14ème législature

Question N° 48560
de Mme Michèle Bonneton (Écologiste - Isère )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > droit pénal

Tête d'analyse > crimes et délits

Analyse > fichier d'empreinte génétiques. champ d'application.

Question publiée au JO le : 04/02/2014 page : 1006
Réponse publiée au JO le : 01/07/2014 page : 5648
Date de changement d'attribution: 03/04/2014

Texte de la question

Mme Michèle Bonneton interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation des militants associatifs ou syndicaux reconnus auteurs de dégradations aux biens, mais dispensés de peine compte tenu du caractère mineur de la dégradation. La dispense de peine a été considérée par la Cour de cassation dans un arrêt du 9 avril 2008 comme ne constituant pas une condamnation permettant en application des dispositions de l'article 706-54 alinéa 1 du code de procédure pénale l'inscription au fichier des empreintes génétiques. Elle a déclaré en séance du 8 janvier 2014 à l'Assemblée nationale que « qui que ce soit ici ait l'idée de confondre les militants politiques et syndicaux avec les criminels sexuels » pour qui le fichier génétique a été initialement conçu. Pourtant les militants reconnus auteurs de dégradations mineures continuent d'être l'objet de procédures de recueil de données génétiques, alors même que la dispense de peine ou la relaxe a été prononcée. C'est le cas d'un parent d'élève à Grenoble, dans le cadre de l'affaire du lycée Mounier, reconnu auteur d'un tag sur le parvis du rectorat, mais dispensé de peine, ou de cinq militants CGT de Roanne, relaxés mais finalement poursuivis pour leur refus de prélèvement ADN. Face à cet état de fait, elle lui demande ce qu'elle compte faire pour éviter que les militants syndicaux, politiques ou associatifs ne soient traités comme les auteurs de crimes sexuels ou d'actes de barbarie, et ainsi poursuivis pour prélèvement ADN, et si elle compte exclure de l'article 706-55 du code de procédure pénale les personnes concernées par l'alinéa 2 de l'article 322-1 du code pénal.

Texte de la réponse

En application des articles 706-54 et suivants du code de procédure pénale, toute personne déclarée coupable de l'une des infractions visées par l'article 706-55 du même code - qui vise, notamment, les dégradations - doit faire l'objet d'un enregistrement au fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), sans que le procureur de la République ne puisse, pour y faire obstacle, porter aucune appréciation sur sa qualité, son mobile ou les circonstances de commission de l'infraction. La chambre criminelle de la Cour de cassation a, dans un arrêt du 9 avril 2008, estimé que la dispense de peine ne constituait pas une condamnation au sens de l'article 706-54 du code de procédure pénale. Depuis cet arrêt, la loi n° 2010-242 du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale, a substitué, à l'article 706-54 du code de procédure pénale, l'expression « personnes déclarées coupables » à celles de « personnes condamnées », étendant, ainsi, le champ d'application du FNAEG aux dispenses de peines. Or les personnes dispensées de peine ont fait l'objet d'une déclaration de culpabilité. S'agissant, plus largement du sort des militants syndicaux, politiques et associatifs, le Sénat a voté, le 27 février 2013, une proposition de loi portant amnistie des délits commis à l'occasion de mouvements sociaux et d'activités syndicales et revendicatives. Cette proposition de loi qui comportait des dispositions amnistiant les faits de refus de prélèvement biologique, lorsque les faits à l'origine de la demande de prélèvement ont été eux-mêmes amnistiés, a été renvoyée en commission des lois de l'assemblée nationale, le 16 mai 2013. Par ailleurs, une nouvelle proposition de loi visant à encadrer le fichage génétique et à interdire le fichage des personnes poursuivies pour des faits commis à l'occasion d'activités syndicales et revendicatives a été déposée au Sénat le 12 février 2014. Il appartient aux élus de la Nation de se prononcer sur l'issue de ces initiatives d'origine parlementaire. Enfin, et s'agissant de la liste des incriminations, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2010-25 QPC du 16 septembre 2010 a estimé que les infractions permettant l'inscription au FNAEG étaient précisément et limitativement énumérées. Il a également relevé, qu'outre les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, toutes ces infractions portent atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, incriminent des faits en permettant la commission ou ceux qui en tirent bénéfice et qu'à l'exception de l'infraction prévue au second alinéa de l'article 322-1 du code pénal, toutes sont au moins punies de peines d'emprisonnement et que les rapprochements opérés avec des empreintes génétiques provenant des traces et prélèvements enregistrés au fichier sont aptes à contribuer à l'identification et à la recherche de leurs auteurs. Le Conseil constitutionnel en a déduit que la liste des infractions prévue par l'article 706-55 du code de procédure pénale est en adéquation avec l'objectif poursuivi par le législateur, ne soumet pas les intéressés à une rigueur qui ne serait pas nécessaire et ne porte atteinte à aucun des droits et libertés invoqués.