14ème législature

Question N° 48070
de M. Lionel Tardy (Union pour un Mouvement Populaire - Haute-Savoie )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > télécommunications

Tête d'analyse > Internet et téléphone

Analyse > opérateurs. données personnelles. réglementation.

Question publiée au JO le : 21/01/2014 page : 603
Réponse publiée au JO le : 01/07/2014 page : 5647
Date de changement d'attribution: 03/04/2014
Date de renouvellement: 29/04/2014

Texte de la question

M. Lionel Tardy interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le périmètre des demandes relevant des articles 145, 809 et 812 du code de procédure civile visant des opérateurs et fournisseurs de services de communications électroniques dans le cadre de conflits opposant des tiers aux utilisateurs de leurs propres services. La mise en œuvre de ces procédures, non contradictoires pour les articles 145 et 812, permet d'obtenir la communication de données qui, pour certaines, peuvent relever de la vie privée d'abonnés (liste des correspondants téléphoniques ou courrier électroniques, contenu de l'espace de stockage...), couvertes par le secret des correspondances (contenu des correspondances échangées) ou sur un périmètre excédant les prescriptions légales (communication de données portant sur une période au-delà d'un an, données de navigation des utilisateurs). Par ailleurs, des demandes formulées dans des termes trop génériques peuvent aboutir à la transmission de données concernant des tiers aux litiges, entraînant une atteinte disproportionnée aux libertés publiques. La jurisprudence a considéré que la formulation « autorité judiciaire » de l'article L. 34-1 du code des postes et communications électroniques visait les demandes relevant de procédures civiles. Dès lors, il conviendrait de s'assurer que les demandes formulées au titre des articles susvisés du code de procédure civile respectent le référentiel élaboré par les pouvoirs publics en matière de réquisitions judiciaires et administratives, défini par les arrêtés des 21 et 23 août 2013 publiés le 10 octobre 2013. Il importe également de veiller à ce que l'autorité judiciaire veille à ne pas ordonner des mesures qui pourraient porter atteinte de façon disproportionnée aux droits de tiers, notamment en matière de mesures (telles que par exemple le contenu des correspondances échangées) qui, en matière pénale ou administratives, ne peuvent être obtenues dans le cadre d'une procédure standard. Il souhaite donc connaître sa position à ce sujet et, le cas échéant, les moyens qu'elle entend mettre en œuvre afin de s'assurer de son respect par les juridictions.

Texte de la réponse

Le juge civil peut certes ordonner des mesures d'instruction sur requête ou en référé sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, prescrire en référé toutes mesures conservatoires ou de remise en état pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite en vertu de l'article 809 du code de procédure civile ou encore ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement en application de l'article 812 du code de procédure civile. Il relève néanmoins de son office, lorsqu'il ordonne de telles mesures, de peser les intérêts respectifs de celui qui demande la mesure sur le fondement d'une atteinte alléguée à ses droits, d'une part, et le respect de la vie privée de l'utilisateur des services de communications électroniques ou de tiers, d'autre part. En outre, lorsque ces mesures sont prononcées de manière non contradictoire, tout intéressé peut, selon l'article 496 du code de procédure civile, saisir le juge qui a rendu l'ordonnance sur requête aux fins de rétractation. Par ailleurs, conformément à l'article 145 du code procédure civile, précité, lequel évoque « les mesures d'instruction légalement admissibles » ainsi que l'article 11 du code de procédure civile qui permet au tiers de se soustraire à son obligation de concourir aux mesures d'instruction en cas « d'empêchement légitime », le juge civil ne saurait ordonner des mesures d'instruction contraires à la loi et, en l'espèce, contraires aux textes encadrant l'enregistrement et la conservation des données personnelles. Au vu de l'ensemble de ces dispositions, qui assurent un équilibre satisfaisant entre les intérêts en présence, il n'apparaît pas nécessaire d'apporter en l'état de modification au droit existant étant par ailleurs rappelé que le principe constitutionnel de l'indépendance de la justice interdit la délivrance d'instructions à l'autorité judiciaire, qui apprécie, dans chaque affaire, la proportionnalité des mesures ordonnées compte tenu des droits en présence.