14ème législature

Question N° 53105
de M. Joël Giraud (Radical, républicain, démocrate et progressiste - Hautes-Alpes )
Question écrite
Ministère interrogé > Affaires sociales et santé
Ministère attributaire > Affaires sociales, santé et droits des femmes

Rubrique > risques professionnels

Tête d'analyse > maladies professionnelles

Analyse > liste. syndrome d'épuisement. inscription.

Question publiée au JO le : 01/04/2014 page : 2895
Réponse publiée au JO le : 29/12/2015 page : 10709
Date de changement d'attribution: 27/08/2014

Texte de la question

M. Joël Giraud attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé au sujet du syndrome de l'épuisement professionnel des salariés. Depuis une dizaine d'années, le mot de burn out s'est imposé dans le langage courant pour décrire l'épuisement professionnel des salariés. Tant que celui-ci touchait surtout les métiers à vocation, enseignants ou médecins, le sur-engagement paraissait presque aller de soi. Pourtant, aujourd'hui, à leur tour, des cadres, des employés ou des agriculteurs sont frappés par une lassitude nommée travail. Quand à une charge excessive s'ajoutent une activité frénétique et l'épuisement émotionnel qui va avec, la pathologie psychique n'est pas loin. Une enquête récente estime que plus de 3 millions d'actifs sont aujourd'hui en risque élevé de burn out en France. Cependant, le flou de l'expression ne permet ni de décrire ces affections ni de promouvoir leur reconnaissance en tant que maladies professionnelles. Les scientifiques et les médecins ont besoin d'autres données pour prendre en charge le phénomène. En effet, l'absence de tableaux de maladies professionnelles spécifiques rend ces affections psychiques très difficilement reconnues par la sécurité sociale. Il faut pour cela que la maladie présente une gravité justifiant une incapacité permanente égale ou supérieure à 25 % et qu'un lien « direct et essentiel » avec l'activité professionnelle soit mis en évidence par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. Or les critères réglementaires de recevabilité des demandes restent difficiles à réunir et le traitement par les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles est très hétérogène. Résultat, seuls quelques dizaines de cas de pathologies psychiques sont ainsi reconnus chaque année. Ce qui est loin de la réalité du burn out en France. Pourtant, les pathologies liées au surengagement ou à l'épuisement professionnels, regroupées dans ce qu'on appelle commodément le burn out, sont cliniquement identifiées et concernent des milliers de salariés. D'autres pays européens les reconnaissent comme maladie du travail. Un groupe de travail sur les pathologies professionnelles, mandaté par le Conseil d'orientation des conditions de travail (COCT), situe en effet le burn out à la frontière de trois pathologies précises, la dépression d'épuisement professionnel, l'état de stress répété conduisant à une situation traumatique et l'anxiété généralisée. Par conséquent, il lui demande, d'une part, d'étudier la mise en place d'un dialogue de prévention avec les partenaires sociaux sur la dimension de l'anxiété généralisée dans le syndrome d'épuisement et, d'autre part, d'envisager de prendre les dispositions nécessaires afin que la sécurité sociale puisse reconnaître rapidement deux nouveaux tableaux de maladies professionnelles liées à l'épuisement : la dépression d'épuisement et l'état de stress répété conduisant à une situation traumatique. Ces dispositions permettront de surmonter le retard français en matière de prévention du risque psychique.

Texte de la réponse

Les pathologies psychiques telles que le burn out peuvent être reconnues d’origine professionnelle par les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP). Afin d’améliorer la reconnaissance des maladies professionnelles, la loi no 93-121 du 27 janvier 1993 a en effet instauré, en complément du système de tableaux, une procédure de reconnaissance par les CRRMP fondée sur une expertise individuelle. Cette procédure intervient notamment lorsqu’il est établi qu’une maladie, non désignée dans un tableau, est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux au moins égal à 25 % (article L. 461-1 alinéa 4 du code de la sécurité sociale). Une reconnaissance de ces pathologies dans le cadre du système des tableaux de maladies professionnelles apparaît en effet inadaptée, compte tenu de la difficulté pour ces pathologies de fixer les critères (désignation de la maladie, délai de prise en charge, liste des travaux) prévus par le législateur afin de permettre une reconnaissance par présomption d’origine. Dans le souci de mieux prendre en charge les pathologies psychiques, la commission spécialisée relative aux pathologies professionnelles du conseil d’orientation sur les conditions de travail (COCT) a créé le 9 avril 2010 un groupe de travail sur les pathologiques psychiques d’origine professionnelle. Ce groupe avait pour mandat de réaliser une typologie descriptive des pathologies d’origine psychique susceptibles d’être examinées par les CRRMP ; de préciser, pour ces pathologies, les critères de stabilisation permettant de fixer un taux d’incapacité permanente et de définir le niveau de gravité à partir duquel il est possible de fixer un taux d’incapacité permanente au moins égal à 25 % ; de formuler des recommandations afin d’aider les CRRMP à apprécier le lien entre ces pathologies et l’activité professionnelle et, enfin, d’examiner d’autres voies d’amélioration de la prise en charge des pathologies psychiques liées à l’activité professionnelle. Le rapport final du groupe de travail a été présenté lors de la réunion de la commission spécialisée relative aux pathologies professionnelles du 3 mai 2012. Les recommandations aux CRRMP qu’il comprend ont été intégrées au guide destiné aux membres des CRRMP. Concernant l’amélioration de la prise en charge des pathologies psychiques, il a ainsi été demandé aux caisses d’assurance maladie, sur proposition du groupe du travail, de retenir une interprétation souple de l’article L. 461-1 alinéa 4 permettant de fixer un taux d’incapacité « prévisible » à la date de la demande sans exiger que l’état de la victime soit stabilisé (lettre ministérielle du 13 mars 2012). Le groupe de travail a par ailleurs récemment émis des recommandations sur les documents nécessaires à l’évaluation du lien de causalité entre une affection psychique et les conditions de travail par les CRRMP. Ce document, pragmatique, précise le contenu et l’intérêt de chacune des sources d’information (en provenance du demandeur et de son employeur, du médecin-conseil de la sécurité sociale et du médecin du travail) à disposition des CRRMP afin d’apprécier ce lien de causalité. Ces recommandations ont été diffusées par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) à l’ensemble de son réseau (CPAM, CARSAT et médecins conseils) par circulaire du 12 juin 2014. Ces mesures ont permis d’améliorer la reconnaissance des pathologies psychiques comme maladies professionnelles, puisqu’a été constaté un quadruplement du nombre de reconnaissances entre 2012 et 2014 : 90 reconnaissances en 2012, 239 en 2013, 339 en 2014. Le lien direct et essentiel entre la pathologie et l’activité professionnelle a été reconnu dans 47 % des situations. Le Gouvernement souhaite poursuivre l’action ainsi entreprise. L’article 27 de la loi no 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi inscrit à cet effet le principe de la reconnaissance des pathologies psychiques par les CRRMP au niveau de la loi et prévoit l’instauration de modalités spécifiques de traitement pour ces dossiers. Des modalités adaptées, comme l’appui en tant que de besoin d’un médecin psychiatre, seront prochainement précisées par décret. Sur cette question, la priorité du Gouvernement reste le renforcement de la prévention. C’est pourquoi les risques psychosociaux (RPS) sont inscrits comme risque prioritaire dans le troisième Plan santé au travail (PST3). La caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAMTS) s’est par ailleurs engagée avec l’Etat, dans le cadre de sa convention d’objectif et de gestion 2014-2017, à rationaliser l’offre globale en matière de prévention des RPS tant au plan national qu’au plan local afin d’éviter les redondances parfois observées. Elle s’appuiera sur l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) pour piloter ces évolutions. Au niveau régional, des interventions coordonnées, notamment avec le réseau des associations régionales pour l’amélioration des conditions de travail (ARACT) et les services de santé au travail, seront mises en œuvre.