Question de : M. Jacques Pélissard
Jura (1re circonscription) - Les Républicains

M. Jacques Pélissard attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le dossier des « mariages gris ». Ce phénomène, qui représente aujourd'hui un fléau conjugal difficile à évaluer, provoque de terribles répercussions sur la vie de nombreux ressortissants français et, plus largement, sur les enfants qu'ils ont pu avoir dans leur vie de couple, la naissance de ces derniers et leur nationalité française servant généralement de « garantie » pour les conjoints étrangers indélicats. Afin de consolider leur demande de divorce, ces derniers accusent souvent, une fois demeurés en France, leur conjoint de maltraitance, lesquels ne sont pas, loin s'en faut, systématiquement démontrés. Plus largement, de nombreux pères déplorent de ne pas être traités de manière équitable et d'être victimes d'une forme de parti pris par les différentes instance intervenant dans la prise en charge et la gestion de la séparation : caisse d'allocations familiales, centre médico-social, centre d'information et de défense des femmes et des familles, justice... Il en résulte de nombreux drames humains et des séparations douloureuses et injustifiées entre les pères et leurs enfants. Il lui demande de bien vouloir lui préciser la position du Gouvernement sur ce dossier et les moyens éventuels qu'il entend mettre en œuvre pour prévenir les « mariages gris ».

Réponse publiée le 20 janvier 2015

Tout dispositif de lutte contre les mariages simulés doit s'inscrire dans le respect du principe à valeur constitutionnelle de liberté matrimoniale, protégé au même titre que la liberté personnelle par les articles 2 et 4 de la déclaration des droits de l'Homme de 1789, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans une décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003. Dès lors qu'elles respectent ce principe, il est possible de mettre en place des mesures de prévention ou de lutte contre de tels mariages contractés par l'un des époux en vue d'atteindre un résultat étranger à l'union matrimoniale, avec l'intention de se soustraire aux autres conséquences légales. En particulier, la lutte contre les mariages dits « gris », qui ne sont définis par aucun texte législatif ou réglementaire mais qui peuvent s'entendre de tous mariages dans lesquels seul l'un des époux a de réelles intentions matrimoniales, fait l'objet d'une attention particulière. Ainsi, des dispositifs de lutte contre ce type de mariage existent, soit à titre préventif, en subordonnant la célébration du mariage à certaines vérifications par le maire ou l'autorité diplomatique ou consulaire compétente (articles 171-4 et 175-2 du code civil), soit après la célébration, avec la possibilité de contester la validité d'un mariage (article 180 du code civil) ou encore celle de s'opposer à la transcription sur le registre de l'état civil d'un mariage célébré à l'étranger (articles 171-7 et 171-8 du code civil). S'il est vrai que le succès de ces recours suppose, soit la preuve d'un défaut d'intention a priori de l'un des époux, avant même la célébration au cours de laquelle les consentements sont recueillis, soit, s'agissant du contrôle a posteriori de la validité du mariage, la preuve d'un défaut d'intention matrimoniale au moment de cette célébration, et que cette preuve peut être délicate à rapporter pour l'époux sincère qui sollicite l'annulation de son mariage, cette exigence participe de la valeur constitutionnelle de la liberté matrimoniale, laquelle justifie un encadrement strict de la loi eu égard aux conséquences juridiques importantes, tant à l'égard des époux qu'à l'égard des tiers, de l'annulation d'un mariage. En particulier, les griefs postérieurs à la célébration du mariage invoqués par le demandeur ne sauraient ainsi servir de fondement à une demande d'annulation du mariage. Afin cependant de donner toute sa portée à la règle de l'article 146 du code civil qui pose l'exigence du consentement préalable des futurs époux pour permettre la célébration du mariage, a été adoptée, par la loi n° 2014-873 du 4 août 2014, pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, une nouvelle disposition complétant l'article 202-1 du code civil et rappelant que « quelle que soit la loi personnelle applicable, le mariage requiert le consentement des époux, au sens de l'article 146 et du premier alinéa de l'article 180. » Cette règle permet de consacrer le consentement libre et éclairé des époux ainsi que l'intention matrimoniale comme des exigences matérielles préalables à l'application de la règle de conflit et clarifie donc le droit positif actuel. Le dispositif légal actuel réalise ainsi un équilibre satisfaisant conciliant les deux impératifs de liberté du mariage et de lutte contre les mariages dits « gris ». S'agissant enfin plus généralement du maintien des liens entre les pères et leurs enfants, le gouvernement est particulièrement attentif au respect de la coparentalité. C'est dans cet esprit qu'il a soutenu la proposition de loi n° 1856 relative à l'autorité parentale et à l'intérêt de l'enfant qui a été adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 27 juin 2014, et qui traduit certaines pistes dégagées par le groupe de travail sur la coparentalité, mis en place par la garde des sceaux et la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille sous le précédent Gouvernement.

Données clés

Auteur : M. Jacques Pélissard

Type de question : Question écrite

Rubrique : Famille

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 1er avril 2014
Réponse publiée le 20 janvier 2015

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