enfants
Question de :
M. Céleste Lett
Moselle (5e circonscription) - Les Républicains
M. Céleste Lett attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conséquences, parfois insoupçonnées mais ô combien préjudiciables, d'une mesure d'interdiction de sortie du territoire (IST) d'un enfant mineur. Dans un certain nombre de dossiers conflictuels où l'enfant est devenu l'enjeu de l'un ou des deux parents, il peut paraître utile de demander à ce que le juge prononce une interdiction de sortie du territoire du mineur, sans leur autorisation expresse. C'est le cas, par exemple, lorsque l'un des parents possède une double nationalité et qu'il est susceptible de quitter la France en emmenant son enfant. Pour tenter de s'en prémunir, il était prévu auparavant que l'IST serait mentionnée sur les passeports. Mais cette disposition a atteint ses limites et a donc été réformée par le décret n° 2012-1037 du 10 septembre 2012 relatif à la mise en œuvre de l'IST du mineur sans l'autorisation des deux parents dont les dispositions ont été insérées à la section I du code de procédure civile. Toutefois, si en théorie ce dispositif permet de protéger l'enfant contre tout acte d'enlèvement, la pratique fait état de nombreux dysfonctionnements qui nuisent à son intérêt supérieur, son bien-être, son développement social. En effet, la protection salutaire apportée au mineur est très vite dépassée par d'importantes contradictions : concrètement, l'application du décret susmentionné participe à déséquilibrer les relations entre les parents et l'enfant, au point même de mettre sur un pied d'égalité le demandeur et le défendeur. De cette manière, les contraintes d'une telle mesure sont partagées et contribuent également à créer une situation de chantage contre-productive pour l'enfant ; ce dernier se trouvant alors au centre de conflits est pénalisé d'office par cette forme de « vengeance personnelle » répétée qui se traduit par une opposition systématique de l'un des deux parents dans la délivrance de l'autorisation nécessaire à la sortie du territoire. Les problématiques liées à l'IST du mineur sont d'autant plus fréquentes et pénalisantes lorsqu'elle est appliquée dans des zones frontalières dites « familières », ne présentant pourtant aucun danger potentiel pour l'enfant. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui faire savoir quelles sont ses intentions afin de corriger ces dysfonctionnements. Aussi, il souhaiterait connaître les possibilités de réexamen de ce texte restrictif qui va à l'encontre de nombreuses libertés fondamentales.
Réponse publiée le 20 janvier 2015
La loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010, relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, a modifié l'article 373-2-6 du code civil. En vertu de celui-ci, le juge aux affaires familiales peut ordonner l'interdiction de sortie du territoire français sans l'autorisation des deux parents et cette interdiction est inscrite au fichier des personnes recherchées (FPR) afin d'assurer l'effectivité de la mesure. Ce dispositif a été modifié afin d'assurer une protection efficace contre les déplacements illicites d'enfants. En effet, ceux-ci peuvent être à l'origine d'une rupture importante et durable des liens entre l'enfant et le parent avec lequel il ne réside pas, raison pour laquelle il est important de mettre tout en oeuvre pour les éviter. L'interdiction de sortie du territoire sans l'autorisation des deux parents n'est pas une mesure automatique : elle est prononcée par le juge aux affaires familiales lorsqu'il est établi qu'il existe, pour l'enfant, un risque d'être enlevé par l'un de ses parents. Le juge statue dans l'intérêt de l'enfant, en prenant en considération tous les éléments particuliers de sa situation familiale, y compris son lieu de vie, notamment dans une zone transfrontalière. Lorsqu'une interdiction de sortie du territoire a été ordonnée et que l'un des parents refuse d'autoriser ponctuellement la sortie de l'enfant, le parent qui souhaite permettre à l'enfant de quitter le territoire peut saisir le juge aux affaires familiales et ce, même en urgence, afin que le juge autorise ponctuellement l'enfant à quitter le territoire ou supprime pour l'avenir l'interdiction de sortie du territoire. Le dispositif qui vise à éviter une rupture des liens entre l'enfant et l'un de ses parents paraît donc équilibré, dès lors qu'il est possible de passer outre l'opposition ponctuelle ou systématique d'un parent à la sortie du territoire de l'enfant.
Auteur : M. Céleste Lett
Type de question : Question écrite
Rubrique : Famille
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 11 mars 2014
Réponse publiée le 20 janvier 2015