14ème législature

Question N° 56346
de Mme Marietta Karamanli (Socialiste, républicain et citoyen - Sarthe )
Question écrite
Ministère interrogé > Affaires européennes
Ministère attributaire > Affaires européennes

Rubrique > secteur public

Tête d'analyse > établissements publics

Analyse > financement.

Question publiée au JO le : 27/05/2014 page : 4137
Réponse publiée au JO le : 16/05/2017 page : 3460
Date de changement d'attribution: 07/12/2016

Texte de la question

Mme Marietta Karamanli attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes, sur l'interprétation donnée par la Cour de justice de l'Union européenne concernant le financement d'un certain nombre d'entreprises nationales. Dans un récent arrêt, la Cour a confirmé l'interdiction faite aux États d'accorder une garantie illimitée à une entreprise en assimilant celle-ci à une aide d'État illicite. En l'absence de dispositions plus explicites, le droit actuel est interprété par la Cour de Luxembourg comme permettant de conférer un avantage déloyal, celui d'emprunter à moindre coût aux établissements publics nationaux face à leurs concurrents privés. Cette décision pourrait avoir des effets sur le financement d'établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) dans le domaine des transports ou de la culture. Elle lui demande quelles initiatives politiques, la France entend prendre pour trouver une solution adaptée aux réalités de financement de grands établissements de notre pays et garantir la nature de leur statut.

Texte de la réponse

Par décision du 27 février 2010, la Commission a estimé que La Poste avait bénéficié d'une aide d'Etat sous la forme d'une garantie implicite et illimitée, qui résultait de son statut d'établissement public. En effet, La Poste, en tant qu'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), n'était pas soumise au droit commun du redressement et de la liquidation judiciaire, ce qui conduisait à ce que ses créanciers, contrairement à ceux d'un établissement privé, soient toujours assurés de voir leur créance remboursée, y compris si La Poste était en difficulté financière et ne pouvait pas honorer ses dettes. La Poste était donc avantagée par rapport aux établissements privés, pouvant, grâce à son statut d'EPIC, obtenir des conditions de financement sur les marchés plus favorables. Saisie par la France, la Cour de justice a, le 3 avril 2014, rejeté le pourvoi et confirmé la décision de la Commission. Cet arrêt s'inscrit à la suite d'autres décisions par lesquelles la Commission a conclu à l'existence d'une garantie illimitée d'Etat du fait du statut d'EPIC, au profit d'EDF en 2003 et de l'Institut français du pétrole (aujourd'hui IFP énergies nouvelles) en 2011. Les autorités françaises ont pris conscience du risque que ces décisions représentaient pour certains établissements publics, et se sont mobilisées pour limiter ce risque. Les missions des différents EPIC étant diverses, les autorités françaises ont la possibilité, au cas par cas, de défendre le statut et les méthodes de gestion des établissements publics, et de justifier que cela contribue à préserver leur mission de service public. En effet, la Commission, dans son analyse, doit s'appuyer sur un "faisceau d'indices" et c'est à elle de démontrer, pour chaque cas particulier qui lui est présenté, que le statut d'EPIC procure effectivement un avantage déloyal à l'établissement. Ainsi, dans le cas de l'Institut français du pétrole, la Commission n'a pas pu démontrer l'existence de conditions de marché préférentielles auprès des établissements financiers, et elle a, par ailleurs, estimé que la garantie accordée à l'Institut français du pétrole pouvait être compatible avec le droit de l'Union européenne, puisque son activité principale était la recherche publique, et non une activité économique. Les établissements publics qui ne poursuivent pas une activité économique sont donc à l'abri de toute remise en cause par le droit de l'Union européenne. A ce titre, les aides en faveur de la culture bénéficient d'un régime spécifique et sont largement considérées comme compatibles. Face à cette évolution du droit de l'Union européenne, les autorités françaises ont également entrepris une adaptation, au cas par cas, du fonctionnement et du statut de certains EPIC, afin de préserver leur activité de service public. Cette transformation, nécessaire pour se conformer au droit de l'Union européenne, constitue également une opportunité pour moderniser le service public. C'est ainsi qu'EDF, GDF et La Poste ont adopté le statut de société anonyme, qui leur a permis de lever des fonds pour se moderniser, se diversifier et se développer davantage à l'international. Dans le domaine des transports, l'ouverture à la concurrence a, par exemple, conduit à une réforme de la SNCF, avec la création de "SNCF Réseau", gestionnaire d'infrastructures, et "SNCF Mobilités", exploitant ferroviaire, visant à améliorer l'efficacité du secteur ferroviaire. Ainsi, à travers la défense du modèle des établissements publics et leur modernisation, les autorités françaises s'engagent pour préserver leur mission de service public.