14ème législature

Question N° 49249
de M. Bruno Nestor Azerot (Gauche démocrate et républicaine - Martinique )
Question écrite
Ministère interrogé > Commerce extérieur
Ministère attributaire > Commerce extérieur, tourisme et Français de l'étranger

Rubrique > entreprises

Tête d'analyse > délais de paiement

Analyse > réduction. conséquences. exportateurs.

Question publiée au JO le : 11/02/2014 page : 1179
Réponse publiée au JO le : 24/06/2014 page : 5210
Date de changement d'attribution: 10/04/2014

Texte de la question

M. Bruno Nestor Azerot attire l'attention de Mme la ministre du commerce extérieur sur la question des délais de paiement applicables à l'achat des biens destinés à être exportés hors de l'Union européenne. L'article 61 du projet de loi relatif à la consommation confirme la fixation à 60 jours du délai de paiement maximum des livraisons, ceci sans permettre, à la différence de nombre de nos partenaires européens (le Royaume-uni, l'Autriche ou encore l'Italie notamment), d'aller au-delà, même si les parties en sont d'accord. Cette réglementation nuit à l'attractivité des négociants français dans le cadre de leur exportation car leur client hors Union européenne les paient 90, 120 voire 360 jours tandis que les producteurs français ne peuvent eux aller au-delà de 60 jours. De plus, on dénombre plus de 20 000 négociants réalisant plus de 100 milliards d'exportations. Il s'agit donc, sur un plan macroéconomique, d'une véritable problématique pour notre balance commerciale, mais aussi d'une entrave supplémentaire à laquelle doivent faire face nos négociants nationaux pour parvenir à être attrayants, contrainte faisant ô combien écho outre-mer. Par ailleurs, l'amendement n° 50 audit projet de loi a été rejeté par le Sénat. Il aurait permis de mettre les entreprises françaises sur un pied d'égalité avec leurs concurrentes européennes concernant le grand export en leur ouvrant la possibilité de déroger aux délais de paiement de droit commun, dans la limite des volumes de biens achetés en franchise de taxe sur la valeur ajoutée et revendus en l'état. Cette situation est dommageable pour nos entreprises. Dès lors, il demande ce qu'elle compte mettre en oeuvre pour renforcer la compétitivité des négociants en France, lesquels font face à la concurrence de ceux implantés à l'étranger et bénéficiant de délais plus longs pour le règlement de leurs fournisseurs.

Texte de la réponse

Les dispositions du code de commerce, issues en particulier de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME), ne s'appliquent aux opérations internationales que dans des cas particuliers. L'examen des termes du contrat de vente liant une société française et un fournisseur ou un client étranger est un préalable à la détermination de la loi applicable. Le négoce international de marchandises est encadré juridiquement par la convention sur la vente internationale de marchandises (CVIM) du 11 avril 1980. Cette convention s'applique aux contrats de vente de marchandises conclus par des parties ayant leur établissement dans des États différents signataires de cette convention. Sauf exclusion par les parties, les dispositions de cette convention s'appliquent par défaut aux contrats internationaux et se substituent aux règles du droit interne national. Or l'article 59 de cette convention, relatif aux délais de paiement, renvoie à l'application des dispositions contractuelles et ne fixe aucun plafond. Les parties peuvent toutefois expressément exclure l'application de cette convention et décider d'appliquer le droit interne national de l'une ou l'autre des parties. Si les parties ont désigné une loi étrangère comme loi applicable à leur contrat, les dispositions du code de commerce relatives aux délais de paiement, en tant que règle impérative ou de police, peuvent néanmoins s'appliquer dans certains cas, notamment en cas d'abus manifeste ayant été à l'origine d'un préjudice en France et pouvant donner lieu à une action contentieuse à l'initiative du ministre. L'application par défaut des règles de droit de la convention sur la CVIM ou le choix d'appliquer un droit interne étranger moins contraignant que le droit français permettent donc, d'ores et déjà, aux négociants français d'octroyer à leurs clients étrangers des délais de paiement similaires à ceux proposés par leurs concurrents internationaux. En outre, l'avantage concurrentiel dont bénéficient certaines entreprises européennes par rapport aux entreprises françaises est atténué depuis le 16 mars 2013. En effet, la directive n° 2011/7/UE du 16 février 2011 relative à la lutte contre les retards de paiement dans les relations commerciales devant être intégralement transposée à cette date, limite en principe les délais de paiement à 60 jours civils en Europe. Or 68,7 % des exportations françaises ont pour destination un pays européen (source institut national de la statistique et des études économiques, « exportations et importations de biens de la France dans le monde en 2011 »). Lors de la discussion du projet de loi relatif à la consommation au Parlement, plusieurs amendements ont proposé des dérogations aux délais de paiement de droit commun en faveur des entreprises exportatrices. Par exemple, il a été proposé que les entreprises exportatrices négocient librement leurs délais de paiement avec leurs fournisseurs et clients, sous réserve que le délai fixé ne soit pas abusif à l'égard du créancier. La possibilité a aussi été proposée au grand export de déroger aux délais de paiement de droit commun, dans la limite des volumes de biens achetés en franchise de taxe sur la valeur ajoutée et revendus en l'état. Or ces dérogations peuvent sembler contraires à l'objectif général de réduction des délais de paiement que s'est fixé le Gouvernement. Elles ont donc été retirées du projet de texte final et n'apparaissent pas dans le projet de loi définitivement adopté. En effet, la troisième décision du pacte national pour la compétitivité, la croissance et l'emploi, de décembre 2012, a établi un plan d'actions visant à développer les contrats de filière ou à renforcer l'efficacité de l'action de l'administration par la mise en oeuvre de nouvelles sanctions administratives. De plus, l'observatoire des délais de paiement, dans son rapport 2012, préconise d'exclure toute mesure supplémentaire visant à assouplir (prolongation ou multiplication d'accords dérogatoires) ou à restreindre les principes généraux établis par l'article L. 441-6 du code de commerce. Dans son rapport 2013, l'observatoire des délais de paiement réaffirme sa position de principe sur la nécessaire stabilité du cadre législatif et réglementaire en matière de délais de paiement, puisque la multiplication des règles pourrait susciter de nouveaux risques de contournement. Or ces dérogations auraient été supportées par les entreprises nationales. En effet, les difficultés des entreprises exportatrices auraient été répercutées sur leurs fournisseurs nationaux et, par conséquent, à l'ensemble de l'économie nationale. C'est d'ailleurs la conclusion à laquelle était parvenu le président de l'observatoire des délais de paiement dans le rapport sur la situation des entreprises exportatrices face aux dispositions de la LME sur les délais de paiement remis en juillet 2013. Il estimait, en effet, difficile de recommander une action par la loi ou la mise en place de dérogations à la loi en faveur des entreprises exportatrices. Un régime dérogatoire pouvait selon ce rapport renforcer les possibilités de délais cachés ou d'effets pervers. L'observatoire des délais de paiement recommandait donc de se tourner vers les outils de financement et de soutien pour soutenir les entreprises exportatrices, telle l'assurance crédit gérée par la compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur.