14ème législature

Question N° 47077
de M. François Loncle (Socialiste, républicain et citoyen - Eure )
Question écrite
Ministère interrogé > Ville
Ministère attributaire > Travail, emploi et dialogue social

Rubrique > produits dangereux

Tête d'analyse > amiante

Analyse > désamiantage. rénovations urbaines. opérateurs. coût.

Question publiée au JO le : 24/12/2013 page : 13433
Réponse publiée au JO le : 27/05/2014 page : 4375
Date de changement d'attribution: 03/04/2014
Date de signalement: 25/02/2014

Texte de la question

M. François Loncle attire l'attention de M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'égalité des territoires et du logement, chargé de la ville, sur le coût élevé des opérations de désamiantage. Les projets de rénovation urbaine financés par l'ANRU ont favorisé la transformation des quartiers, dans le double but de redonner une réelle qualité citadine et d'améliorer le cadre de vie des habitants. Les tableaux financiers des conventions ANRU ont privilégié le financement des démolitions, afin de contribuer notamment aux pertes d'exploitation induites pour les bailleurs. Dans ce contexte, le désamiantage des immeubles constitue un enjeu majeur qui nécessite une réponse au plan national, d'autant plus que certaines opérations se trouvent dans une situation de blocage. C'est notamment le cas de l'action menée par l'ANRU dans le quartier de Maison-Rouge, à Louviers (Eure), où est prévue la démolition de quatre immeubles. La découverte tardive dans ces bâtiments d'une présence massive de matériaux contenant de l'amiante entraîne un doublement des dépenses projetées de destruction, de 2,5 millions d'euros à 5 millions d'euros, ce qui a provoqué l'arrêt du chantier, car le porteur de projet ne dispose d'aucune marge de redéploiement financier. Dans la mesure où l'amiante a été préconisée pendant des décennies par les constructeurs et les pouvoirs publics, le financement de la dépollution de ce matériau ne peut être seulement assumé par les bailleurs sociaux et les collectivités locales. C'est pourquoi il lui demande que l'État prenne les dispositions nécessaires pour permettre, d'une part, la réalisation des travaux de désamiantage et, d'autre part, la pérennisation des investissements lourds déjà engagés par les bailleurs sociaux et les collectivités locales.

Texte de la réponse

Il est important de noter que les maladies liées à l'amiante représentent aujourd'hui la deuxième cause de maladies professionnelles et la première cause de décès liés au travail (entre 4000 et 5000 maladies professionnelles liées à l'amiante reconnues, dont environ 1000 cancers). Ces maladies sont au premier rang des indemnisations versées au titre des maladies professionnelles (904 millions d'euros en 2010). Par ailleurs, il convient de rappeler que le décret du 4 mai 2012, qui a reçu un avis favorable à l'unanimité lors des consultations du Conseil d'orientation sur les conditions de travail (COCT), a pour objet de prendre en compte les avis de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) émis en 2009 et 2010, ainsi que les résultats de la campagne expérimentale de mesurage des empoussièrements d'amiante par microscopie électronique à transmission analytique (META), conduite par la direction générale du travail (DGT) en 2009 et 2010. Ainsi, des niveaux d'empoussièrement d'une ampleur inattendue pour certains matériaux ont été mesurés en raison, notamment, des techniques utilisées et/ou de l'état de dégradation de ces matériaux. L'abaissement de la valeur limite d'exposition professionnelle (VLEP), l'élévation des niveaux de prévention à mettre en oeuvre et l'extension de la certification à l'ensemble des activités de retrait et d'encapsulage de matériaux contenant de l'amiante (MCA), ont en conséquence été décidées à la lumière de plusieurs constats concordants et préoccupants. Cette campagne a mis en lumière l'inadéquation de la distinction friable/non friable sur laquelle était basée l'ancienne réglementation, les niveaux d'empoussièrement lors de certaines opérations de retrait de matériaux non friables étant aussi élevés que ceux mesurés lors d'opérations de retrait de matériaux friables. En outre, la jurisprudence administrative a clairement fixé le principe qu'il appartient à l'Etat de procéder aux évolutions de la réglementation compte tenu des risques auxquels peuvent être exposés les salariés (Conseil d'Etat, Ass. , 3 mars 2004). C'est pourquoi la réglementation est désormais basée, non plus sur l'état initial du MCA avant tous travaux, mais selon le niveau d'empoussièrement généré lors des opérations, la valeur des trois niveaux d'empoussièrement réglementaires étant définie sur la base des résultats de la campagne META et des facteurs de protection actuellement connus des appareils de protection respiratoire. Les résultats de la campagne META précitée ont montré que les retraits d'enduits plâtreux, quelle que soit la technique mise en oeuvre sont les plus empoussiérant, excédant la limite technique des appareils de protection respiratoire (APR) à adduction d'air (25 000 Fibres/Litre). Pour mémoire des empoussièrements allant jusqu'à 60 000 Fibres/Litre ont ainsi été mesurés. Ces valeurs doivent être mises également en corrélation avec la VLEP précitée de 100 F/L et le seuil sanitaire prévu par le code de la santé publique (5 F/L). Dès lors, de tels empoussièrements nécessitent la mise en oeuvre de techniques moins émissives et de moyens de protection collective plus efficaces conformément aux dispositions des articles R. 4412-108 et 109 du code du travail. S'agissant des activités d'encapsulage et de retrait d'amiante, le code du travail prévoit également désormais l'obligation de faire appel à une entreprise certifiée et d'établir un plan de démolition, de retrait ou d'encapsulage (PDRE). Il convient à ce titre de noter que le différentiel de coût de certification porte essentiellement sur la mise en conformité en matière de moyens techniques, de moyens de prévention collective et individuelle, les entreprises n'ayant, bien souvent pas fait évoluer leurs techniques en fonction de l'avancée des connaissances scientifiques et techniques. Il convient de souligner le fait que les donneurs d'ordre ont, dès la phase de conception, des obligations qui leur sont propres au titre notamment des principes généraux de prévention et des nouvelles dispositions en matière d'amiante, telles que : - la définition de la nature et du périmètre de l'opération (retrait, encapsulage ou intervention) ; - la détermination des contraintes organisationnelles (co-activité, travaux en site occupé) et de délais de réalisation adaptés ; - l'identification et l'évaluation préalable des risques par la réalisation de repérages avant travaux des MCA assortis de sondages destructifs selon la nature et le périmètre de l'opération envisagée ; - le choix d'une entreprise compétente techniquement au regard des paramètres précités. Les carences constatées par les services de l'inspection du travail, dans la mise en oeuvre de ces obligations qui sont inscrites dans le code du travail, complexifient évidemment la réalisation des travaux de réhabilitation, que ce soit au plan technique, financier ou organisationnel. Pour autant, la réforme réglementaire en matière d'amiante est fondée sur des connaissances techniques et scientifiques fiabilisées. Face aux enjeux en matière de santé des travailleurs et au delà de la santé publique, il ne peut être envisagé de réduire les exigences réglementaires, d'autant plus que les opérations menées dans le cadre de l'agence nationale pour la rénovation urbaine de l'ANRU sont susceptibles d'entraîner une exposition des locataires et/ou de l'environnement si elles sont mal maîtrisées. Le ministère chargé du travail est également favorable à ce qu'une réflexion soit initiée au plan interministériel afin que le secteur de l'habitat social soit accompagné dans l'évolution de ses pratiques, en tant que donneur d'ordre mais aussi en tant qu'employeur d'équipes de maintenance réalisant des interventions sur des MCA, sans préjuger des obligations de fournir des logements salubres à ses locataires au titre d'autres réglementations.