14ème législature

Question N° 47492
de M. Alain Moyne-Bressand (Union pour un Mouvement Populaire - Isère )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie et finances
Ministère attributaire > Défense

Rubrique > défense

Tête d'analyse > équipements

Analyse > matériels déclassés. cession. réglementation.

Question publiée au JO le : 14/01/2014 page : 348
Réponse publiée au JO le : 16/09/2014 page : 7716
Date de changement d'attribution: 27/08/2014

Texte de la question

M. Alain Moyne-Bressand attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur le manque à gagner pour l'État que représente l'arrêt des ventes des anciens matériels (véhicules, aéronefs, pièces, outillage usagé, etc.) de l'armée française par les Domaines depuis le printemps 2011. Tous ce matériel est maintenant soit récupéré par des entreprises comme Nexter pour officiellement "revalorisation et dépollution" des matériaux, autrement dit destruction, soit directement vendu à des grosses sociétés de recyclage (ferrailleurs) comme Derichebourg. Pourtant, il est à noter que l'article L. 2332-1-VII-1°-b du code de la défense prévoit expressément que les collectionneurs ont le droit de se porter acquéreurs de ces matériels anciens afin de pouvoir les préserver et que l'article 1er du décret n° 2002-1528 du 24 décembre 2002 modifiant le décret n° 96-1133 du 24 décembre 1996 relatif à l'interdiction de l'amiante dispose que « l'interdiction de détention en vue de la vente, de mise en vente et de cession à quelque titre que ce soit ne s'applique pas aux véhicules automobiles d'occasion ». Or l'armée française a encore beaucoup de matériels anciens en dotation, qu'elle détruit donc désormais, tels des remorques de Jeep ou de GMC (70 ans d'âge !), des Peugeot P4 (30 ans maintenant !), mais aussi du matériel plus récent pouvant dans les années à venir devenir des objets de collection constituant notre patrimoine. Aussi, il demande si le Gouvernement entend prendre des mesures afin que les particuliers et notamment les collectionneurs puissent à l'avenir de nouveau se porter acquéreurs de ce type de matériel ou bien seront nous obligés à l'avenir de collectionner du matériel militaire ancien d'origine étrangère (voire matériel militaire français vendu aux étrangers puis réimportés par certaines sociétés, avec un substantiel bénéfice au passage) et continuer de voir partir au broyeur notre matériel national ce qui constitue une perte sèche pour le budget de l'État.

Texte de la réponse

Certains matériels militaires ayant le statut de matériels de guerre peuvent être cédés directement par le ministère de la défense sans l'intervention de France Domaine, conformément à l'article R. 3211-35 du code général de la propriété des personnes publiques qui dispose que l'obligation de remise à l'administration chargée des domaines ne s'applique pas aux matériels de guerre, armes, éléments d'armes, munitions, éléments de munitions, mentionnés à l'article L. 2331-1 du code de la défense, dont les spécificités justifient que la cession soit à la charge du ministère de la défense et qui sont inscrits sur une liste arrêtée conjointement par le ministre de la défense et le ministre chargé du domaine. Parmi les considérations justifiant la cession de matériels de guerre par le ministère de la défense, énumérées dans un arrêté du 27 juin 2011, figure notamment la préservation du patrimoine. Si le ministère peut donc céder directement des matériels répondant aux critères précités à des collectionneurs, de telles cessions ne peuvent cependant intervenir que dans le strict respect des dispositions normatives en vigueur se rapportant à l'interdiction de l'amiante. L'article 1er du décret n° 96-1133 du 24 décembre 1996 relatif à l'interdiction de l'amiante, pris en application du code du travail et du code de la consommation, interdit au titre de la protection des travailleurs « la fabrication, la transformation, la vente, l'importation, la mise sur le marché national et la cession à quelque titre que ce soit de toutes variétés de fibres d'amiante, que ces substances soient ou non incorporées dans des matériaux, produits du dispositif », interdictions auxquelles s'ajoutent, au titre de la protection des consommateurs, « l'exportation, la détention en vue de la vente, l'offre ». Toutefois, l'article 7 du même décret autorise, par dérogation, la cession des « véhicules automobiles d'occasion » sous deux conditions cumulatives : les véhicules en question doivent avoir été mis en circulation avant le 1er janvier 1997 et ne doivent pas être équipés de plaquettes de freins à disque contenant de l'amiante. Il convient de préciser ici que le terme de « véhicule automobile » est juridiquement assimilé à celui de « véhicule à moteur », dont la définition est précisée à l'article L.110-1 du code de la route : « "véhicule à moteur" désigne tout véhicule terrestre pourvu d'un moteur à propulsion et circulant sur route par ses propres moyens, à l'exception des véhicules qui se déplacent sur rails ». Cette définition, qui exclut les véhicules ferroviaires, les aéronefs et les bâtiments navals, est donc applicable aux véhicules terrestres militaires. Néanmoins, il demeure important de souligner que, par exemple, si une Jeep est assimilable à un « véhicule automobile » dans la mesure où celle-ci dispose d'un moteur et circule sur route sans avoir besoin d'être tractée, tel n'est pas le cas de sa remorque, qui, pour sa part, ne dispose pas de moyen autonome de déplacement. En dehors de cette dérogation, la cession d'un véhicule militaire ancien contenant de l'amiante peut être envisagée sous réserve du désamiantage préalable total du matériel, qui reste à la charge de l'acquéreur. Toutefois, conscient notamment des coûts que représente une opération de désamiantage pour un établissement public, une association, un particulier ou une entreprise privée, le ministère de la défense peut proposer soit la location, soit la mise à disposition des matériels, ces modalités n'entrant pas dans le cadre des interdictions prévues par le décret du 24 décembre 1996. La location ou la mise à disposition de véhicules militaires implique toutefois le respect de certaines conditions : d'une part, la location ou la mise à disposition doit être effectuée à titre onéreux, d'autre part, celle-ci doit se faire par l'intermédiaire de France Domaine. En outre, les conventions de location ou de mise à disposition conclues entre l'État et les bénéficiaires doivent intégrer une clause relative à la responsabilité des bénéficiaires selon laquelle ceux-ci ne doivent pas utiliser les véhicules prêtés ou mis à disposition dans des conditions telles que l'amiante qu'ils contiennent pourrait causer un préjudice (manipulation des appareils, utilisation, transformation...). Ainsi, dans le cadre d'une location ou d'une mise à disposition, seule une exposition des véhicules est envisageable. Si les véhicules militaires concernés ont le statut de matériels de guerre, il appartient aux acquéreurs de solliciter l'autorisation d'acquérir et de détenir ces matériels, conformément aux dispositions du décret n° 2013-700 du 30 juillet 2013 portant application de la loi n° 2012-304 du 6 mars 2012 relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif. Enfin, il convient de souligner qu'afin d'améliorer la sauvegarde et la conservation des objets techniques à caractère patrimonial, le ministère de la défense va prochainement engager avec le ministère de la culture et de la communication des discussions visant à étudier les possibilités d'évolution du droit en vigueur relatif à la cession des biens contenant de l'amiante et en particulier du décret du 24 décembre 1996 précité.