14ème législature

Question N° 52181
de M. Éric Straumann (Union pour un Mouvement Populaire - Haut-Rhin )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > justice

Tête d'analyse > avocats

Analyse > secret professionnel. inviolabilité.

Question publiée au JO le : 18/03/2014 page : 2537
Réponse publiée au JO le : 29/12/2015 page : 10802
Date de changement d'attribution: 27/08/2014

Texte de la question

M. Éric Straumann appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le récent communiqué du barreau de Paris qui « condamne avec la plus extrême fermeté toute violation du secret professionnel que la loi garantit dans les rapports entre un avocat et son client. Il ne s'agit pas là d'accorder à l'avocat une immunité quelconque mais d'assurer à l'ensemble de nos concitoyens la garantie de ce que les révélations qu'ils peuvent être amenés à faire, en toute confiance, à leur conseil, dans le cadre de leur défense, ne puissent, en aucun cas, être divulguées. Il y a en effet une différence entre le fait de mettre sur écoute un avocat soupçonné d'avoir commis un délit et celui de profiter d'écoutes ordonnées à d'autres fins pour glaner des informations sans rapport avec l'enquête initiale. En l'espèce, un avocat a fait l'objet d'écoutes, non pas parce qu'un soupçon pesait sur lui, mais parce que, dans une autre affaire, un soupçon pesait sur son client. C'est en ce sens que le barreau de Paris s'insurge contre des dérives qui menacent l'un des piliers de notre démocratie : la garantie offerte à chacun de ce qu'il peut organiser librement sa défense avec son conseil sans risquer de voir ses propos utilisés, un jour, contre lui ». Le bâtonnier de Paris a par ailleurs déclaré que le « Le secret professionnel est absolu. Il n'est pas destiné à protéger l'avocat mais à permettre au client de se confier librement à celui qu'il a chargé de la défense de ses intérêts ». Il souhaite connaître la réponse qu'elle peut apporter pour rassurer le barreau de Paris.

Texte de la réponse

Le secret professionnel constitue pour les avocats à la fois une protection, qui garantit l’exercice effectif et serein des droits de la défense, et une obligation, qui leur interdit de révéler des informations qui leur ont été confiées à l’occasion de leur mission. Il est défini par l’article 66-5 de la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, qui précise : « En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères à l’exception pour ces dernières de celles portant la mention "officielle", les notes d’entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ». Le droit pénal et le code de procédure pénale protègent largement le secret professionnel des avocats, d’une part en assurant aux avocats un régime protecteur en matière de perquisition et d’écoutes téléphoniques notamment, et d’autre part en sanctionnant d’une peine dissuasive ses violations. L’article 226-13 du code pénal réprime ainsi d’une peine maximale d’un an d’emprisonnement et de 15 000€ d’amende « la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire », et ce dès lors que l’intéressé a eu conscience de révéler des informations à caractère secret, quel que soit son mobile. Les interceptions téléphoniques ordonnées par les magistrats du siège, dans le cadre d’une enquête pénale ou d’une information judiciaire, ne sauraient être considérées comme des révélations d’informations à caractère secret susceptibles d’entrer dans la définition de la violation du secret professionnel. En revanche, elles ne sont possibles que dans le cadre strict imposé par le code de procédure pénale, qui assure une protection particulière aux avocats, destiné à garantir l’exercice effectif et serein des droits de la défense de leurs clients. En effet, l’article 100-7 du code de procédure pénal énonce que les interceptions judiciaires sur la ligne téléphonique d’un avocat, de son cabinet ou même de son domicile, ne sont possible qu’après information du bâtonnier, et que les conversations relevant de l’exercice des droits de la défense ne peuvent être retranscrites, sauf si le contenu des conversations échangées est de nature à faire présumer la participation de cet avocat à des faits constitutifs d’une infraction. Ce régime dérogatoire ne saurait servir à octroyer aux avocats une protection absolue qui leur assurerait de fait une totale impunité. La procédure pénale doit en effet permettre aux autorités judiciaires de mener efficacement des investigations, et maintenir l’équilibre nécessaire entre les droits de la défense et l’objectif à valeur constitutionnelle d’élucidation des infractions. De surcroît une protection absolue du secret professionnel des avocats, qui couvrirait l’ensemble de leurs activités et non plus seulement, comme c’est le cas en l’état actuel du droit, les informations relatives à l’exercice par l’avocat des droits de la défense de son client, constituerait une rupture dans le principe d’égalité devant la loi, vis-à-vis des autres professionnels exerçant des activités de conseil juridique, comme les notaires, les huissiers. Dès lors, le ministère de la justice a engagé une réflexion sur les améliorations qui pourraient être apportées au régime du secret professionnel des avocats, nourrie par plusieurs rencontres notamment avec des représentants des barreaux.