14ème législature

Question N° 46880
de M. André Chassaigne (Gauche démocrate et républicaine - Puy-de-Dôme )
Question écrite
Ministère interrogé > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Ministère attributaire > Économie, redressement productif et numérique

Rubrique > impôt sur les sociétés

Tête d'analyse > crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emp

Analyse > entreprise sous-traitante. réglementation.

Question publiée au JO le : 24/12/2013 page : 13429
Réponse publiée au JO le : 24/06/2014 page : 5251
Date de changement d'attribution: 06/05/2014

Texte de la question

M. André Chassaigne interroge M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur la situation de certaines entreprises sous-traitantes bénéficiaires du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Le CICE est présenté comme un avantage fiscal qui vise à améliorer la compétitivité des entreprises. Or, dans un contexte libéral, certains grands donneurs d'ordre tentent de capter tout ou partie du crédit de l'entreprise sous-traitante. Le CICE devient alors un dispositif visant à créer une baisse des tarifs de la part de l'entreprise cliente à son fournisseur. L'objectif initial est alors complètement détourné et devient une monnaie d'échange, conditionnant la réalisation du contrat et la pérennisation des échanges commerciaux. Le ministère du travail a, certes, mis en place une médiation inter-entreprises permettant de trouver une solution amiable à ces pratiques abusives contraires au code du commerce. Sans solution trouvée par l'intermédiaire de la médiation, les entreprises victimes de ces abus peuvent également saisir les services du pôle C de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Cependant, dans les faits, le simple fait de saisir le médiateur entraîne la perte de contrats avec le donneur d'ordre. Ces pratiques, allant à l'encontre de toute éthique, ne peuvent pas perdurer dans un pays de droit. Il lui demande d'instaurer un dispositif permettant aux entreprises bénéficiant du CICE d'être à l'abri de toute tentative d'extorsion partielle ou totale dudit crédit.

Texte de la réponse

Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) est un avantage fiscal qui a pour objet le financement de l'amélioration de la compétitivité des entreprises. Il est octroyé de manière très large, à toute entreprise employant des salariés, soumise à un régime réel d'imposition -ce qui exclut les micro-entreprises et les auto-entrepreneurs-, quels que soient sa forme et le régime d'imposition de son résultat. Dans sa recommandation concernant le programme national de réforme pour la France pour 2013, le Conseil de l'Union Européenne note d'ailleurs que « l'instauration du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, dont l'effet sur une année entière devrait représenter 20 milliards d'euros, est une mesure significative qui devrait contribuer à réduire le coût du travail ». L'amélioration de la compétitivité permise par le CICE doit se traduire par des bénéfices tant pour les producteurs que pour les consommateurs, tant pour l'emploi que le pouvoir d'achat. La pratique abusive consistant pour une entreprise, à tenter d'obtenir, par la pression, la rétrocession du CICE dont bénéficient ses partenaires commerciaux est, au regard du droit positif, illicite. Il est important de rappeler qu'une entreprise peut choisir librement de baisser ses prix pour améliorer son positionnement concurrentiel ; en revanche, exiger de manière unilatérale une révision à la baisse du tarif négocié avec son fournisseur, constitue une pratique sanctionnée par le titre IV du livre IV du code de commerce relatif aux pratiques restrictives de concurrence. En effet, l'obtention de remises rétroactives est prohibée : les clauses prévoyant la possibilité de bénéficier rétroactivement de remises ou de ristournes sont nulles de plein droit (article L. 442-6 II a du code de commerce). La demande de rétrocession des avantages tirés du CICE peut également constituer une soumission ou une tentative de soumission à une obligation créant un « déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » (article L. 442-6 I 2° du code de commerce). Si par ailleurs la demande s'accompagne d'une menace de rupture de la relation, la pratique peut être appréhendée par l'article L. 442-6 I 4° du code de commerce, qui prohibe l'obtention ou la tentative d'obtention de conditions manifestement abusives concernant les prix sous la menace d'une rupture brutale des relations commerciales. En raison de la gravité de cette pratique, des actions visant tant à en prévenir la mise en oeuvre qu'à poursuivre leurs auteurs ont été mises en place. Il a ainsi été décidé de procéder à une information large des professionnels sur le caractère illicite de cette pratique, afin de prévenir toute demande en ce sens de la part des clients, et de permettre aux fournisseurs de connaitre leurs droits s'ils devaient y être confrontés. Cette information a pris la forme de courriers et de fiches pédagogiques mises en ligne sur les différents sites internet du ministère et des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE). En outre, parallèlement à la possibilité qu'ont les entreprises d'être orientées vers le médiateur, avec le risque de perdre un contrat, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), compétente en matière de loyauté des relations commerciales, et les pôles C des DIRECCTE renforcent par ailleurs leur vigilance sur ces pratiques et ont reçu pour instruction de donner les suites appropriées aux manquements ou infractions relevés. Il est possible, pour les entreprises qui s'estiment victimes de demandes illicites, de faire connaitre aux services de l'État les pratiques abusives de leurs partenaires économiques. L'anonymat du plaignant peut être préservé, à sa demande, par les services de l'Etat. En cas d'abus avéré, le code de commerce donne au ministre de l'économie le pouvoir d'agir, pour mettre fin au trouble à l'ordre public économique causé par de telles pratiques, en saisissant le tribunal de commerce et ce, sans avoir besoin du consentement ou de la présence à l'instance des fournisseurs victimes. L'article L. 442-6 III prévoit ainsi la possibilité de demander au juge une amende civile pouvant aller jusqu'à 2 millions d'euros, ainsi que la restitution à la victime des sommes indûment perçues. Le cas échéant, si de telles pratiques devaient êtres portées devant la justice, les informations relatives à ce contentieux pourront être ultérieurement consultées sur le site internet de la DGCCRF, qui publie désormais un résumé des décisions de justice en matière de pratiques restrictives de concurrence, mais également dans les prochains bilans de jurisprudence publiés sur le site de la commission d'examen des pratiques commerciales. L'arsenal juridique existant permet d'apporter divers niveaux de réponses aux pratiques relevées, et est donc particulièrement complet et efficace pour mettre un terme aux pratiques de détournement du CICE sans qu'il n'y ait besoin d'instaurer un dispositif ad hoc.