14ème législature

Question N° 47788
de M. Jean-François Mancel (Union pour un Mouvement Populaire - Oise )
Question écrite
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > arts et spectacles

Tête d'analyse > spectacle vivant

Analyse > représentations. interdiction préalable. modalités.

Question publiée au JO le : 21/01/2014 page : 561
Réponse publiée au JO le : 02/09/2014 page : 7438
Date de changement d'attribution: 03/04/2014

Texte de la question

M. Jean-François Mancel interroge M. le Premier ministre sur l'arrêt rendu par le Conseil d'État sur le spectacle de Dieudonné. Il souhaiterait d'abord savoir comment expliquer à des justiciables personnes physiques ou morales qui attendent depuis des années une décision de la juridiction administrative ayant des conséquences importantes et graves pour elle-même ou pour la collectivité que l'on peut, à la demande du ministre de l'intérieur, obtenir en un après-midi un jugement du tribunal administratif et un arrêt du Conseil d'État sans porter atteinte à l'égalité des citoyens devant la justice. Il souhaiterait ensuite être assuré que l'État, donc les contribuables, ne risque pas d'être condamné à rembourser les places achetées pour les concerts annulés. Il souhaiterait, en outre, connaître la position du Gouvernement sur ce brutal revirement de la jurisprudence administrative qui remet en cause les fondements de la liberté d'expression et la notion d'atteinte à l'ordre public. Il souhaiterait, enfin, savoir si le Gouvernement a mesuré les conséquences négatives de la tactique du ministre de l'intérieur aboutissant à assurer à Dieudonné une publicité sans précédent et assimilant la lutte contre l'antisémitisme et le racisme à des actes de police administrative plutôt que d'en faire un défi moral et culturel à relever par toute la société française.

Texte de la réponse

Par une décision en date du 9 janvier 2014, Ministre de l'intérieur c/ Société Les Productions de la Plume et M. Dieudonné M'Bala M'Bala, n° 374508, le juge du référé-liberté du Conseil d'Etat a annulé l'ordonnance n° 1400110 du 9 janvier 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes avait suspendu l'exécution de l'arrêté du 7 janvier 2014 du préfet de la Loire-Atlantique portant interdiction du spectacle « Le Mur » le 9 janvier 2014 à Saint-Herblain, et rejeté la demande de suspension de l'arrêté précité présentée par la société Les Productions de la Plume et M. Dieudonné M'Bala M'Bala. Il convient de rappeler qu'en vertu des principes de séparation des pouvoirs et d'indépendance de la justice, il n'appartient pas à la garde des sceaux, ministre de la justice, de se prononcer sur le bien-fondé de décisions de justice, que celles-ci relèvent de l'ordre judiciaire ou comme en l'espèce, de l'ordre administratif. Tout au plus peut-on relever les quelques éléments qui suivent. Saisi sur le fondement des articles L. 521-2 et L. 523-1 du code de justice administrative, le juge du référé-liberté doit statuer, en première instance comme en appel, dans un délai de quarante-huit heures. Dans ce cadre, il doit s'efforcer de statuer avant que la décision dont la suspension est demandée ne soit exécutée afin de donner un effet utile au recours exercé. Ces règles de procédure sont applicables à toute requête présentée devant le juge du référé-liberté que cette requête soit à l'initiative d'un justiciable ou du ministère de l'intérieur, comme dans l'affaire mentionnée à l'appui de cette question. Ainsi, en respectant les règles fixées par le code de justice administrative, les décisions des juges des référés du tribunal administratif et du Conseil d'Etat en question ne témoignent nullement d'une atteinte à l'égalité des citoyens devant la justice. En outre, la décision du Conseil d'Etat du 9 janvier 2014 rejette la demande de suspension de l'exécution de l'arrêté du 7 janvier 2014 du préfet de la Loire-Atlantique. Ainsi, en l'absence d'illégalité constatée de la décision préfectorale en cause, l'Etat n'a pas commis de faute et ne peut voir engager sa responsabilité sur ce fondement, notamment à des fins d'indemnisation. Enfin, l'ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat s'inscrit dans un cadre jurisprudentiel classique, qui recherche un équilibre entre les libertés, dont la liberté d'expression fait partie, et la protection de l'ordre public, dont la dignité humaine est une des composantes depuis notamment l'arrêt du Conseil d'Etat du 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge, relatif à l'interdiction des spectacles de « lancers de nains ».