pour détecter les vecteurs de radicalisation, aussi bien sur Internet qu'en milieu carcéral ou dans certains quartiers sensibles. Au sein du ministère de l'intérieur, la montée en puissance de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) permettra de renforcer les capacités de prévention, d'anticipation et de détection. Sur le plan du droit, la France s'est déjà dotée au fil des ans d'un arsenal juridique solide et adapté. La loi du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme, présentée par le ministre de l'intérieur et adoptée par le Parlement dans un esprit de rassemblement, a permis de consolider et d'adapter les moyens d'action préventifs et répressifs. Elle a prorogé des dispositions importantes de la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme en matière de détection et d'identification de la menace. Elle permet également de poursuivre dorénavant des Français, ou des personnes résidant habituellement en France, qui se rendent à l'étranger pour commettre des actes de terrorisme (participation à des camps d'entraînement...) alors même qu'aucun acte n'a été commis sur le territoire français. Cette nouvelle disposition est d'ores et déjà régulièrement utilisée par la section anti-terroriste du parquet de Paris. Alors que les départs vers la Syrie connaissent une hausse accélérée et préoccupante depuis plusieurs mois, le Gouvernement a décidé d'amplifier sa réponse. Le ministre de l'intérieur a ainsi présenté en conseil des ministres, le 23 avril, un plan de lutte contre la radicalisation violente et les filières terroristes, intégrant l'action répressive mais aussi des actions préventives visant, en particulier, à contredire les « prêcheurs de haine ». Le plan vise d'abord à contrarier les déplacements des terroristes vers ou depuis la Syrie, par le renforcement des contrôles et des décisions de retrait des documents de voyage. Le Parlement sera saisi d'un projet organisant un régime d'opposition à la sortie du territoire des personnes majeures engagées dans des activités terroristes. Les parents pourront effectuer un signalement aux autorités publiques pour s'opposer à la sortie du territoire de leurs enfants mineurs. La lutte active contre les filières djihadistes sera intensifiée. Les ressortissants étrangers impliqués dans les filières feront l'objet de mesures d'éloignement et le gel des avoirs des structures utilisées par les filières sera développé. Les possibilités de détection des filières sur Internet seront accrues. Les outils et la stratégie de lutte contre le cyber-terrorisme seront étoffés. Des impulsions seront également données, en France comme au niveau européen, en direction des grands opérateurs d'Internet, afin que les contenus illicites et les sites de recrutement fassent l'objet de procédures de suppression effective et rapide. La coopération internationale avec les autres pays de départ et les pays de transit sera intensifiée. La France participe activement au réseau d'experts européens spécialisés dans la prévention et la réduction des phénomènes de radicalisation. Avec ses partenaires, la France mobilisera l'Union européenne et la communauté internationale en faveur d'un plan d'aide aux zones syriennes libérées. Si de nombreuses personnes s'émeuvent sincèrement des conditions de vie des populations civiles dans les zones non contrôlées par le Gouvernement syrien, il faut éviter l'exploitation de la compassion par les réseaux terroristes et le détournement des dons. Une série d'actions préventives et des opérations visant à contredire les « prêcheurs de haine » seront mises en place. Le plan prend en compte la trajectoire individuelle des personnes et le besoin de soutien de leur famille. Une plate-forme d'assistance aux familles et de prévention de la radicalisation violente a ainsi été créée dès le 29 avril. Un numéro vert est désormais à la disposition des familles concernées, jusqu'à présent dans la solitude et le désarroi face à ces situations dramatiques. Elles pourront notamment signaler une situation inquiétante, obtenir des renseignements sur la conduite à tenir, être écoutées et conseillées... Outre les poursuites judiciaires, un dispositif expérimental de réinsertion individualisée sera institué, en lien avec les collectivités territoriales concernées. Ce volet du plan permettra de répondre aux inquiétudes des familles par une action de sensibilisation, de soutien et d'accompagnement, tout en améliorant les chances de succès de la réinsertion, par l'implication de la cellule familiale. Une attention particulière sera portée au milieu carcéral.
Auteur : M. Jacques Bompard
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Affaires étrangères
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 17 décembre 2013
Réponse publiée le 10 juin 2014