tribunaux de grande instance
Question de :
M. Christophe Léonard
Ardennes (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Christophe Léonard interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la possibilité d'instituer de nouveaux pôles de l'instruction, notamment dans les Ardennes. La loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale créait dans les tribunaux de grande instance (TGI) les pôles de l'instruction. Le caractère systématique et obligatoire de cette disposition exigeait la création de 300 postes de juge d'instruction et éloignait les juges de leurs justiciables par la disparition totale de l'instruction dans les 72 TGI ne comportant pas un pôle de l'instruction. L'aspect budgétaire de cette mesure est à l'origine de son report à trois reprises, le plus récent étant lié à l'article 129 de la loi de finance pour 2014 qui diffère son entrée en vigueur au 1er janvier 2015. Par ailleurs, le Gouvernement a proposé en conseil des ministres le 24 juillet 2013 un nouveau texte qui renforce les droits des justiciables et l'approche contradictoire de l'instruction, assouplit son principe de collégialité systématique et prévoit la possibilité de création de pôles de l'instruction lorsque celle-ci est justifiée par l'activité de la juridiction. Les Ardennes, n'ont pas été retenues par la loi du 5 mars 2007 pour accueillir un pôle de l'instruction et l'ensemble des affaires criminelles ont été transférées à Reims alors qu'avant cette réforme, trois postes de juge d'instruction existaient à Charleville-Mézières. En effet, la délinquance et la criminalité du département justifient de fait totalement la présence de ces trois magistrats auprès du TGI. Sur la seule année 2007, 251 dossiers ont été traités par deux juges d'instruction de Charleville-Mézières auxquels a été adjoint un troisième poste pour faire face à l'affaire criminelle extrêmement importante « Fourniret-Olivier » qui a révélé indubitablement le professionnalisme des magistrats, des greffiers et des avocats. Les contingences budgétaires l'ayant malheureusement emporté sur la qualité judiciaire, la proximité pour les justiciables et la rapidité de traitement des affaires, force est de constater que les affaires criminelles ne reçoivent pas un traitement approprié et accusent retard et « correctionnalisation » tant au niveau départemental que régional. Ainsi, le nombre de dossiers à juger par les cours d'assises du ressort a été diminué par cinq alors que la criminalité n'a pas diminué dans de telles proportions. Aussi, il lui demande quelles mesures elle entend prendre pour permettre la création d'un nouveau pôle de l'instruction dans les Ardennes.
Réponse publiée le 25 novembre 2014
La garde des sceaux, ministre de la justice souhaite assurer la qualité du service public de la Justice tout en maintenant souplesse nécessaire à la recherche rapide et efficace de la manifestation de la vérité. La loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, votée à l'unanimité des parlementaires sur la base des recommandations de la commission dite d'Outreau, apporte des garanties nouvelles pour les citoyens en instaurant la collégialité de l'instruction. Depuis le vote de la loi, aucune disposition n'a cependant été prise par les ministres de la justice des précédents gouvernements pour assurer la mise en oeuvre effective de ces dispositions et notamment obtenir les moyens budgétaires permettant les créations d'emplois de juges d'instruction et de greffiers nécessaires. Cette absence de moyens puis le projet de suppression du juge d'instruction ont conduit au report de l'entrée en vigueur de la loi. L'actuel gouvernement a fait le choix d'écarter le principe d'une collégialité obligatoire et systématique dans toutes les affaires, tel qu'initialement conçu dans la loi de 2007, qui n'existe dans aucun autre pays et est de nature à alourdir inutilement la procédure d'instruction. Le projet de loi présenté le 24 juillet 2013 en Conseil des ministres propose ainsi une collégialité de l'instruction qui permette à l'institution judiciaire de traiter les affaires pénales les plus graves et les plus complexes d'une manière tout à la fois plus efficace et plus respectueuse des droits de la défense et de la présomption d'innocence. La collégialité sera de droit pour toutes les informations judiciaires dès lors qu'elle aura été demandée par une des parties, par le procureur de la République ou le magistrat instructeur. Elle interviendra aux moments essentiels de la procédure pour les demandes d'acte ou d'expertise, le respect du calendrier prévisionnel de l'instruction ou encore le règlement de l'information. Le projet innove également en permettant à la personne mise en examen de demander le statut de témoin assisté dans les dix jours de sa mise en examen et non plus après un délai de six mois et, dans cette hypothèse, la décision pourra être prise en collégialité. Enfin, s'agissant des saisines du juge des libertés et de la détention, la procédure reste inchangée. En effet, l'appel des décisions du juge intervenant est déféré dans un délai très bref à un collège de magistrats à la Cour d'appel. Afin de permettre au citoyen de bénéficier de ces dispositions, la réforme conduit à concentrer les services de l'instruction dans les juridictions qui sont pôles de l'instruction, c'est-à-dire compétentes depuis 2007 pour traiter les dossiers criminels et ceux nécessitant une cosaisine de juges d'instruction. En aucun cas, il ne s'agit de modifier la carte judiciaire, les juridictions ne bénéficiant pas du service de l'instruction continueront comme actuellement à juger les affaires relevant de leur ressort. Ce redéploiement sera conduit en procédant à une étude attentive des charges de travail des juridictions afin d'étudier la nécessité de compenser, au cas par cas, le poste de juge d'instruction par la localisation d'un emploi de juge non spécialisé. Toutefois, ce projet de loi ne pouvant pas, en l'état du calendrier parlementaire, être définitivement adopté avant le 1er janvier 2015, il importe en conséquence de reporter à nouveau l'entrée en vigueur des dispositions relatives à la collégialité de l'instruction prévues par la loi du 5 mars 2007 afin de laisser au texte déposé le 24 juillet 2013 le temps d'être voté. Ce report permettra de mener dans de bonnes conditions le débat parlementaire sur le projet de loi adaptant la collégialité de l'instruction.
Auteur : M. Christophe Léonard
Type de question : Question écrite
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 18 mars 2014
Réponse publiée le 25 novembre 2014