Question de : M. Georges Fenech
Rhône (11e circonscription) - Les Républicains

M. Georges Fenech attire l'attention de M. le Premier ministre sur les attentes des familles de harkis. Dans sa lettre aux associations de harkis en date du 5 avril 2012, le président de la République s'est engagé à réformer la mission interministérielle aux rapatriés dès sa prise de fonction afin que l'administration chargée des rapatriés soit plus à l'écoute des attentes des familles de harkis. Par ailleurs, le chef de l'État s'est engagé à faire évoluer le Haut conseil aux rapatriés sous une nouvelle forme afin de restaurer un dialogue de confiance avec les populations harkis et rapatriés. À ce jour, cette réforme n'a toujours pas été mise en œuvre. Il s'est en outre engagé à reconnaître publiquement les responsabilités des gouvernements français dans l'abandon des harkis, le massacre de ceux restés en Algérie et les conditions d'accueil des familles transférées dans des camps en France. Face aux attentes des familles de harkis, il souhaiterait connaître les initiatives que le Gouvernement entend prendre dans les prochains mois afin que les conditions adéquates nécessaires à cette reconnaissance par le président de la République soient réunies.

Réponse publiée le 7 octobre 2014

Dans le cadre de la modernisation de l'action publique (MAP), le Gouvernement a approuvé un plan d'action détaillé réformant la gestion des prestations en faveur du monde combattant, des victimes de guerre, des rapatriés et des harkis. S'agissant plus particulièrement des rapatriés et des harkis, les actions et les dispositifs mis en place au profit de ces personnes étaient gérés jusqu'ici, en tout ou partie, par une multiplicité d'organismes au nombre desquels il convient de citer la Mission interministérielle aux rapatriés (MIR), le Haut conseil des rapatriés (HCR), l'Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer (ANIFOM), le Service central des rapatriés (SCR) et l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG). Conformément à la décision du comité interministériel pour la modernisation de l'action publique du 17 juillet 2013, il a donc été convenu de recentrer la gestion de l'ensemble des dispositifs mis en oeuvre au profit des harkis et des rapatriés, sur l'ONAC-VG et le SCR, qui deviendra, à terme, un des pôles spécialisés de l'établissement public. A cet effet, la loi de finances pour 2014 a procédé à un transfert de crédits de 17,8 M€ du programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » au programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ». Ainsi, les rapatriés et les harkis bénéficieront désormais d'un guichet unique auprès des services départementaux de l'ONAC-VG. Si cette réorganisation a entraîné la suppression de l'ANIFOM, conformément à l'article 127 de la loi de finances pour 2014, et donnera lieu très prochainement à celle de la MIR et du HCR, elle n'entrave en rien la gestion des dossiers des intéressés. En effet, les missions de l'ANIFOM et les dossiers dont cet établissement public était gestionnaire ont été transférés à l'ONAC-VG et au SCR qui reprendront également, à terme, la charge des dossiers de la MIR. Par ailleurs, les archives de l'ANIFOM, déjà mises aux normes des Archives de France, resteront centralisées aux Archives nationales de France à Fontainebleau. Celles du SCR constituées des dossiers de rapatriement y seront également transférées après avoir été progressivement mises aux normes, et pourront alors être éventuellement consultées. En tout état de cause, cette réforme de structure, effectuée à droits constants, vise à garantir une meilleure qualité de service rendu aux rapatriés et aux harkis, grâce à une plus grande efficience des processus de gestion de leurs dossiers et à la rationalisation de la gouvernance des dispositifs mis en place en leur faveur, sans aucune remise en cause de leurs droits. Dans ce cadre, l'ONAC-VG et le SCR travailleront de concert en mettant en oeuvre tous les moyens humains et matériels dont ils disposent et en alliant leurs compétences et leur savoir-faire, pour répondre aux légitimes attentes exprimées par ces ressortissants. S'agissant des questions mémorielles qui sont sensibles et complexes, l'action des anciens supplétifs a été longtemps méconnue, et a justifié ainsi une série de mesures prises par l'État, à partir des années 2000, pour conférer à cette mémoire une notoriété publique. L'initiative la plus symbolique a été la création, en 2001, d'une journée d'hommage national, destinée à témoigner à ces anciens combattants la reconnaissance de la République pour leur engagement au service de la France et les épreuves qu'ils ont endurées. Cet hommage s'est concrétisé par l'apposition, dans des lieux emblématiques, de plaques commémoratives. La décision ayant été prise de pérenniser cet hommage, le décret du 31 mars 2003 a institué une « Journée nationale d'hommage aux harkis et autres membres des formations supplétives », fixée le 25 septembre de chaque année. Concernant l'histoire douloureuse des harkis, il convient d'ajouter que la République a reconnu à plusieurs reprises une part de responsabilité dans le sort qui fut le leur en 1962 et leur a rendu hommage à de nombreuses occasions. S'inscrivant dans cette démarche, le Président de la République, dans le message qu'il a délivré le 25 septembre 2012, dans le cadre de cette journée d'hommage, a déclaré : « Il y a cinquante ans, la France a abandonné ses propres soldats, ceux qui lui avaient fait confiance, ceux qui s'étaient placés sous sa protection, ceux qui l'avaient choisie et qui l'avaient servie ». Par ailleurs, la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés a prévu la création d'une Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie. Ses statuts ont été approuvés, 5 ans plus tard, par décret du 3 août 2010. L'orientation qu'elle a prise jusqu'à présent est cependant contestée notamment par les acteurs de la mémoire de la guerre d'Algérie. Comme il est précisé dans le rapport du Gouvernement remis au Parlement, en juin 2013, en exécution de l'article 99 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, le Gouvernement a décidé de réorienter les travaux de cette fondation tout en favorisant la participation de l'ensemble des acteurs du conflit à ses travaux et à la définition de son objet. Le bilan de cette réorientation sera effectué dans un délai de 2 ans. Le Gouvernement entend poursuivre et encourager ce travail de mémoire pour donner sa juste place à l'histoire et à la mémoire des harkis. La gratitude de la France envers les harkis s'exprime également par des mesures de protection juridique et de solidarité nationale. Le rapport précité fait un bilan des mesures prises en faveur des rapatriés et des harkis. C'est ainsi que le Parlement a définitivement adopté, le 27 février 2012, une loi visant à sanctionner pénalement les injures et diffamations à l'encontre des membres des formations supplétives. Au nombre des mesures de solidarité et d'ordre social prises en faveur des harkis et de leurs ayants cause, figure notamment le bénéfice de l'allocation de reconnaissance. Depuis 2005, 12 500 harkis et veuves originaires d'Afrique du Nord, âgés d'au moins 60 ans, ont bénéficié de l'allocation de reconnaissance, ce qui représente un effort budgétaire de plus de 450 M€. Les bénéficiaires ont eu le choix d'opter soit pour une allocation portée au 1er octobre 2013 à 3 230 € par an, soit pour une allocation de 2 143 € par an avec le versement d'un capital de 20 000 €, soit pour une sortie en capital de 30 000 €. En matière de désendettement, il peut être précisé que depuis le décret du 23 mars 2007, tous les anciens harkis qui n'ont pu accéder aux dispositifs antérieurs de désendettement peuvent demander aux préfets, sous certaines conditions, une aide exceptionnelle en vue de sauvegarder leur toit familial. A propos des aides à caractère social, les conjoints survivants âgés de plus de 50 ans peuvent bénéficier d'une aide spécifique. Cette prestation individuelle et nominative garantit un complément de ressources aux plus nécessiteux. Concernant les mesures prises en faveur des enfants des anciens supplétifs, le Gouvernement a décidé de prolonger le versement de bourses scolaires ou universitaires complémentaires de celles allouées par le ministère de l'éducation nationale. Elles sont revalorisées chaque année afin de tenir compte de l'inflation. Pour ce qui concerne l'accès à l'emploi, le Gouvernement poursuit une politique incitative qui vise à faciliter l'insertion professionnelle des enfants de harkis, que ce soit dans le secteur marchand ou le secteur public. A cet égard, il doit être précisé que l'action des pouvoirs publics en matière d'emploi recouvre, dans le cadre du plan harkis, plusieurs mesures spécifiques et un accompagnement renforcé au profit de ces personnes. Depuis la mise en place du plan emploi, en 2008, les enfants des anciens supplétifs ont pu accéder à tous les dispositifs d'aides à l'emploi ou à la création d'entreprise (Nacre), à la seule condition d'avoir la qualité d'enfant d'ancien supplétif. Ainsi, dès le premier semestre 2011, 5 770 personnes sur 8 154 identifiées, ont retrouvé un emploi ou ont bénéficié d'une formation qualifiante. En matière de formation professionnelle, il convient de rappeler que des mesures spécifiques ont été prises dès 1994. Elles interviennent actuellement en parallèle avec celles qui sont notamment mises en oeuvre par le ministre chargé du travail, afin d'accélérer le processus d'insertion professionnelle des intéressés, et sont réservées aux demandeurs d'emploi de longue durée inscrits à Pôle emploi. Dans ce domaine, l'article 1er du décret n° 2013-834 du 17 septembre 2013 instituant des mesures en faveur des membres des formations supplétives et assimilées ou victimes de la captivité en Algérie et de leurs familles, a prévu la prise en charge partielle jusqu'à 90 % de certaines formations spécifiques dédiées aux métiers du transport (permis poids lourd, super lourd, transport en commun, transport de produits dangereux ou licence de cariste) en faveur des enfants d'anciens supplétifs. Ce même article leur ouvre également la possibilité de bénéficier du même type de prise en charge pour des formations professionnelles diverses destinées à exercer d'autres métiers, sous les seules conditions que la formation ne soit pas prise en charge, ou le soit seulement partiellement, par les dispositifs de droit commun, qu'elle débouche sur une qualification reconnue au sens de l'article L. 6314-1 du code du travail et que le demandeur ait reçu un avis favorable de Pôle emploi pour la formation souhaitée. Concernant plus particulièrement l'accès aux emplois publics, le dispositif des emplois réservés a été ouvert aux enfants de harkis par la loi n° 2008-492 du 26 mai 2008 et le décret n° 2009-629 du 5 juin 2009 qui permettent désormais aux enfants des personnes visées aux articles 1er et 6 de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 d'être inscrits sur les listes d'aptitude prioritaires, de manière dérogatoire, afin qu'ils puissent accéder, sans concours et sans condition d'âge, aux emplois réservés de catégorie B et C des trois fonctions publiques d'État, territoriale et hospitalière. Dans le cadre de ce dispositif, les services départementaux de l'ONAC-VG sont chargés d'établir les passeports professionnels faisant état des titres, diplômes et expériences professionnelles des candidats qui souhaitent postuler à un emploi réservé dans la fonction publique. Après validation de ces documents, le bureau des emplois réservés de l'agence de reconversion du ministère de la défense notifie aux candidats leur inscription et les informe sur leurs possibilités d'obtenir un emploi dans la fonction publique. Depuis juillet 2009, 656 enfants de harkis ont été recrutés dans la fonction publique, quasi exclusivement dans la fonction publique d'État. Enfin, l'article 55 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014-2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale autorise le Gouvernement à adopter par ordonnance les mesures qui permettront d'améliorer les dispositifs de recrutement au titre des emplois réservés prévus par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, notamment en différenciant selon les publics concernés, les durées d'inscription sur les listes d'aptitudes à ces emplois et en permettant la réinscription de personnes déjà radiées. Ce dernier point vise tout particulièrement l'inscription des enfants de harkis, afin de leur permettre, dans le cadre du plan emploi harkis, de bénéficier d'une prolongation de leurs droits au titre des emplois réservés. Le Gouvernement demeure mobilisé sur le succès de ces dispositifs qu'il souhaite maintenir, qu'il s'agisse de l'allocation de reconnaissance, des différentes aides sociales, des aides à l'éducation ou des mesures en faveur de l'emploi, afin de favoriser la réussite socio-économique des familles des anciens supplétifs et de renforcer la solidarité nationale en faveur de ces personnes. L'effort en faveur des harkis devra également se poursuivre dans l'avenir. C'est pourquoi le Président de la République qui a reçu les associations de harkis le 4 juillet 2014, a demandé au secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire d'établir un plan d'action détaillé avec les ministères concernés. Ce plan a été présenté par le Gouvernement le 25 septembre 2014, à l'occasion de la journée nationale d'hommage aux harkis. Il comporte trois volets : l'approfondissement du travail sur la mémoire des harkis dans la République, son entretien et sa transmission, le renforcement des relations entre l'État et le monde harki, et l'amélioration des aides existantes pour qu'elles répondent encore davantage aux besoins des harkis et de leurs descendants.

Données clés

Auteur : M. Georges Fenech

Type de question : Question écrite

Rubrique : Rapatriés

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Anciens combattants et mémoire

Dates :
Question publiée le 25 septembre 2012
Réponse publiée le 7 octobre 2014

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