14ème législature

Question N° 49507
de M. Claude Sturni (Union pour un Mouvement Populaire - Bas-Rhin )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > police

Tête d'analyse > personnel

Analyse > suicides. lutte et prévention.

Question publiée au JO le : 11/02/2014 page : 1218
Réponse publiée au JO le : 23/09/2014 page : 8090
Date de changement d'attribution: 27/08/2014

Texte de la question

M. Claude Sturni attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'augmentation du nombre de suicides dans les services d'ordre public, particulièrement au sein de la police nationale, de la gendarmerie, des gardes forestiers et des sapeurs-pompiers. En effet, il semble que le nombre d'agents des forces de l'ordre qui se suicident sur leur lieu de travail soit en augmentation ces dernières années. Selon les sources syndicales et journalistiques, le taux de suicide est nettement supérieur chez les agents de l'ordre public par rapport aux autres professions et plus particulièrement au mois de décembre où l'on constate un pic chaque année. Cette observation semble se confirmer en 2013. Il souhaite donc connaître les mesures que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour améliorer le quotidien de ces fonctionnaires afin de prévenir le mal-être et le suicide dans l'exercice de leurs fonctions.

Texte de la réponse

Au sein de la police nationale, la moyenne des suicides déplorés au cours des cinq dernières années est de 40 par an. Le suicide par arme de service est le plus fréquent et a représenté 55 % des suicides constatés au cours des années 2008 à 2012. Il est prématuré de conclure à une recrudescence dans l'utilisation de l'arme de service, même si une lecture brute des données 2013 fait apparaître une progression de ce mode opératoire (plus des deux tiers des décès sont dus à l'utilisation de l'arme administrative). Toutefois, sur les sept suicides enregistrés depuis le début 2014, trois ont été commis avec une arme de service, soit moins de la moitié. En 2011 et 2012, années au cours desquelles une étude spécifique a été effectuée, respectivement 10 % et 20 % des suicides ont été commis sur le lieu de travail. En 2013, la proportion est d'un tiers et, sur les sept suicides enregistrés en 2014, aucun n'a eu lieu sur le lieu de travail. S'il est établi que les causes sont majoritairement d'ordre privé, la difficulté du métier de policier ne peut être niée dans les facteurs déclenchant le passage à l'acte. Au sein de la gendarmerie nationale, la dernière décennie est marquée par une légère baisse des suicides (28 par an en moyenne, contre 32 de 1993 à 2002). En 2013, le nombre de décès par suicide est l'un des plus faibles depuis dix ans (22, auxquels s'ajoute le décès d'un réserviste). Ces données portent sur l'ensemble des personnels militaires et civils de la gendarmerie nationale, quel que soit le lieu où l'acte est commis (locaux de service, logement concédé par nécessité absolue de service, voie publique, ...). En 2013, la moitié des suicides se sont déroulés dans le logement en caserne et environ 20 % dans les locaux de service, soit une répartition similaire à celle observée au cours de la dernière décennie. On constate une moyenne de un à trois suicides par mois sur la dernière décennie et le mois de décembre est un de ceux qui connaît généralement le moins de suicides (2 en moyenne). Néanmoins, les fluctuations mensuelles peuvent être importantes et l'augmentation des suicides constatée en décembre 2013 intervenait après 17 mois de baisse. Le suicide au sein de la police et de la gendarmerie nationales est une préoccupation majeure du ministère de l'intérieur qui conduit depuis plusieurs années une politique volontariste. Le ministère dispose, pour la police nationale, d'un service de soutien psychologique opérationnel (SSPO) composé, sous l'autorité d'une psychologue, de soixante psychologues cliniciens répartis sur l'ensemble du territoire. Ces professionnels sont chargés de répondre aux demandes d'assistance psychologique des fonctionnaires de police et des interventions urgentes à la suite d'événements traumatiques. Ils assurent un soutien et un accompagnement des policiers en difficulté, organisent des permanences et des séances d'information. Des actions de prévention sont également menées, notamment avec des groupes de parole. Depuis la mise en oeuvre de ce dispositif de prévention, le nombre de suicides, même s'il reste trop élevé, a régressé dans la police, passant de 50 dans les années 1990 à 40 par an au cours des dernières années. Afin d'optimiser encore le fonctionnement de ce réseau, une mission d'audit du SSPO a été lancée en octobre 2013. Le directeur général de la police nationale a adressé le 22 décembre 2009 une instruction aux directeurs et chefs de service de police les invitant à intensifier la mobilisation de tous les personnels pour mieux détecter les situations de vulnérabilité. Par ailleurs, un rapport d'étude épidémiologique sur le suicide au sein des services de police, remis en juin 2010 par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), a préconisé une coordination renforcée de l'ensemble des réseaux institutionnels de professionnels de soutien (médecins de prévention, assistants de service social, psychologues notamment). Une instruction du 13 novembre 2012 du directeur général de la police nationale, complétée par une note du 20 mars 2013, a permis d'instituer progressivement les « pôles de vigilance suicide » au sein de chaque département dans les services territoriaux de la police nationale. Sous l'égide du médecin de prévention, ils réunissent les professionnels de soutien pour la mise en oeuvre d'une prévention coordonnée et anticipée. La gendarmerie nationale, quant à elle, n'est pas plus touchée par ce douloureux phénomène que l'ensemble de la société française. Toutefois, face à un « bilan » encore trop lourd et vivement ressenti par les gendarmes, les efforts de prévention sont poursuivis et intensifiés. Dans ce cadre, l'action de la gendarmerie repose sur plusieurs dispositifs mis en oeuvre depuis plusieurs années : - Depuis 1998, un programme de prévention des situations professionnelles fragilisantes et des risques psychosociaux est mis en oeuvre. Une commission nationale de prévention (CNP), organe coordinateur mis en place à la demande du directeur général de la gendarmerie nationale, développe plus particulièrement un axe d'action majeur : la prévention du suicide ; - Depuis 2006, un programme de sensibilisation, intitulé « Ensemble, prévenons le suicide », a été déployé par les Cellules Locales de Prévention (CLP) au sein de chaque région de gendarmerie ; Il doit également être souligné la remise début 2013, par les inspections générales de l'administration, de la police nationale et de la gendarmerie nationale, d'un rapport d'audit sur la prévention du suicide parmi les personnels des forces de sécurité de l'État. Ses préconisations sont en cours de mise en oeuvre, notamment : - une réforme de la procédure de recrutement avec un temps de parole suffisant pour les psychologues lors des jurys de sélection, qui doit permettre de déceler, dès la phase du concours, les profils fragiles ou instables ; - la généralisation et la densification des formations permettant de prendre en compte les risques psycho-sociaux (RPS) et la prévention du suicide, en particulier au bénéfice des policiers exerçant une activité d'encadrement ; les écoles de formation initiale des cadres de la police nationale ont ainsi intégré des modules spécifiques de formation au management en sécurité et en santé au travail centrés sur le stress, les RPS et le suicide ; - la mise en place de locaux et de points de dépôt sécurisés permettant aux policiers d'y déposer leur arme après le service ; - l'organisation plus fréquente de phases de « defusing » (premier récit à chaud et spontané) ou de débriefing technique suite à un événement marquant ou traumatisant. Ainsi, pour la gendarmerie nationale, depuis 2013, la prévention du suicide est intégrée à la prévention des risques psychosociaux. Elle fait l'objet d'une politique particulièrement active. Ce dispositif est renforcé par la mise en place de comités de pilotage (COPIL) au sein de chaque région. Formés par l'agence nationale d'amélioration des conditions de travail (ANACT), avec le soutien au niveau régional des ARACT, ces COPIL vont permettre la réalisation d'un plan de prévention en fin d'année 2014. En amont de ces dispositifs, la gendarmerie nationale agit dans le domaine de la protection de la santé mentale, dès le recrutement de ses militaires et dans les phases d'orientation vers certains postes particuliers. L'objectif est d'écarter les candidats dont les conduites, potentiellement à risque, pourraient avoir des effets néfastes pour eux-mêmes, pour la population ou leur environnement. A cet effet, la gendarmerie met en oeuvre un processus d'évaluation psychologique qui lui permet de mesurer l'ensemble des aptitudes des candidats et de sélectionner les personnes les plus adaptées aux spécificités du statut militaire et des missions exercées. Ce dispositif permet aux officiers conseils en recrutement et gestion des compétences (psychologues du travail) de procéder à l'examen psychologique très approfondi de chaque candidat. Cet examen repose sur l'utilisation simultanée de quatre outils scientifiques interdépendants : un entretien structuré en face à face (le psychologue reçoit seul le candidat en parallèle d'un jury pour plus de finesse dans son évaluation), un test d'intelligence générale (détection des capacités à résoudre des problèmes, des tâches, des situations) et deux inventaires de personnalité (le premier mesure les ressources comportementales de la personne et le second évalue ses vulnérabilités psychologiques). En ce qui concerne le suicide chez les sapeurs-pompiers, la fédération nationale et la mutuelle nationale des sapeurs ont constitué un groupe de travail national « santé, sécurité, prévention » qui a remis en mai 2014 à la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, un rapport sur la prévention et l'accompagnement des risques suicidaires chez les sapeurs-pompiers. Lors d'une enquête préalable, il avait été dénombré 37 cas de suicide en 2010 chez les sapeurs-pompiers. La connaissance du nombre exact de suicides est rendue difficile par l'importante proportion de volontaires (78 % des 245 800 sapeurs-pompiers) qui peuvent passer à l'acte sans que ce geste soit pris en compte au niveau des statistiques nationales. Ce rapport, à partir de cinq grandes orientations de travail, a émis treize propositions pour mieux évaluer, prévenir, détecter et gérer la crise suicidaire tant pour l'individu que pour la collectivité. Le risque psycholosocial, dont le suicide représente le risque ultime, est pris en compte de manière croissante dans les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS). Sa prévention passe par une orientation forte de la politique de santé et de sécurité menée par le SDIS vers l'utilisation des outils réglementaires de la santé en service et la fonctionnalité du réseau associant le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), le réseau des préventeurs, les travailleurs sociaux et le service de santé et de secours médical. Celui-ci dispose, dans la totalité des départements, de psychologues sapeurs-pompiers volontaires experts qui assurent le soutien collectif psychologique des sapeurs-pompiers lors des interventions potentiellement traumatisantes ou une prise en charge individuelle, si besoin. L'ensemble de ces actions s'inscrivent dans les recommandations émises en 2010 par le ministère de l'intérieur dans un rapport sur la prévention des risques psychosociaux et la diffusion d'une note émanant, en mars 2014, du secrétariat général du gouvernement sur la mise en oeuvre du plan national d'action pour la prévention des risques psychosociaux dans les trois fonctions publiques.