Question écrite n° 49799 :
gestion

14e Législature

Question de : Mme Laurence Abeille
Val-de-Marne (6e circonscription) - Écologiste

Mme Laurence Abeille alerte M. le ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche, sur la menace qui continue de peser sur l'avenir des fonds marins suite au résultat du vote du 10 décembre 2013 au Parlement européen qui, malgré des rectifications de vote a posteriori des députés européens n'a pas permis légalement de mettre un terme à cette pratique de pêche destructrice que constitue le chalutage en eaux profondes. Ce vote était confus, de nombreux députés se sont trompés dans leurs actes de vote et ont adopté l'un des amendements proposés préalablement, alors que leur intention réelle était de le rejeter et de repousser cette pratique de pêche dévastatrice. Finalement, après correction de vote de plusieurs députés, le résultat en est ressorti inversé : c'est par une courte majorité que l'interdiction du chalutage profond aurait dû être adoptée. Or, d'un point de vue réglementaire, ce résultat n'a pas pu être pris en compte, car le vote en assemblée plénière ne peut être remis en cause a posteriori, ce qui est juridiquement indiscutable. Il n'existe aucun recours, et le vote a donc été perdu. Pour autant, cette situation n'est absolument pas tenable. Cette question politique est extrêmement sensible dans l'opinion française, comme le montrent d'une part, le nombre de signatures de la pétition initiée par l'association Bloom et adressée au Président de la République, qui a déjà recueilli à ce jour près de 800 000 signatures afin de mettre un terme au chalutage profond et de préserver l'avenir des fonds marins, et d'autre part, le revirement de certaines enseignes de la grande distribution qui, la veille du vote, ont communiqué sur leur volonté de supprimer de leurs étals les espèces de poissons des grands fonds issus de cette technique de pêche destructrice. Devant l'impossibilité de revenir sur le résultat de ce vote, c'est donc le Conseil des ministres européens qui devra désormais se saisir de cette question cruciale pour le devenir des fonds marins. Aussi, elle en appelle solennellement au Gouvernement français, afin que le conseil des ministres européens réponde de cette question cruciale et tienne compte de la confusion née de ce vote et de sa rectification a posteriori. Elle lui demande donc s'il entend peser sur ce point au conseil des ministres européens, afin que cette interdiction du chalutage en eaux profondes soit finalement actée, et si le Gouvernement entend agir afin que les distributeurs s'engagent à refuser de commercialiser les espèces issues de cette technique de pêche destructrice.

Réponse publiée le 19 août 2014

Dans le cadre de la révision du régime de gestion de la pêche profonde, l'attention du secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie chargé des transports, de la mer et de la pêche est appelée sur la pêche profonde. Il existe depuis 2002 un régime d'encadrement de la pêche des espèces d'eau profonde adopté par l'Union européenne (UE). Ce régime d'encadrement de cette activité a mis en place des quotas de pêche, des limitations de l'effort de pêche, un renforcement des contrôles et un effort de collecte de données pour améliorer la connaissance des stocks halieutiques concernés. Cet encadrement a porté ses fruits s'agissant de la santé des stocks halieutiques. Les stocks de poissons de l'Atlantique nord-est sont évalués, selon un processus strict et rigoureux, par le Conseil international pour l'exploitation de la mer (CIEM), qui est l'organisme scientifique indépendant et compétent pour l'Atlantique nord-est. Il regroupe plus de 4 000 scientifiques provenant d'environ 300 instituts, avec environ 1 600 scientifiques participant annuellement aux travaux. Parmi plus d'une centaine de stocks évalués régulièrement, cet organisme dispose d'une compétence reconnue sur les espèces en eaux profondes. Les derniers avis du CIEM sur ces espèces datent de mai 2014 et sont encourageants, notamment pour le sabre noir, la lingue bleue et le grenadier de roche qui sont les trois principales espèces exploitées par les pêcheries françaises. Ils s'inscrivent dans la tendance positive des avis précédents de juin 2012 sur l'état de ces stocks. Plus généralement, la Commission européenne indiquait le 26 juin dernier au Conseil des ministres de la pêche de l'UE que : « une diminution de la surpêche a été enregistrée dans les eaux européennes de l'océan Atlantique, en mer du Nord et en mer Baltique ». Ainsi, 6 % des stocks étaient pêchés durablement en 2005, 28 % en 2010 et 59 % en 2014. Le CIEM a également de confirmé, le 11 décembre dernier, que le taux d'exploitation (la mortalité par pêche) pour l'ensemble des stocks de poissons a significativement baissé depuis dix ans dans les eaux de l'Atlantique nord- est. L'adoption en 2013 d'une nouvelle politique commune de la pêche permettra de conforter ces progrès afin de parvenir ou de rester à l'objectif de restauration des stocks permettant leur exploitation maximale durable, à savoir l'atteinte du rendement maximum durable (RMD). L'élimination progressive des rejets de poissons fait également partie des objectifs de cette nouvelle politique commune des pêches. Afin d'améliorer encore la gestion des pêcheries des stocks d'eau profonde, un renforcement de l'encadrement règlementaire est en cours de discussion, sur la base d'une proposition présentée par la Commission européenne en juillet 2012. Cette proposition comprend de nombreuses dispositions visant à renforcer l'encadrement de ces pêcheries, dont l'interdiction du chalut et des filets maillants profonds, et à améliorer la connaissance des stocks d'eau profonde. Le Parlement européen, qui est co-législateur avec le Conseil sur ce texte, a effectué un examen très approfondi de la proposition de la Commission européenne et a procédé à de nombreuses auditions. Par l'adoption du rapport de sa Commission pour la pêche le 4 novembre, à l'unanimité moins 4 abstentions, puis par son vote en séance plénière le 10 décembre, le Parlement européen a confirmé le principe de nombreuses propositions de la Commission, affirmant ainsi le besoin de renforcer la protection des écosystèmes marins vulnérables et d'augmenter les connaissances scientifiques. Mais il n'a pas souhaité retenir l'interdiction a priori du chalut profond et du filet maillant profond. Il a souhaité qu'une évaluation du règlement qui serait adopté soit effectuée 4 ans après son entrée en vigueur, sur la base de laquelle une nouvelle proposition pourrait si nécessaire être effectuée en intégrant des dispositions sur les engins. À l'instar du Parlement européen, le secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche considère qu'il faut renforcer l'encadrement de la pêche profonde, dans le cadre d'une approche écosystémique, pour mieux protéger les écosystèmes marins vulnérables (EMV), tout en prenant en compte l'impact socio-économique de ces mesures. En effet, cette pêcherie est importante pour la Bretagne (ports de Lorient, Concarneau, Le Guilvinec) et le Nord-Pas-de-Calais (port de Boulognesur-Mer). Les navires qui seraient affectés par le règlement proposé, selon les termes de la profondeur et des captures, sont en nombre très important. Dans ce cadre, la volonté de transparence du Gouvernement a abouti à la publication des informations disponibles concernant la pêcherie profonde française sur le site internet du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (http ://www. developpement-durable. gouv. fr/Reglementation-applicable-aux,4003 5 . html) ainsi que sur le site de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (liens référencés sur le site du MEDDE). Par ailleurs, les apports de ces espèces constituent une part non négligeable du chiffre d'affaires des halles à marées concernées (24 % de la valeur des ventes totales à Lorient par exemple). De ce point de vue, accepter une mesure qui viserait à interdire purement et simplement l'utilisation de certains engins et notamment le chalut de fond serait problématique. En outre, une telle mesure n'est recommandée ni par les organisations internationales, ni par les conclusions du projet scientifique européen Deepfishman financé par la Commission européenne à hauteur de 3,7 millions d'euros, et qui a réuni 13 organismes scientifiques. Dans le droit fil de ces conclusions, le Gouvernement plaide pour un gel de l'empreinte écologique en limitant la pêche profonde aux zones actuellement pêchées et pour la mise en place, le cas échéant, de mesures de gestion spatiotemporelles (mesures d'évitement) pour protéger les éventuels écosystèmes marins vulnérables présents dans les zones de pêche. Le vote au Parlement européen a été une étape importante. Les discussions se déroulent désormais au sein du Conseil des ministres de l'UE. Dans ce cadre, les discussions techniques qui se sont tenues tout au long du premier semestre de 2014 ont montré que les positions de la France sur ce dossier étaient partagées par de nombreux autres États membres notamment concernant le gel de l'empreinte comme mécanisme alternatif et efficace de protection des EMV profonds. Le secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche continuera dans les mois à venir à participer activement à ces travaux et à défendre une approche équilibrée et ambitieuse permettant de mieux connaitre et de mieux encadrer la pêche des stocks d'eau profonde.

Données clés

Auteur : Mme Laurence Abeille

Type de question : Question écrite

Rubrique : Aquaculture et pêche professionnelle

Ministère interrogé : Transports, mer et pêche

Ministère répondant : Transports, mer et pêche

Dates :
Question publiée le 18 février 2014
Réponse publiée le 19 août 2014

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