physique nucléaire
Question de :
M. Marcel Rogemont
Ille-et-Vilaine (8e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Marcel Rogemont attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la stratégie française à moyen et long terme en matière de diffusion neutronique. Les expériences utilisant cette technique peuvent en effet uniquement être réalisées au sein de très grandes infrastructures de recherche (TGIR), équipement mutualisés qui nécessitent une stratégie à long terme au vu du montant des investissements engagés et de la durée de vie des installations (qui dépasse couramment les 50 ans). À ce jour, la source LLB-Orphée joue un rôle structurant pour la communauté française des neutroniciens. Forte de 800 membres, cette source nationale permet à elle seule de réaliser plus de la moitié des expériences de diffusion neutronique impliquant des laboratoires français, et assure un rôle crucial de formation des utilisateurs. Or l'incertitude plane sur l'avenir de la source LLB-Orphée, une fermeture d'ici à la fin de la décennie étant envisagée. Outre que cette éventuelle fermeture anticipée est injustifiée d'un point de vue scientifique, technique, et financier, elle serait très préjudiciable aux utilisateurs français de la diffusion neutronique. C'est donc une communauté très affaiblie, tant en termes d'effectifs que de compétences, qui serait en mesure de répondre aux opportunités qu'offrira ESS, la future source européenne qui attendra son fonctionnement nominal vers 2030. La France s'étant engagée à financer le fonctionnement d'ESS, il importe qu'existe à cette date une communauté dynamique d'utilisateurs potentiels. Il lui demande donc de préciser la stratégie du Gouvernement en matière de diffusion neutronique, et en particulier de la source nationale LLB-Orphée au-delà de 2020.
Réponse publiée le 6 mai 2014
La stratégie du Gouvernement vise à permettre à la communauté française, et en premier lieu aux chercheurs du laboratoire Léon Brillouin (LLB), de garder sur le long terme sa place au meilleur rang au niveau mondial en matière de diffusion neutronique en favorisant une transition prévue à moyen terme et planifiée sur le long terme. Avec les réacteurs de l'Institut Laue-Langevin (ILL/HFR) et du laboratoire Léon Brillouin (LLB/Orphée) la France s'est dotée d'outils de recherche, à base de faisceaux de neutrons, de tout premier plan. A l'ILL à Grenoble, comme au LLB à Saclay, les neutrons sont produits par fission d'un noyau d'U235 au coeur d'un réacteur nucléaire. Avec ces deux sources sur son sol, la communauté française des neutrons a pris une position internationale forte. Depuis les années 70, une deuxième méthode pour la production de faisceaux intenses de neutrons est développée sur la base d'une physique différente, celle de la spallation nucléaire. Dans cette nouvelle méthode on fait interagir un faisceau intense de protons avec une cible faite d'un matériau lourd comme l'uranium ou le tungstène ; ces interactions nucléaires, dites de spallation, avec les noyaux cibles produisent des faisceaux de neutrons intenses et pulsés, dans une très large gamme d'énergie. L'intensité de ces faisceaux, des dizaines de fois supérieure à celle faisceaux issus de réacteur, et leur caractéristique temporelle pulsée, alors que les réacteurs fournissent des faisceaux continus, offrent des possibilités scientifiques entièrement nouvelles, et ouvrent de nouveaux domaines technologiques. Les communautés de neutrons, et en particulier la communauté française, ne peuvent être absentes de cette évolution. Les Etats-Unis et le Japon ont déjà leur installation, et l'Europe a décidé de construire une source cinq fois plus puissante, l'European Spallation Source (ESS), dans laquelle la France s'est engagée à participer. Dans le cadre de la réflexion générale sur la stratégie française en matière de sources de neutrons, actuelles et futures, le comité directeur des très grandes infrastructures de recherche (TGIR), réuni le 17 juin 2013, a approuvé les conclusions du rapport sur la stratégie française en matière de sources de neutrons selon les 4 priorités suivantes : - priorité 1 - poursuivre l'exploitation de l'ILL jusqu'à 2030, - priorité 2 - confirmer l'engagement français dans la nouvelle source à Spallation ESS, à Lund, à un niveau minimal compatible avec les engagements antérieurs, - priorité 3 - réaliser les travaux d'amélioration (upgrade) de l'ILL à Grenoble, - priorité 4 - soutenir le programme national LLB-Orphée, en programmant la fermeture du réacteur Orphée vers la fin de la décennie. Le LLB ayant quant à lui vocation à perdurer comme laboratoire d'excellence, tant dans la phase de préparation de l'instrumentation de l'ESS, que pendant son utilisation. Le rôle majeur du laboratoire LLB est ainsi absolument réaffirmé, avec en tout premier plan la responsabilité d'organiser et de porter la participation française à l'instrumentation d'ESS. Cette activité, qui a déjà démarré depuis les accords franco-suédois signés en 2010, devrait atteindre un maximum d'intensité dans les années 2018 à 2025 lors de la phase de commissioning, de montée en puissance et de démarrage des premiers instruments d'ESS ; elle continuera ensuite avec la participation à l'exploitation d'ESS, tant pendant la montée en régime avec l'installation et la réception des derniers instruments prévus, jusqu'en 2028, que pendant les 30 ans d'exploitation en configuration finale qui vont suivre. Par ailleurs les équipes de recherche du LLB, comme toute la communauté française, continueront à pouvoir travailler au moins jusqu'en 2030 à l'ILL, une priorité réaffirmée dans la stratégie française. Cette source à caractère international sur le territoire national, alimente des lignes particulières, équipées d'instruments gérés par des « collaborating research group » que la communauté française exploite de façon privilégiée. Les équipes du LLB, très attendues par ESS, en association avec d'autres équipes françaises et avec les équipes de l'ILL auront durant ces périodes une très grande activité qui leur donnera également une visibilité importante. Cette participation dans toutes les étapes du développement et de la montée en puissance d'ESS est de nature à conforter la compétence scientifique de la communauté française jusqu'au moment où ESS sera à son fonctionnement nominal.
Auteur : M. Marcel Rogemont
Type de question : Question écrite
Rubrique : Recherche
Ministère interrogé : Enseignement supérieur et recherche
Ministère répondant : Enseignement supérieur et recherche
Dates :
Question publiée le 28 janvier 2014
Réponse publiée le 6 mai 2014