14ème législature

Question N° 53019
de M. Patrick Hetzel (Union pour un Mouvement Populaire - Bas-Rhin )
Question écrite
Ministère interrogé > Enseignement supérieur et recherche
Ministère attributaire > Enseignement supérieur et recherche

Rubrique > enseignement supérieur

Tête d'analyse > universités

Analyse > fonctionnement. regroupement.

Question publiée au JO le : 01/04/2014 page : 2916
Réponse publiée au JO le : 03/06/2014 page : 4570
Date de changement d'attribution: 10/04/2014

Texte de la question

M. Patrick Hetzel interroge Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la manière dont le Gouvernement met en œuvre d'un point de vue réglementaire la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche. En effet, cette loi prévoit une coordination des établissements d'enseignement supérieur entre eux. Cette coordination est susceptible d'être organisée selon les modalités suivantes : la fusion entre établissements, la fédération d'université et d'établissements d'enseignement supérieur ou la confédération d'établissements sous la forme juridique d'association. Il est très surpris par deux courriers récents adressés, en date du 28 février 2014 pour le premier, et du 6 mars 2014, pour le second par le ministère aux présidents d'universités. Ces courriers interprètent de façon très restrictive la loi et surtout sont en opposition avec les intentions du législateur comme peuvent aisément le relever les débats à l'Assemblée nationale et au Sénat. Ils limitent la portée potentielle du statut d'association pourtant clairement introduit par la loi. Plus grave encore, ces courriers inventent des dispositions qui n'étaient absolument pas prévues par le législateur comme la création parmi les établissements d'enseignement supérieur d'un « chef de file » qui doit représenter, organiser et piloter les autres établissements. À cela vient s'ajouter le fait que le ministère veut fixer de manière unilatérale les statuts des « Comue » en ignorant le pouvoir délibératif des conseils d'administration des établissements d'enseignement supérieur. Ainsi les conseils d'administration des établissements membres des futures « Comue », qui n'auraient à aucun moment participé à l'élaboration des statuts de ce nouvel EPSCP, devraient adopter ces statuts en des termes rigoureusement identiques à une version devant faire au préalable « l'objet d'une validation formelle du niveau ministériel ». Imposer au vote des CA des universités et établissements, sans même qu'une modification soit possible, des statuts engageant l'avenir de ces établissements sans qu'ils aient été à l'initiative de ces statuts ni même associés à leur rédaction, consiste à nier les compétences spécifiques et l'autonomie des universités et des établissements pourtant fixée et garantie par la loi. Tout ceci est une grave entorse au principe fondamental de liberté de notre enseignement. C'est un retour en arrière inqualifiable. De toute évidence, à la fin du 19e siècle, les libertés universitaires étaient davantage garanties qu'aujourd'hui. Il souhaite donc savoir ce qu'elle compte entreprendre pour corriger cette grave dérive liberticide et garantir les nécessaires libertés universitaires ce qui devrait être une mission essentielle de sa fonction ministérielle.

Texte de la réponse

La question de l'honorable parlementaire interroge le lien entre le texte de la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche du 22 juillet 2013 et l'interprétation qu'en ferait mes courriers des 28 février et 6 mars 2014, adressés aux présidents d'universités et aux directeurs d'établissements. Selon l'honorable parlementaire, la notion de « chef de file » introduite dans mes courriers pour désigner le coordonnateur du regroupement territorial voulu par le législateur dans l'article 62 de la loi (codifié dans les articles L 718-2 et sq. du code de l'éducation) serait en contradiction avec la possibilité introduite par la loi d'un mode confédéral de regroupement à travers la convention d'association. Si la notion de « chef de file » ne figure pas explicitement dans le texte, on peut toutefois soutenir que son usage s'inscrit parfaitement dans l'esprit de la loi du 22 juillet 2013. Cette dernière, en effet, stipule clairement en son article 62 (section 1 et section 4, codifiées notamment par les articles L 718-2 à L 718-5 et L 718-16) que, quel que soit le mode de coordination territoriale retenue, fusion, regroupement sous forme de communauté ou regroupement par convention d'associations, « la coordination territoriale est organisée par un seul établissement d'enseignement supérieur sur un territoire déterminé ». Cet établissement est, selon le cas, « soit le nouvel établissement issu de la fusion, soit la COMUE [communauté d'universités et d'établissements] lorsqu'il en existe une, soit l'établissement avec lequel les autres établissements ont conclu une convention d'association ». Quant à la dérogation prévue pour les trois académies d'Ile-de-France où « plusieurs établissements peuvent assurer la coordination territoriale », elle doit être entendue simplement comme la possibilité d'avoir plusieurs regroupements dans un territoire d'une telle dimension. La notion de « chef de file » employée dans mes courriers se comprend ainsi aisément comme la désignation d'un « primus inter pares » - notion à laquelle le système éducatif français est attaché de longue date - appelé à jouer le rôle de coordonnateur territorial du projet partagé et de ce fait interlocuteur privilégié de l'Etat pour le fonctionnement du regroupement correspondant. Dans le cas de la convention d'association, comme le dit très explicitement la loi, il est un établissement auquel les autres s'associent autour d'un projet partagé, défini librement en commun, et qu'il a la charge de coordonner et de porter vers l'extérieur, à l'instar des nombreuses confédérations qui organisent notamment le paysage social français. La notion ne saurait donc nourrir le soupçon d'une introduction subreptice d'une autorité institutionnelle non consentie au sein d'un regroupement : elle signifie, au contraire, la garantie que le projet partagé, sur lequel se fonde la convention d'association, soit réellement porté, au sein du regroupement comme vis-à-vis de ses partenaires extérieurs dont l'Etat. Ainsi, les différents textes d'application doivent avoir le souci de veiller à ce que soit respectée la volonté du législateur d'inciter à des regroupements adaptés autant que possible aux situations locales, le texte et l'esprit de la loi reconnaissant le pluralisme des universités. L'important à mes yeux est, en effet, la dynamique engagée, celle dotant notre pays d'une université de son temps, capable de rayonner à l'échelle internationale en toute région et à la hauteur des talents qu'elle accueille. C'est cette ambition qui guide mes décisions. Elle suppose de la souplesse, de l'intelligence des situations bien davantage que des modèles uniformes. Mais elle suppose aussi une volonté partagée par tous les acteurs d'aller de l'avant et de savoir inventer, dans la concertation et le respect mutuel, les nouveaux modes indispensables d'organisation et de fonctionnement au service de deux priorités : - la réussite des étudiants, de la formation à l'insertion professionnelle, - le renforcement de la recherche au niveau territorial, national, européen et international.