Question de : M. Jean-Frédéric Poisson
Yvelines (10e circonscription) - Les Républicains

M. Jean-Frédéric Poisson rappelle à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international sur le soutien de la diplomatie française au nouveau gouvernement ukrainien. Le 17 mars 2014, la France a décidé de prendre des sanctions à l'encontre de la Russie, après le vote de l'annexion de la Crimée. Elle a annoncé, à cette occasion, le gel d'avoirs russes, la suspension de passeports diplomatiques, mais aussi la création d'une mission d'observation menée par l'OSCE. Si l'on peut comprendre la condamnation du referendum du 16 mars 2014, ainsi que les doutes sur la légalité de cette réunification au regard du droit international, on saisit moins l'appui sans réserve de notre pays au gouvernement d'Arseni Iatseniouk. Sur cet épisode ukrainien, la diplomatie française prend une position qui ne laisse pas d'interroger. À la suite de la communauté internationale, elle condamne fermement les agissements russes d'un côté et acclame de l'autre un gouvernement ukrainien autoproclamé. Ce manichéisme empêche toute étude critique de la situation. Le rôle des émeutiers de Kiev a sa part de responsabilité dans la montée des violences. On évalue à 500 les cas d'hospitalisation dans les forces de police. Près de 150 policiers ukrainiens ont été blessés par balle et 17 ont succombé à leurs blessures. Derrière l'apparent mouvement populaire et pacifique, cette révolution fantasmée de Maïdan, se cache une tentative réelle de coup d'État. En soutenant le renversement de Ianoukovitch, les puissances occidentales nient non seulement la souveraineté de l'Ukraine et l'autorité d'un président élu, mais ils ferment les yeux sur la composition des nouvelles institutions. En effet, le nouveau gouvernement compte parmi ses représentants des membres du parti nationaliste « Liberté » ou Svoboda qui occupent les fonctions de vice-premier ministre, de ministre des sports et de l'enseignement ; tous font partie de cette union panukrainienne, résolument antisémite et antirusse. L'attitude partiale de l'Union européenne et des États-unis, à l'égard de l'opposition à Viktor Ianoukovitch, peut s'expliquer par deux raisons. Soit l'enthousiasme démocratique trouble leur vision, faisant revivre le mythe des peuples qui se libèrent, soit ils font preuve d'une large indulgence. Il demande si la France compte faire évoluer sa position sur le gouvernement ukrainien.

Réponse publiée le 2 septembre 2014

Au lendemain de la signature de l'accord politique du 21 février entre le président ukrainien d'alors, Viktor Ianoukovitch et les responsables des trois partis de l'opposition parlementaire visant à mettre fin aux violences à Kiev, avec le soutien des ministres des affaires étrangères français, allemand et polonais, le président Ianoukovitch a pris la fuite. Le parlement ukrainien, la Rada, a suppléé à la vacance du pouvoir en investissant un nouveau gouvernement à une large majorité, tandis que le nouveau président du Parlement devenait, conformément à la Constitution, chef de l'Etat par intérim. Une élection présidentielle anticipée a eu lieu le 25 mai, dans des conditions jugées satisfaisantes par le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'Homme de l'OSCE. M. Petro Porochenko a été élu avec près de 55 % des suffrages dès le premier tour, ce qui est sans précédent en Ukraine depuis l'indépendance du pays en 1991. Le président russe lui-même a reconnu cette élection, et a rencontré le président Porochenko en Normandie le 6 juin. Des élections législatives anticipées devraient avoir lieu dans les prochains mois, ce qui permettra de renforcer la légitimité du parlement ukrainien. Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement ukrainien n'a pas ménagé ses efforts pour apaiser les craintes d'une partie des citoyens des régions du Sud-Est du pays quant à la prise en compte de leurs préoccupations. La France a fait passer des messages sur la nécessité de faire avancer les réformes, y compris la réforme constitutionnelle, ainsi que le chantier de la lutte contre la corruption. Les autorités de Kiev ont amorcé un processus de dialogue national sous l'égide de l'OSCE en mai, par l'organisation de quatre tables rondes associant les principales forces politiques et des représentants de la société civile et des milieux d'affaires, qui a permis l'adoption d'un Mémorandum sur la concorde et la paix par le Parlement le 20 mai. Ce texte prévoit notamment une réforme constitutionnelle reposant sur la décentralisation, dont l'examen a débuté, et dispose que « parallèlement au statut constitutionnel de la langue ukrainienne comme langue officielle, [le Parlement] garantira le statut de la langue russe ». En tout état de cause, l'abrogation de la loi de 2012 sur les langues n'a pas été promulguée et le statu quo n'a pas été modifié. La France a encouragé la reprise de ce processus de dialogue national, et a apporté son soutien aux négociations trilatérales Ukraine-Russie-présidence suisse de l'OSCE. Celles-ci ont permis d'enregistrer quelques avancées, notamment l'annulation le 25 juin par le Conseil de la Fédération de l'autorisation du recours à la force en Ukraine, et la définition d'un cadre pour la mise en oeuvre du plan de paix du président Porochenko. Au lendemain de la catastrophe aérienne du MH17, les négociations trilatérales ont associé les séparatistes, afin de définir les modalités d'accès aux lieux de la catastrophe et permettre l'organisation d'une enquête internationale. Si la France soutient les nouvelles autorités ukrainiennes, elle n'en demeure pas moins attentive aux mesures prises par ces dernières et conserve évidemment le droit, dans le respect de la souveraineté ukrainienne, de faire connaître ses positions.

Données clés

Auteur : M. Jean-Frédéric Poisson

Type de question : Question écrite

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Affaires étrangères

Ministère répondant : Affaires étrangères

Dates :
Question publiée le 15 avril 2014
Réponse publiée le 2 septembre 2014

partager