14ème législature

Question N° 48455
de M. André Chassaigne (Gauche démocrate et républicaine - Puy-de-Dôme )
Question écrite
Ministère interrogé > Transports, mer et pêche
Ministère attributaire > Transports, mer et pêche

Rubrique > voirie

Tête d'analyse > autoroutes

Analyse > concessions. tarifs. conséquences.

Question publiée au JO le : 28/01/2014 page : 798
Réponse publiée au JO le : 01/04/2014 page : 3088

Texte de la question

M. André Chassaigne interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche, sur les projets de privatisation de certains tronçons autoroutiers en lien avec la relance du plan autoroutier. Dans le cadre des négociations pour la finalisation du plan de relance autoroutier, plusieurs projets d'extension de concession aux sociétés autoroutières sont désormais avancés en contrepartie d'une relance des investissements. Cette solution est envisagée pour au moins six tronçons, dont un tronçon de 10 kilomètres de l'A 75 au sud de Clermont-Ferrand avec le transfert de 12 agents de la DIR Massif central. Cette nouvelle volonté de privatisation du réseau routier national intervient alors même que la Cour des comptes vient de rendre public, le 24 juillet 2013, un nouveau rapport sur les relations entre l'État et les sociétés concessionnaires d'autoroutes, commandé par la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale en application de l'article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances. Ainsi, le rapport rappelle que l'État a fait le choix « de déroger au principe de la gratuité des voies de circulation en mettant en place un système de concessions ». L'article L. 122-4 du code de la voirie routière précise bien toujours que « l'usage des autoroutes est en principe gratuit ». Trois grandes sociétés, (les groupes Vinci Autoroutes, le groupe APRR, le groupe Sanef) se partagent les trois quarts du réseau autoroutier et 95 % du chiffre d'affaires du secteur. Ces trois groupes ont perçu 7,6 milliards d'euros de péages en 2011 : 4,28 milliards d'euros pour Vinci, 1,96 milliard d'euros pour APRR et 1,38 milliard d'euros pour Sanef. Les conclusions de la Cour des comptes sont une nouvelle fois sans appel, soulignant « des rapports déséquilibrés au bénéfice des sociétés concessionnaires », « des hausses des tarifs très supérieures à l'inflation », et « le caractère contestable des hausses tarifaires issues des contrats de plan ». La hausse constante du bénéfice net de ces sociétés n'est que le révélateur du racket financier opéré sur les usagers, avec l'accord tacite de l'État. La mise en concession de nouveaux tronçons, qui serait accordée à ces mêmes sociétés dans le cadre de ce plan de relance, apparaît donc en totale contradiction avec la nécessité pour l'État de reprendre un contrôle efficace sur les services rendus aux usagers de cette voirie routière et sur la maîtrise des conséquences des concessions. Ce sont de nouveaux gages donnés à des groupes, pour conforter leur emprise financière au détriment du service public, alors qu'il n'existe pas d'itinéraires de substitution pour certains tronçons comme l'A 75 au sud de Clermont-Ferrand. En conséquence, il lui demande s'il compte annuler ces différents projets de mise en concession. Il souhaiterait également connaître les mesures législatives et réglementaires qu'il compte prendre pour répondre aux recommandations essentielles de la Cour des comptes au regard des abus tarifaires flagrants des sociétés autoroutières.

Texte de la réponse

Le Gouvernement a décidé de lancer un plan de relance autoroutier d'un montant évalué à 3,5 milliards d'euros. Il s'agit de nouveaux investissements structurants à réaliser sur le réseau autoroutier français en contrepartie d'un allongement de la durée des concessions des sociétés d'autoroutes historiques (ASF, Escota, Cofiroute, SANEF, SAPN, APRR et AREA). Ces investissements importants et nécessaires contribueront à relancer l'économie française, avec la création de milliers d'emplois dans le secteur des travaux publics, sans créer de charge publique nouvelle. Un premier cycle de négociations a été mené avec les concessionnaires autoroutiers au cours de l'année 2013, afin de déterminer une liste d'opérations et de convenir d'un cadre de compensation. Le Gouvernement s'est désormais rapproché de la Commission européenne, qui devra donner son avis dans les mois à venir, après avoir vérifié la compatibilité de ce plan de relance autoroutier avec la réglementation communautaire. A l'issue de cette phase, le Conseil d'État sera également sollicité pour avis. Les chantiers prévus, sur l'ensemble du réseau autoroutier national, seront limités et ne concerneront que quelques kilomètres de chaussées à chaque fois. Parmi les projets à l'étude, figure l'élargissement à 2 x 3 voies de la section de l'A75 comprise entre le noeud A71 / A711 au nord et la sortie n° 5 « St Amant-Tallende » au sud. Cette section serait transférée à la société concessionnaire APRR, dont la limite de la concession correspond à la limite nord de l'A75, en contrepartie de la réalisation des travaux d'élargissement. Dans ce cadre, il n'y aurait pas de création de barrière de péage sur la section concernée par les travaux d'élargissement, le financement des travaux d'élargissement ayant vocation à être assuré par un allongement de la durée de la concession d'APRR. Les usagers, empruntant actuellement cet itinéraire gratuitement, continueront à l'emprunter gratuitement après son transfert à la société APRR, tout en bénéficiant par la suite d'un niveau de service que l'État exige des concessionnaires autoroutiers. Il n'y aura pas de barrière de péage sur l'A75. L'A75 est gratuite et le restera à l'issue des travaux. S'agissant du rapport de la Cour des comptes relatif aux « services chargés des relations avec les sociétés concessionnaires d'autoroutes entre 2009 et 2012 », ses conclusions rejoignent le constat du Gouvernement depuis le début de la législature. Les contrats de concession historiques, conclus pour la plupart dans les années 1960, sont structurellement complexes. Conçus à l'origine avec des opérateurs publics, ils auraient dû être modifiés en profondeur au moment de la privatisation pour encadrer de manière plus stricte les obligations des concessionnaires. Le rapport de la Cour pointe toutefois la qualité du suivi des obligations des sociétés par les services de l'État, notamment en matière de contrôle des infrastructures ou des hausses de tarifs. Plusieurs centaines de contrôles sont réalisés sur place chaque année, des dizaines de mises en demeure sont adressées, auxquelles les sociétés concessionnaires se soumettent rapidement. L'ensemble de ces contrôles fait l'objet d'un rapport annuel sur l'exécution et le contrôle des contrats de concession d'autoroutes et d'ouvrages d'art, transmis au Parlement. Il faut également souligner que les avenants aux contrats précédemment conclus par l'État ont permis des avancées importantes en faveur des usagers : l'accroissement de capacité d'autoroutes saturées, la création de nouveaux échangeurs en fonction de l'évolution des besoins, l'installation d'équipements de sécurité et notamment l'aménagement des tunnels suite à l'accident du Mont-Blanc, la mise en place d'équipements pour protéger l'environnement comme les bassins de retenue des eaux usées et les passages pour la faune, une amélioration générale de la qualité de service, en particulier sur les aires de service et de repos (propreté, entretien, services à destination des usagers...), ou encore le déploiement du télépéage sans arrêt. La négociation de ces contrats a enfin été l'occasion de négocier l'introduction d'indicateurs de performance, associés à des pénalités, qui garantissent le maintien d'un niveau de service de qualité sur les autoroutes concédées. Pour autant, l'État agit pour mettre en oeuvre les recommandations issues des rapports précédents de la Cour des comptes et protéger les intérêts de l'État et des usagers : - en accroissant les exigences sur les sociétés concessionnaires s'agissant des prix et des travaux réalisés. Les hausses annuelles des tarifs de péage qui sont intervenues le 1er février 2014 sont très fortement contenues : elles sont comprises entre 0,35 % et 1,23 % sur les grands réseaux, et en moyenne de 0,80 % (hors augmentation de la TVA). Ces hausses sont parmi les plus faibles de ces dix dernières années elles sont inférieures de 1,12 points aux hausses moyennes intervenues depuis 2003 ; - en demandant aux sociétés concessionnaires de documenter finement toutes les opérations d'investissement donnant lieu à compensation tarifaire et en prévoyant une récupération de la contrepartie financière en cas de retard des travaux. Par ailleurs, l'État a augmenté de 100 M€ en 2013 la redevance d'occupation du domaine public due par les sociétés concessionnaires d'autoroute pour tenir compte de l'avantage économique croissant obtenu ces dernières années par ces sociétés (hausse de + 50 %). Le renforcement du pilotage des contrats sera poursuivi.