14ème législature

Question N° 48686
de M. Joël Giraud (Radical, républicain, démocrate et progressiste - Hautes-Alpes )
Question écrite
Ministère interrogé > Écologie, développement durable et énergie
Ministère attributaire > Écologie, développement durable et énergie

Rubrique > environnement

Tête d'analyse > enquêtes publiques

Analyse > études d'impact. réforme. réglementation.

Question publiée au JO le : 04/02/2014 page : 964
Réponse publiée au JO le : 24/06/2014 page : 5239
Date de changement d'attribution: 03/04/2014
Date de signalement: 10/06/2014

Texte de la question

M. Joël Giraud attire l'attention de M. le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur la difficulté liée à l'application cumulative des deux décrets suivants : le décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011 portant réforme des études d'impact des projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements et le décret n° 2011-2018 du 29 décembre 2011 portant réforme de l'enquête publique relative aux opérations susceptibles d'affecter l'environnement. L'application de ces deux décrets est un frein à la réalisation de nombreux projets et produit des effets nocifs. Tout d'abord, un recensement effectué par la DREAL de Rhône-Alpes sur les études d'impact cas par cas recensées en 1 an d'application du nouveau régime démontre que les seuils d'enclenchement des études d'impact des domaines skiables ont été placés trop bas. Cela encombre inutilement les circuits d'instruction, freine les projets et renforce l'incertitude des porteurs de projets. Il est à noter qu'un constat similaire a conduit le ministère du développement durable à relever les seuils d'enclenchement pour les défrichements. Ensuite, il serait judicieux de supprimer la double enquête publique dont font l'objet les projets déjà passés à l'enquête publique au travers d'un document d'urbanisme ayant lui-même fait l'objet d'une enquête publique, disposition mise en place depuis la loi Grenelle 2 et les décrets suscités. Enfin, il conviendrait d'abolir le refus tacite. L'absence de réponse de l'administration dans le délai imparti vaut obligation de conduire une étude d'impact. Cette disposition n'est pas explicitement prévue dans la directive n° 2011/92/UE. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre afin de remédier à ces divers problèmes. Cela s'inscrirait parfaitement dans la démarche de simplification administrative voulue par le Gouvernement et attendue de tous.

Texte de la réponse

Le décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011 portant réforme des études d'impact a introduit la procédure d'examen au cas par cas, comme l'a d'ailleurs fait une grande majorité des États membres de l'Union européenne, afin de ne soumettre à une étude d'impact que les projets pour lesquels celle-ci s'avère nécessaire au regard des critères de l'annexe III de la directive 2011/92/UE. Les pistes de ski sont expressément dans le champ de cette directive, spécifiquement visées au point 12 a) de l'annexe II « pistes de ski, remontées mécaniques et téléphériques et aménagements associés ». Il est juridiquement impossible d'exclure les projets de l'annexe II de la directive susvisée de toute évaluation ou de tout examen visant à vérifier si une telle évaluation est pertinente ; aussi la seule alternative est-elle une étude d'impact systématique ou un examen au cas par cas. Définir des seuils d'exclusion dimensionnels, comme suggéré, irait pour ce type de projets, directement à l'encontre de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne eu égard au caractère particulièrement sensible du milieu susceptible d'accueillir les pistes de ski (cf par exemple C 435/09 du 24 mars 2011, Royaume de Belgique (points 60 et 61 notamment) ou C-332/04 du 16 mai 2006). La jurisprudence de la Cour est nombreuse et constante sur ce point. Le tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, qui détermine les projets devant faire l'objet d'une étude d'impact systématique ou au cas par cas, distingue pour les travaux sur les pistes de ski et les installations d'enneigement (et aménagements associés) ceux qui se situent en site vierge et ceux qui se situent hors site vierge conformément aux critères de la directive invitant à prendre en compte la nature, dimension et la localisation des projets. En ce qui concerne la demande visant à supprimer la règle selon laquelle « l'absence de réponse de l'administration (à une demande d'examen au cas par cas) dans le délai imparti vaut obligation de conduire une étude d'impact » : la réponse à une demande d'examen fait l'objet en principe d'une décision explicite et motivée, rendue dans un délai court (35 jours maximum). Au regard des dernières données chiffrées disponibles, on constate que, sur 2330 dossiers examinés par les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), dans les six premiers mois d'application du décret n° 2011-2018 du 29 décembre 2011, seuls 0,4 % ont donné lieu à une obligation de réaliser une étude d'impact suite à une absence de réponse. En ce qui concerne les données fournies par la DREAL Rhône-Alpes, du 1er janvier au 30 septembre 2013, sur 286 dossiers concernant des projets de tourisme et loisirs incluant des projets en montagne, 85 % ont abouti à dispenser le projet d'une étude d'impact. Le « cas par cas » s'analyse donc plutôt comme une simplification pour les porteurs de projet que comme un alourdissement des contraintes. Il sécurise de surcroît juridiquement les projets. On notera en outre que la décision de cas par cas peut faire l'objet d'un recours devant les juridictions administratives. Par ailleurs, si la disposition contestée n'est pas explicitement énoncée dans la directive 2011/92/UE, la Cour de justice a précisé dans un arrêt C-87/02 du 10 juin 2004, Commission contre Italie « qu'une décision par laquelle l'autorité nationale compétente estime que les caractéristiques d'un projet n'exigent pas qu'il soit soumis à une évaluation de ses incidences sur l'environnement doit contenir ou être accompagnée de tous les éléments permettant de contrôler qu'elle est fondée sur une vérification préalable adéquate, effectuée conformément aux exigences de la directive 85/337. ». La mesure critiquée, qui a d'ailleurs fait l'objet de nombreuses explications auprès des maîtres d'ouvrage, est donc la façon la plus simple de respecter nos obligations européennes. En ce qui concerne la double enquête publique : la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 a institué à l'article L. 123-6 du code de l'environnement la possibilité d'organiser une enquête publique unique « lorsque la réalisation d'un projet, plan ou programme est soumise à l'organisation de plusieurs enquêtes publiques dont l'une au moins en application de l'article L. 123-2 ». La précision des informations présentées au public lors de l'enquête publique consécutive à l'élaboration ou à la modification d'un document d'urbanisme est sensiblement différente de celle proposée après l'étude d'impact d'un projet. On notera qu'il est recommandé d'utiliser les résultats pertinents des évaluations menées au titre du document d'urbanisme afin que l'évaluation éventuellement requise au stade du projet utilise le résultat des études précédemment menées et ait simplement à les compléter. Le Gouvernement entend examiner, dans le respect de ses obligations européennes, les possibles améliorations de la procédure d'examen au cas par cas au cours du processus de modernisation du droit de l'environnement et toutes clarifications qui pourraient être nécessaires pour permettre au public de participer efficacement aux procédures d'autorisation de projets susceptibles d'avoir des incidences significatives sur l'environnement, dans le souci d'un développement économique durable.