14ème législature

Question N° 55802
de M. Hervé Féron (Socialiste, républicain et citoyen - Meurthe-et-Moselle )
Question écrite
Ministère interrogé > Affaires étrangères
Ministère attributaire > Affaires étrangères

Rubrique > politiques communautaires

Tête d'analyse > commerce extracommunautaire

Analyse > accord transatlantique. contenu.

Question publiée au JO le : 20/05/2014 page : 3951
Réponse publiée au JO le : 22/07/2014 page : 6178

Texte de la question

M. Hervé Féron attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et du développement international sur le projet d'accord commercial entre les États-unis et l'Union européenne, aussi appelé TAFTA, qui vise à créer un grand marché transatlantique représentant la plus grande zone de libre-échange jamais créée. TAFTA suscite notamment des inquiétudes car, en supprimant dernières barrières douanières existantes entre les pays, la mise en place d'un espace de libre échange signifie la libre concurrence totale entre les acteurs du marché. ll est stipulé dans cet accord que les pays signataires assureront la « mise en conformité de leurs lois, de leurs règlements et de leurs procédures » avec les dispositions du traité. La conséquence directe à cela est que des entreprises multinationales pourront poursuivre des États ayant mis en oeuvre des dispositions en conflit avec des dispositions du nouveau marché commun et obtenir une obtenir une compensation financière de leur part pour le manque à gagner induit par un droit du travail ou par une législation environnementale trop contraignants à leur goût (fondée sur les normes de l'Union européenne par exemple). Ce système est déjà en place depuis le 1er janvier 1990 dans le cadre de l'ALENA, l'accord de libre échange qui réunit le Canada, les États-unis et le Mexique. De fait, le projet de grand marché transatlantique suscite des inquiétudes sur une probable mise en danger des normes de protection de consommateurs et de protection environnementale de l'Union européenne. Toutes les normes sanitaires, environnementales ou encore sociales seraient remises en cause, comme l'a fait remarquer la députée Sandrine Bélier le mardi 19 mars 2014 au Parlement européen. Notons aussi que l'industrie culturelle, qui représente 3,2 % du PIB, pourrait à terme être mise en danger. Même si la ministre de la culture Aurélie Filippetti a affirmé "l'exclusion du service audiovisuel du mandat de négociation", ajoutant que c'était un "succès pour la diversité culturelle en Europe", à Bruxelles, le commissaire au commerce et principal négociateur européen, Karel De Gucht, a rappelé que le mandat de négociation ne contenait pas d'exclusion des services audiovisuels : "[Il] précise clairement que la Commission aura la possibilité de revenir devant le Conseil avec des directives supplémentaires pour la négociation". De plus, les tractations de ce grand marché se déroulent dans l'opacité la plus totale : les députés européens n'ont toujours pas accès aux documents, qui font l'objet d'une demande répétée de leur part. Il estime donc nécessaire que la Commission européenne fournisse en premier lieu au Parlement européen les documents officiels de négociation pour que celle-ci donne lieu à un vrai débat démocratique, au niveau européen comme au niveau national.

Texte de la réponse

La négociation d'un accord avec les Etats-Unis peut être positive à condition qu'elle présente un intérêt économique avéré pour l'Europe. Le Partenariat commercial transatlantique pourrait permettre à nos entreprises de bénéficier du dynamisme de l'économie américaine et de sa demande intérieure. Ensuite, cet accord démantèlerait des barrières tarifaires et non-tarifaires, ouvrant des marchés restés jusqu'à présent difficiles d'accès pour nos entreprises. Les barrières tarifaires érigées par les Etats-Unis pour les produits laitiers, par exemple, sont élevées, à 22 % en moyenne (dont 40 % pour les yaourts ou 33 % pour le fromage frais non-affiné). Or, l'offre européenne est compétitive sur ce secteur. S'agissant des barrières non-tarifaires, l'Union européenne négocie pour obtenir la réciprocité dans l'accès aux marchés publics américains : c'est un enjeu offensif majeur. Enfin, cet accord lierait les deux premières puissances économiques mondiales et leur donnerait encore davantage de poids dans la mondialisation. En harmonisant les normes techniques des deux côtés de l'Atlantique, non seulement nos entreprises exporteraient-elles plus facilement vers les Etats-Unis, mais nous pourrions être en mesure de diffuser plus facilement nos normes vers le reste du monde, pour qu'elles deviennent des références mondiales. Il existe toutefois des risques possibles que nous mesurons. En particulier, une convergence trop faible ou trop étroite (excluant certains secteurs, comme le secteur financier notamment) serait problématique. L'Union européenne doit être en mesure, à l'issue de cette négociation, de préserver son autonomie normative, en particulier lorsqu'elle touche à la protection du consommateur (normes sanitaires et phytosanitaires). La convergence des normes ne doit pas être synonyme de convergence vers le bas. Il existe aussi un risque fort que certains intérêts offensifs majeurs pour l'Europe, comme la réciprocité de l'accès aux marchés publics, ne soit pas obtenus. Quant à l'inclusion dans l'accord d'un mécanisme de règlement des différends investisseur-Etat dans le Partenariat commercial transatlantique, elle n'est pas décidée. Elle dépendra de l'issue de la consultation publique européenne en cours et des débats qui s'ensuivront, avec les Etats membres et le Parlement européen. C'est la raison pour laquelle l'Union européenne a posé ses conditions à la conduite des négociations. D'abord, le mandat de négociation accordé le 14 juin dernier par les Etats membres à la Commission européenne exclut formellement les services audiovisuels, afin de préserver notre exception culturelle. Ensuite, les Etats-Unis doivent donner des garanties quant à la réciprocité de l'accès aux marchés publics, dont la compétence appartient aux Etats fédérés. L'absence de parallélisme dans ce domaine serait grave, compte-tenu de l'ouverture substantiellement plus importante des marchés publics européens que des marchés américains. S'agissant des « préférences collectives » (nos normes sanitaires et phytosanitaires, protection du consommateur) l'Union européenne a rappelé de manière ferme, en février dernier, qu'il était exclu que cet accord autorise l'importation de boeuf aux hormones ou de poulet chloré en Europe. Le Gouvernement la soutient entièrement dans cette démarche. Le Commissaire européen chargé des questions commerciales a également rappelé que seule la législation européenne prévaudrait en matière d'OGM. Nos indications géographiques devront également être protégées. Enfin, la France a régulièrement signifié à l'Union européenne qu'un effort devait être fait en matière de transparence, préoccupation formulée de façon récurrente par nos parlementaires et citoyens. Dans cet esprit, le Gouvernement s'est engagé à rendre compte de l'avancée des négociations à la représentation nationale et aux parties prenantes, suite aux sessions de négociations qui ont lieu chaque trimestre. En tout état de cause, à l'issue de la négociation, l'accord devrait être ratifié par les 28 parlements nationaux et par le Parlement européen, s'agissant d'un accord mixte. L'accord devra donc répondre aux préoccupations des Etats membres et de leurs citoyens pour recueillir leur assentiment.