14ème législature

Question N° 54709
de M. Jean-Claude Buisine (Socialiste, républicain et citoyen - Somme )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > relations internationales

Tête d'analyse > commerce international

Analyse > ivoire. trafic. lutte et prévention.

Question publiée au JO le : 29/04/2014 page : 3513
Réponse publiée au JO le : 01/07/2014 page : 5619

Texte de la question

M. Jean-Claude Buisine attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le marché noir du trafic d'ivoire qui prolifère sur le web. En effet, malgré l'interdiction de ce commerce dans le monde, l'ivoire, premier produit dérivé d'espèces sauvages- est vendu en ligne. Des défenses prélevées illégalement sont achetées et vendues sur d'innombrables forums et sites internet à travers le monde, y compris via le géant de l'internet Google, avec une fréquence croissante. C'est une menace aussi dangereuse pour la survie des éléphants africains. Selon Interpol, l'organisation internationale a passé au crible 83 sites internet de ventes aux enchères de neuf pays d'Europe et le kilo d'ivoire s'y vend entre 450 et 1 700 euros. Ainsi, pour l'éléphant, alors qu'environ 5 millions de ces pachydermes fréquentaient les plaines africaines il y a 70 ans, il en resterait approximativement un demi-million. La France risque de devenir une plaque tournante de ce trafic car, parmi le tiers des annonces trouvées, il est difficile à déterminer la légalité. De plus, la vente en ligne d'ivoire illégal ne présente qu'un très faible risque et une rentabilité très élevée pour les criminels, du fait de l'anonymat d'internet et de son accessibilité 24 heures sur 24. Face aux problèmes spécifiques du commerce en ligne d'espèces sauvages et de leurs produits dérivés, les nouvelles réglementations seraient utiles et nécessaires. Par conséquent, il souhaiterait savoir les mesures qu'il envisage afin de freiner l'expansion de ce marché noir.

Texte de la réponse

Le braconnage de spécimens inscrits à la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) et le commerce illicite qui en découle, ont récemment atteint des niveaux sans précédent. Les causes sont multiples, mais la hausse de la demande illicite de produits de luxe tels que l'ivoire d'éléphant ou la corne de rhinocéros, en particulier en Asie, reste une des motivations principales de ces crimes. Aujourd'hui, le trafic des espèces protégées est le quatrième au monde, derrière le trafic d'armes, de drogue et la traite des êtres humains, avec un gain estimé entre 15 et 19 milliards de dollars par an. La lutte contre la criminalité liée aux espèces protégées doit prendre en compte l'évolution des nouvelles pratiques, et notamment l'augmentation des ventes sur Internet d'objets illicites ou soupçonnés de l'être. Les Parties de la convention de Washington ont rappelé lors de la conférence qui s'est tenue en mars 2013 à Bangkok, leur volonté de surveiller plus étroitement le commerce sur internet d'espèces animales protégées. Par ailleurs, pour se doter d'un des dispositifs de lutte les plus exigeants de l'U. E en termes de sanctions et de coordination, la France s'engage sur un plan national, européen et international. En parallèle du sommet de l'Élysée pour la Paix et la Sécurité en Afrique, elle a présenté, le 5 décembre 2013, lors d'une table ronde sur la lutte contre le trafic et le braconnage des espèces menacées, son plan national d'action « Lutte contre le braconnage d'éléphants et contre le trafic d'ivoire et d'autres espèces protégées ». Ce dernier sera prochainement finalisé. La France s'inscrit donc clairement dans la lutte contre cette forme de criminalité. Elle dispose de plusieurs services de veille, spécialisés en cybercriminalité et placés sous l'égide du ministère de l'Intérieur. Leur champ d'action englobe le commerce illicite de spécimens CITES. L'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et la santé publique dispose d'une équipe spécialement chargée de la lutte contre le commerce illicite des espèces sauvages et peut également s'appuyer sur son réseau de 350 enquêteurs aux atteintes à l'environnement et à la santé publique implantés sur le territoire national. Cet office travaille notamment en étroite collaboration avec des ONG de protection des espèces menacées, et n'hésite pas à donner - lorsque cela est pertinent - des suites judiciaires aux signalements qui lui sont ainsi transmis. Le dispositif national de lutte a été renforcé avec la loi n° 2013-619 du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable. Cette loi a introduit dans le Code de l'environnement l'article L.415-6 réprimant d'une peine de 7 ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende les atteintes aux espèces protégées commises en bande organisée. La loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière permet, aux officiers de police judiciaire, la mise en oeuvre de certaines techniques d'enquête spéciales dans le cadre de contrebande douanière en bande organisée d'espèces protégées (Art 706-1-1 du CPP). Afin que les montants des sanctions soient davantage en adéquation avec les gains générés par les trafics d'espèces protégées, le projet de loi sur la biodiversité prévoit l'augmentation des amendes encourues en cas d'infraction simple (passage de 15 000 à 150 000 €) et en cas de trafic en bande organisée (passage de 150 000 à 750 000 €). La circulaire de la chancellerie du 16 décembre 2013, dédiée à la lutte contre le trafic des espèces menacées et transmise aux procureurs rappelle les dispositions juridiques de lutte contre ce trafic, la nécessité d'un travail coordonné des services spécialisés et la mise en oeuvre d'une réponse pénale. L'implication des principaux acteurs et des fournisseurs de services internet est d'ores et déjà réelle. Certains d'entre eux ont mis en place des codes de bonne conduite et des dispositifs visant à mieux contrôler l'usage qui est fait de leur plate-forme d'échanges. La lutte contre les trafics illicites commis sur la toile pourrait être encore plus efficace si les OPJ et APJ disposaient de la possibilité d'acquérir par Internet, en usant d'un nom d'emprunt, tout spécimen ou produit dérivé d'espèces protégées ainsi que tout autre élément de preuve. Cette hypothèse s'inscrit toutefois dans le contexte plus global de la procédure pénale liée aux investigations judiciaires sous pseudonyme sur Internet, qui ne sont pas spécifiques au droit de l'environnement. Cette question a été étudiée par le groupe de travail interministériel sur la cybercriminalité, présidé par le procureur général Marc ROBERT. Le gouvernement réfléchit actuellement aux suites à donner aux conclusions et propositions du groupe.