14ème législature

Question N° 5052
de Mme Laurence Abeille (Écologiste - Val-de-Marne )
Question écrite
Ministère interrogé > Écologie, développement durable et énergie
Ministère attributaire > Écologie, développement durable et énergie

Rubrique > animaux

Tête d'analyse > nuisibles

Analyse > pesticides. interdiction. procédés alternatifs.

Question publiée au JO le : 25/09/2012 page : 5203
Réponse publiée au JO le : 03/06/2014 page : 4531
Date de changement d'attribution: 03/04/2014
Date de renouvellement: 22/01/2013

Texte de la question

Mme Laurence Abeille alerte Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur l'utilisation de la bromadiolone, produit phytosanitaire utilisé par les agriculteurs pour réguler les populations de certains rongeurs qualifiés de « nuisibles ». Cette substance est un coagulant qui provoque des hémorragies entraînant une mort lente dans un délai de 24 à 36 heures. L'utilisation de ce rodonticide va à l'encontre de la préservation de certaines espèces protégées par la législation française ou européenne, notamment des rapaces, comme le milan royal, l'aigle royal ou la buse variable, qui, lorsqu'ils consomment les rongeurs contaminés, s'intoxiquent et finissent par périr. D'autres techniques que l'utilisation de produits phytosanitaires existent et doivent être privilégiées pour réguler les populations de rongeurs, d'autant plus que l'utilisation de la bromadiolone engendre un cercle vicieux : plus cette substance est utilisée, plus la mortalité des prédateurs des nuisibles qu'elle est censée réguler augmente. La bromadiolone a fait l'objet d'une directive d'exécution du 15 avril 2011 (n° 2011/48/UE) mais n'a pas été interdite. La bromadiolone devrait être strictement limitée à lutter contre le campagnol terrestre. Le suivi des populations de campagnols terrestres devrait être organisé et publié. L'emploi de cette substance ne devrait être autorisé que dans le cadre d'un contrat passé avec l'utilisateur privilégiant une lutte raisonnée et un accompagnement aux techniques alternatives. C'est pourquoi elle lui demande si une régulation plus stricte, voire une interdiction totale, de la bromadiolone est envisagée en France.

Texte de la réponse

Le campagnol terrestre est une espèce reconnue comme organisme nuisible et figure, à ce titre, dans l'annexe B de l'arrêté du 31 juillet 2000 établissant la liste des organismes nuisibles aux végétaux, produits végétaux et autres objets. La lutte contre le campagnol doit en particulier s'appuyer sur la surveillance effectuée au travers du réseau d'épidémiosurveillance mis en place dans le cadre du plan Ecophyto. Plusieurs régions concernées par la présence abondante du campagnol terrestre éditent déjà un bulletin de santé du végétal spécifique à cette problématique. Dès l'apparition des premiers foyers, une stratégie de lutte peut être mise en place, avec des méthodes de lutte directe, comme le piégeage ou l'emploi d'appâts. Pour être efficaces, ces mesures doivent être combinées avec des méthodes complémentaires à l'échelle des exploitations et dans un cadre collectif à l'échelle des territoires touchés. Elles comprennent ainsi le développement de diverses pratiques agricoles qui ont pour objectif de gêner l'installation ou la réinstallation des rongeurs : - travail du sol avec passage d'outils superficiels ou profonds (labour) selon la nature de la culture, les espèces de campagnols présentes et la phase du cycle de pullulation de ces animaux ; - la rotation des cultures ; - l'alternance de la fauche et de la pâture dans les prairies permanentes afin d'effondrer les galeries souterraines des campagnols par le piétinement du bétail, ou tout système mécanique le reproduisant ; - la destruction rapide du couvert végétal et des repousses après les récoltes. Il est également utile de prendre des mesures de gestion du paysage favorisant la prédation par les oiseaux et mammifères prédateurs naturels des campagnols, telles que : - l'entretien des réseaux ou plantation de haies constituant les habitats naturels d'oiseaux ou de petits mammifères, ouverture des clochers et des granges propices à l'installation de rapaces ; - la pose de perchoirs ou de nichoirs selon les espèces d'oiseaux prédateurs des campagnols présentes et l'importance des éléments paysagers à l'échelle des territoires touchés par les attaques de campagnols. Enfin, s'agissant des moyens chimiques de lutte contre les campagnols, la seule molécule aujourd'hui disponible est la bromadiolone, qui est un anticoagulant toxique et dangereux pour les carnivores et les omnivores, mais dont il est estimé qu'il présente un risque faible pour l'homme dans des conditions d'usage normales. Sa mauvaise utilisation peut conduire à des mortalités non intentionnelles sur les espèces sauvages prédatrices du campagnol, dont certaines sont des espèces protégées (Milan royal). C'est pourquoi la bromadiolone ne doit être utilisée qu'en situation de basse densité de campagnols uniquement, sur des appâts enfouis et dès l'apparition des premiers indices de présence du campagnol. Elle ne doit en aucun cas être utilisée lorsque les populations ont trop augmenté, entraînant alors un risque d'effets non intentionnels important. Le seuil de 50 % avait été imposé dans l'arrêté ministériel du 4 janvier 2005, qui n'est plus aujourd'hui en vigueur. Il est repris à l'heure actuelle dans certains arrêtés préfectoraux. Un nouvel arrêté interministériel d'encadrement de la lutte contre les campagnols et de l'utilisation de la bromadiolone est en cours d'élaboration entre les services du ministère chargé de l'agriculture et ceux du ministère chargé de l'écologie. Il s'attachera à renforcer les conditions préalables d'un usage de la bromadiolone et visera à encore davantage réduire les risques sur la faune non cible.