14ème législature

Question N° 47963
de M. Olivier Dassault (Union pour un Mouvement Populaire - Oise )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > justice

Tête d'analyse > jugements

Analyse > vols et cambriolages. déjudiciarisation. conséquences.

Question publiée au JO le : 21/01/2014 page : 602
Réponse publiée au JO le : 01/07/2014 page : 5646
Date de changement d'attribution: 03/04/2014
Date de renouvellement: 17/06/2014
Date de renouvellement: 17/06/2014

Texte de la question

M. Olivier Dassault attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la prise en charge des délinquants. Lors d'une audition de la commission parlementaire de lutte contre l'insécurité, le directeur des opérations et de l'emploi à la direction générale de la gendarmerie a assuré que « les auteurs d'atteintes aux biens (cambriolages, vols, etc...), les plus importantes numériquement bénéficient d'un traitement pénal qui leur permet de continuer à exercer leurs activités ». Il s'inquiète de la dérive dont il fait état et de l'augmentation des actes de violence et de vols, y compris dans nos territoires ruraux. Or, au lieu d'accorder plus de sévérité et de sanctionner les auteurs d'atteintes physiques et aux biens dont sont victimes nos compatriotes, les propositions de « déjudiciarisation » de certains délits ne s'orientent pas vers davantage de sécurité, bien au contraire. Pire, comme le relève le général de gendarmerie, « les gendarmes sont inquiets car on prend plus de soin des auteurs que des victimes ». Le déploiement des matricules d'identification pour l'ensemble des forces de sécurité intérieure n'est pas de nature à contester ce ressentiment. Il souhaite savoir si le Gouvernement prendra en compte les témoignages et constats véhiculés par les représentants des forces de l'ordre pour infléchir la tendance actuelle et améliorer la prise en charge de la délinquance.

Texte de la réponse

Par son rôle rétributif, l'autorité judiciaire contribue à garantir la protection des citoyens et s'y emploie quotidiennement. Les cambriolages et les vols à main armée, en particulier ceux commis au préjudice de particuliers à leur domicile ou de commerçants sur leur lieu de travail, causent des préjudices inacceptables pour les victimes. De manière globale, le nombre de vols avec arme, en France, n'a pas significativement augmenté au cours de la dernière décennie, passant par exemple de 7384 en 2003 à 7074 en 2009. Leur nombre a même diminué au cours des trois dernières années. En revanche, des récentes données confirment néanmoins, pour le premier semestre 2013, le maintien de la hausse des faits de vols à main armée dans les commerces traditionnellement touchés depuis ces dernières années. Ainsi les vols à main armée commis au préjudice des grandes surfaces ont augmenté de 42,7 % (ces faits représentant 8 % des vols à main armée), des moyennes surfaces (15 % des vols à main armée de 11,4%, des pharmacies (4 % des vols à main armée) de 52,3%, des parfumeries et instituts (2 % des vols à main armée) de 7,4%, des débits de boissons (11%) de 15,3%, des tabacs-PMU de 7 ,9 % et des autres commerces (18%) de 25,8%. La lutte contre ce phénomène figure ainsi au premier rang des actions du ministère public, conformément aux orientations nationales de politique pénale. Les parquets généraux ont d'ailleurs été régulièrement sensibilisés sur la nécessité de lutter avec détermination contre ce type de délinquance. A cet égard, la circulaire du 29 novembre 2013 en matière de lutte contre les cambriolages et autres vols rappelle la nécessité de renforcer la réponse pénale face à ce type d'agissements. Ainsi, les parquets sont invités, s'agissant de faits s'inscrivant dans le cadre d'une délinquance récurrente ou accompagnés d'actes de violence à l'égard des personnes, à recourir plus systématiquement au déferrement. De même, afin de lutter plus efficacement contre la récidive importante en la matière, la circulaire insiste sur la nécessaire concertation entre autorité judiciaire, services de police, unités de gendarmerie et administration pénitentiaire afin d'assurer l'application effective des dispositions des articles 719-1 et R. 57-7-85 du code de procédure pénale introduites par la loi n° 2010-242 du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et précisée par le décret n° 2011-808 du 5 juillet 2011 relatif à la communication des informations concernant les sortants de prison. La circulaire rappelle que la lutte contre ce phénomène impose un renforcement de l'action des parquets dans le cadre des instances interministérielles de sécurité et notamment des états-majors de sécurité, des cellules de coordination des zones de sécurité prioritaire et des cellules anti-cambriolages, lesquelles permettent un constant échange d'informations. Les parquets ont notamment été invités à s'assurer de la mise en place d'une stratégie de police judiciaire visant au renforcement de la surveillance des filières actives connues, en contribuant à la création des plans départementaux de lutte contre les vols et les cambriolages et les vols avec violence ou avec arme dans le cadre des états-majors de sécurité. Les services de police et unités de gendarmerie apparaissent donc pleinement associés à la mise en oeuvre d'une réponse rapide et adaptée à l'encontre des auteurs d'atteinte aux biens. En tout état de cause, le principe du port d'un élément d'identification, tel qu'un numéro de matricule, sur l'uniforme ou le brassard des policiers ou des gendarmes - énoncé dans le code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale - ne constitue pas une mesure de défiance à l'égard des forces de l'ordre mais se fonde sur l'exigence de transparence et de visibilité de l'action des services de police et unités de gendarmerie, dépositaires de l'autorité et de la force publiques. Les procureurs de la République ont notamment été sensibilisés au traitement particulier qu'il convient de réserver aux procédures diligentées suite à des actes de vols commis au préjudice de commerçants, en nouant un dialogue avec les représentants des chambres de commerce et d'industrie et, plus largement, avec les représentants des professions les plus exposées à ce type de délinquance. L'attention des parquets a également été appelée sur la nécessité d'apporter des réponses empreintes de fermeté et de réactivité, adaptées à la personnalité du mis en cause et de recourir à l'ouverture d'informations judiciaires dans le cas d'affaires complexes, impliquant de nombreuses personnes ou nécessitant des investigations approfondies. Ils ont également été invités à s'assurer de l'exécution diligente, cohérente et adaptée des peines prononcées. A cet égard, tous les ans, environ 500 vols avec arme font l'objet d'une condamnation prononcée par une cour d'assises. Une peine d'emprisonnement est quasiment toujours prononcée contre les auteurs de tels faits. Cette peine est en moyenne de 5 ans mais dans plusieurs affaires chaque année, des peines de réclusion criminelle supérieures à 10 ans sont prononcées. Enfin, un important travail de prévention est réalisé afin de sensibiliser les commerçants les plus exposés à ces actes de délinquance. Ces actions peuvent prendre la forme de réunions d'information, de désignations de référents ou de dispositifs d'alerte en cas de cambriolage dans leur secteur. S'agissant de la prise en compte de l'intérêt des victimes, un rapport d'information sénatorial a été remis le 30 octobre 2013 au garde des sceaux. Il vise à poursuivre les efforts déjà accomplis en matière d'accompagnement des victimes et aménager la procédure pénale afin de rendre pleinement effectif leur droit à réparation de leur préjudice. La France dispose à cet égard d'un dispositif complet dont les deux principes essentiels sont, d'une part, le droit pour la victime de se constituer partie civile au cours de la procédure pénale et, d'autre part, l'existence d'un système d'indemnisation reposant sur la solidarité nationale pour la prise en charge des dommages les plus importants. Le bilan dressé par ce rapport d'information sénatorial met toutefois en exergue un certain nombre de faiblesses et de difficultés dans l'exercice, par les victimes d'infractions, de leur droit à réparation. C'est ainsi que 31 propositions destinées à améliorer la lisibilité du droit et à simplifier les démarches pour les victimes ont été formulées. D'une part, ces propositions visent à améliorer les conditions dans lesquelles la victime d'une infraction est prise en compte par l'ensemble des acteurs du procès pénal tout au long de la procédure, et supprimer les obstacles juridiques et pratiques auxquels elle est parfois confrontée pour obtenir la condamnation de l'auteur à lui verser des dommages et intérêts puis l'exécution effective de cette condamnation. D'autre part, ces propositions tendent à assurer la lisibilité et l'accessibilité des mécanismes d'indemnisation reposant sur la solidarité nationale et mis en place au bénéfice des victimes les plus durement touchées ou les plus fragiles. Les pistes d'évolution envisagées seront bien évidemment prises en compte ; toutefois, leur mise en oeuvre sera conditionnée par la nécessité d'en évaluer précisément l'impact financier et juridique.