14ème législature

Question N° 47624
de M. Hervé Féron (Socialiste, républicain et citoyen - Meurthe-et-Moselle )
Question écrite
Ministère interrogé > Affaires sociales et santé
Ministère attributaire > Affaires sociales

Rubrique > pharmacie et médicaments

Tête d'analyse > anticoagulants

Analyse > utilisation. dangers.

Question publiée au JO le : 14/01/2014 page : 326
Réponse publiée au JO le : 17/06/2014 page : 4912
Date de changement d'attribution: 03/04/2014
Date de renouvellement: 22/04/2014

Texte de la question

M. Hervé Féron attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur les informations transmises par l'assurance maladie au sujet des nouveaux anticoagulants oraux (Naco). Selon cette dernière, même si leur prescription s'est infléchie, les Naco utilisées depuis 2012, en prévention des accidents vasculaires cérébraux, ont pris une grande place à côté du traitement de référence par antivitamines K. 30 % des anticoagulants utilisés en 2013 sont des Naco et, en moins d'un an, la moitié des patients débutant un traitement anticoagulant en a pris un. Or ce traitement est incompatible avec l'état de santé des patients par ailleurs atteints d'une insuffisance hépatique ou rénale, ou d'une fibrillation auriculaire et de valvulopathies. Qui plus est, 15 % des patients sous Naco prennent en plus des médicaments majorant le risque hémorragique. Or, dans ces situations, seuls les AVK sont adaptés, car un antidote existe en cas de saignement. Enfin, 10 % des personnes débutant un traitement par Naco ont plus de 80 ans et ne bénéficient d'aucune surveillance de leurs reins. Pourtant à cet âge, le suivi est indispensable en raison d'une possible accumulation des molécules dans l'organisme. Il souhaite donc savoir quelles mesures le Gouvernement entend mettre en œuvre afin de poursuivre la surveillance sanitaire des Naco et de rappeler que les AVK demeurent les médicaments de référence de prévention des AVC.

Texte de la réponse

Les médicaments anticoagulants oraux comprennent les antivitamines K (AVK) et les anticoagulants directs, communément appelés nouveaux anticoagulants (NACO). Ces médicaments sont indispensables pour le traitement et la prévention des événements thromboemboliques. Les NACO - Pradaxa (dabigatran), Xarelto (rivaroxaban) et Eliquis (apixaban) - autorisés dans l'Union européenne par la Commission européenne au terme de la procédure centralisée d'autorisation de mise sur le marché (AMM), sont arrivés sur le marché en français à partir de 2008. Les indications thérapeutiques, limitées en premier lieu à la prévention du risque de maladie thromboembolique veineuse dans les suites d'une chirurgie orthopédique, ont été élargies en 2012 à la prévention d'accidents thromboemboliques, notamment aux accidents vasculaires cérébraux (AVC) chez les patients adultes avec fibrillation auriculaire non valvulaire. Si la prescription des traitements anticoagulants oraux par AVK reste largement majoritaire (plus d'1 million de patients traités contre 265 000 pour les NACO), on constate actuellement un large recours à ces nouveaux médicaments en initiation de traitement. Ainsi, en moins d'un an, près de la moitié des patients débutant un traitement anticoagulant oral s'est vu prescrire un traitement par NACO. Les changements de traitements AVK vers NACO ont représenté, quant à eux, près de 100 000 patients sur la période observée. Pour autant, selon les données de l'assurance maladie, cette dynamique (prescriptions des NACO en 1re et 2e intention) s'est infléchie à partir du printemps 2013, ce qui peut témoigner de l'effet conjugué des actions de sensibilisation menées par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), la Haute autorité de santé (HAS) et l'Assurance maladie auprès des médecins. Ces nouveaux anticoagulants, différents par leur nature et leur mécanisme d'action, présentent une caractéristique commune : il n'existe pas, pour l'instant, de moyen de mesurer en pratique courante le degré d'anti coagulation que ces médicaments produisent. Ces spécialités font donc l'objet d'une préoccupation et d'une surveillance constante des autorités sanitaires du fait de leur nature, mais aussi des changements de pratiques importants. Les données de surveillance relatives à ces spécialités montrent que les effets rapportés sont ceux connus et attendus, en particulier sur le plan hémorragique - effet indésirable le plus fréquent et commun à tous les anticoagulants. La surveillance renforcée relative à ces NACO identifie également des facteurs de risques de saignement et de thrombose, qui incitent à réitérer les recommandations de bon usage de ces spécialités formulées par la HAS, afin de réduire autant que possible ce risque. Parallèlement, l'Assurance maladie a réalisé une étude analysant les caractéristiques des patients traités par NACO et leur prise en charge médicale. Les données de l'Assurance maladie sur le dernier trimestre 2012 montrent qu'une part des patients sous NACO prend de façon concomitante des médicaments majorant le risque hémorragique : 15 % des patients suivent en parallèle un traitement par antiagrégants plaquettaires, 21 % un traitement à l'amiodarone, molécule indiquée dans l'arythmie cardiaque. Dans ces situations, seule la prescription d'AVK permet une mesure précise du degré d'anti-coagulation obtenu et de disposer d'un antidote si nécessaire. L'étude de l'Assurance maladie montre également la nécessité d'un suivi plus étroit par les médecins de la fonction rénale chronique, recommandé en cas de prescription de NACO et primordial pour les personnes les plus âgées pour lesquelles il existe des risques d'accumulation du produit dans l'organisme. Or, sur le dernier trimestre 2012, près de 10 % des patients débutant un traitement par NACO étaient des patients de 80 ans et plus, sans surveillance de leur fonction rénale. Enfin, une part des prescriptions de NACO au dernier trimestre 2012, estimée entre 5 et 10 %, correspond à des indications non validées : patients avec une insuffisance hépatique ou rénale, patients avec fibrillation auriculaire et atteints de valvulopathies. Néanmoins, il convient de préciser qu'il est difficile d'estimer, sur la base des résultats de cette étude, la proportion de patients avec une fibrillation auriculaire dite valvulaire, des patients avec fibrillation auriculaire (FA) et atteints de valvulopathies. Par ailleurs, la prescription de traitement antiplaquettaire peut être fortement recommandée notamment chez les patients ayant présenté un syndrome coronaire aigu ou ayant bénéficié d'une intervention coronaire percutané avec pose d'endoprothèse coronaire. Dans le cas de patients avec une FA requérant un traitement anticoagulant et ayant une indication de traitement antiplaquettaire, comme le préconisent les recommandations de pratique clinique, une évaluation étroite du risque hémorragique et du risque thrombotique doit être menée pour décider la stratégie thérapeutique la plus appropriée. Un plan d'actions mobilisant les institutions concernées a été mis en place afin de poursuivre la surveillance étroite de ces spécialités et d'apporter une information régulière aux professionnels de santé et aux patients pour optimiser l'usage des anticoagulants et en particulier celui des NACO. Un courrier sera notamment adressé par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) aux professionnels de santé prochainement. Une sensibilisation des médecins prescripteurs est également réalisée par l'Assurance maladie, par le biais notamment de visites de délégués et d'entretiens confraternels ciblés. Deux études pharmaco-épidémiologiques nationales menées conjointement par la caisse de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et l'ANSM sont également en cours pour comparer les effets indésirables observés avec les différentes classes d'anticoagulants. Les premiers résultats sont attendus pour le premier semestre 2014 et seront à terme partagés avec les professionnels de santé et les patients. Ces nouvelles données, conjuguées à celles de la littérature scientifique internationale, mèneront le cas échéant vers de nouvelles mesures pour garantir la sécurité de l'utilisation des NACO.