Question de : M. Florent Boudié
Gironde (10e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Florent Boudié attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la propagation et la banalisation des écrits racistes et xénophobes diffusés massivement par le biais d'internet et souhaite que des dispositions soient engagées pour contrer cette grave dérive et en sanctionner les auteurs. Si la libre communication des pensées et des opinions demeure, ainsi que le précise l'article 11 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789, « un des droits les plus précieux de l'homme », elle ne saurait justifier la timidité des pouvoirs publics devant la multiplication et la banalisation des incitations à la haine de l'autre et au rejet des différences dont internet regorge 24h sur 24h. Au cours de ces dernières semaines plusieurs actes ont été perpétrés contre des lieux de culte, particulièrement en direction de la communauté musulmane de France, et font aujourd'hui l'objet d'enquêtes judiciaires pour en identifier le ou les auteurs et leurs intentions. Qu'il s'agisse de la mosquée de Libourne, contre laquelle une bouteille incendiaire a été lancée dans la nuit du 20 au 21 août, sans faire de blessés, ou encore de la mosquée de Limoges profanée dans la nuit du 11 au 12 septembre par le jet d'excréments, chacun de ces faits a donné lieu à un déferlement, sur internet, de commentaires d'une très grande violence dont la nature raciste et xénophobe ne fait aucun doute. Les manifestations de rejet de l'autre ont évolué, elles se fondent sur des aspects culturels et religieux. Pour œuvrer contre ce phénomène, beaucoup misent, à juste titre, sur le milieu scolaire où se manifestent, dès le plus jeune âge, des violences à caractère raciste. Il importe toutefois d'engager des actions fermes et sévères pour renforcer la pénalisation du racisme diffusé par internet. A cet égard, il souhaite connaître les intentions du Gouvernement pour agir efficacement dans cette direction.

Réponse publiée le 2 juillet 2013

La lutte contre les contenus à caractère raciste ou antisémite sur internet, qui sont en contradiction totale avec les valeurs fondamentales de notre société, constitue un impératif et une priorité de la politique pénale du gouvernement. Cette lutte est d'ores et déjà mise en oeuvre grâce à une législation très complète. La loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse permet en effet de sanctionner la diffusion sur internet de propos à caractère raciste ou antisémite, notamment au titre de la diffamation publique raciale ou religieuse ou de la provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale ou religieuse, punies l'une et l'autre d'un an d'emprisonnement et 45 000 € d'amende, ou encore de l'injure publique, punie de six mois d'emprisonnement et de 22 500 € d'amende. La loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dérogeant à la prescription trimestrielle de l'article 65 de la loi sur la presse, a élevé à un an le délai de prescription pour ces trois délits. La loi du 5 mars 2007 a introduit par ailleurs une nouvelle procédure à l'article 50-1 de la loi du 29 juillet 1881 qui permet désormais, s'agissant des faits de provocation publique et de contestation de crimes contre l'humanité (article 24 bis du même texte), au ministère public et à toute personne ayant intérêt à agir de demander au juge des référés d'ordonner l'arrêt d'un service de communication au public en ligne. Les hébergeurs de site internet se voient imposer par la loi trois types d'obligations. En effet, les articles 6 I-2 et 6 I-3 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique prévoient que la responsabilité civile ou pénale de l'hébergeur peut être engagée dans l'hypothèse où il a effectivement connaissance de l'information illicite diffusée et qu'il n'agit pas promptement pour la retirer ou la rendre inaccessible. Si les hébergeurs ne sont pas soumis à une obligation générale de surveillance, l'article 6. I. 7, alinéa 2 de la loi du 21 juin 2004 dispose qu'ils peuvent être astreints à une activité de surveillance ciblée et temporaire demandée par l'autorité judiciaire. De même, les fournisseurs d'accès et d'hébergement ont l'obligation de déférer aux décisions de justice destinées à faire cesser ou à prévenir un dommage. Ainsi, l'article 6. I.8 de la loi de 2004 énonce que « l'autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête, aux fournisseurs d'hébergement ou, à défaut, aux fournisseurs d'accès, toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne ». Enfin, l'article art. 6. I. 7, alinéa 4 de la loi du 21 juin 2004 impose aux fournisseurs d'accès et d'hébergement de « mettre en place un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance ce type de données », sous peine d'un an d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende. Etayée par cette législation, une politique pénale volontariste est menée et l'attention des parquets généraux a été appelée sur la nécessité d'une réponse pénale ferme et adaptée aux actes à caractère raciste, antisémite ou xénophobe par une circulaire de la garde des sceaux en date du 27 juin 2012. Sur le plan technique, la plateforme d'harmonisation d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (PHAROS) mise en oeuvre par le ministère de l'Intérieur est accessible au public via un portail qui autorise les internautes, les fournisseurs d'accès et services de veille étatiques à signaler en ligne les sites ou contenus contraires aux lois et règlements diffusés sur internet. Une équipe d'une dizaine d'enquêteurs, composée à parité de gendarmes et de policiers, analyse et rapproche les signalements puis les oriente vers les services de police et unités de gendarmerie en fonction d'un protocole de compétences articulé autour de critères matériels et territoriaux. Au cours de l'année 2012, près de 120 000 signalements ont été reçus par PHAROS. Tous les parquets disposent aujourd'hui d'un pôle anti discriminations, comprenant en son sein un magistrat référent ainsi qu'un ou plusieurs délégués du procureur spécialisés. Les magistrats référents participent régulièrement à des actions de formations dans les écoles, dédiées à la lutte contre les discriminations. Il apparait dans ces conditions que des moyens juridiques variés existent pour lutter contre le racisme et l'antisémitisme sur internet et que la réduction de ces fléaux est pleinement inscrite dans la politique pénale du gouvernement.

Données clés

Auteur : M. Florent Boudié

Type de question : Question écrite

Rubrique : Télécommunications

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 18 septembre 2012
Réponse publiée le 2 juillet 2013

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