14ème législature

Question N° 56525
de M. Hervé Féron (Socialiste, républicain et citoyen - Meurthe-et-Moselle )
Question écrite
Ministère interrogé > Écologie, développement durable et énergie
Ministère attributaire > Écologie, développement durable et énergie

Rubrique > énergie et carburants

Tête d'analyse > politique énergétique

Analyse > rapport. recommandations.

Question publiée au JO le : 03/06/2014 page : 4429
Réponse publiée au JO le : 12/08/2014 page : 6901

Texte de la question

M. Hervé Féron attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur les conclusions du récent rapport de la Cour des comptes sur les coûts de la filière nucléaire. Commandé par la commission d'enquête relative aux "coûts de la filière nucléaire, à la durée d'exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l'électricité nucléaire" à l'Assemblée nationale, il doit contribuer à enrichir le débat sur la prochaine loi sur la transition énergétique. Ce rapport va dans le sens des conclusions du précédent rapport (2012) de la Cour des comptes, sur les frais de la filière en 2010. Il pointe des dépenses d'investissements particulièrement importantes pour maintenir et supporter les 19 centrales vieillissantes d'EDF. Ces investissements de maintenance, en particulier de sûreté, n'ont pas encore atteint leur maximum ; ils devraient encore sensiblement progresser jusqu'en 2017, avant de commencer à diminuer. EDF prévoit ainsi un investissement de 55 milliards d'euros à l'horizon 2025 afin de maintenir les 58 réacteurs exploités par l'entreprise, pour leur permettre d'être fonctionnels et sécurisés au-delà des 40 ans de leur durée de vie normale. Or la Cour des Comptes estime elle que les investissements nécessaires sont de l'ordre de 62,5 milliards d'euros, ce qui est supérieur au montant annoncé par EDF. De fortes incertitudes sont en outre liées aux dépenses futures de l'exploitation d'énergie nucléaire en France. Celles-ci concernent, en particulier, la gestion des combustibles usés (qui étaient déjà de 16,3 milliards d'euros fin 2013), les charges de démantèlement (d'un montant de 34,4 milliards en 2013), ainsi que les charges de gestion des déchets (31,8 milliards en 2013). De fait, la tendance des coûts de la production est déjà à la hausse, comme on peut le constater depuis 2010 : en 2013, le prix du mégawattheure (MWh) a été de 59,80 euros, alors qu'il était de 49,60 euros en 2010, ce qui représente une hausse de 20,6 % en euros courants, bien plus élevée que l'inflation en cours. Cette hausse des coûts de production a nécessairement un impact pour les consommateurs : en effet, 40 % du prix de l'électricité payé par le consommateur supporte le coût de l'électricité nucléaire, ce qui explique les augmentations du prix de l'électricité (dont la dernière en date, de 5 %, remonte à août 2013). Il lui demande donc si le Gouvernement compte prendre des mesures afin de mettre fin à l'augmentation des prix de l'électricité supportés par les ménages. En outre, il s'agit pour l'État, qui détient 84,4 % du capital de l'entreprise publique EDF, de se prononcer rapidement sur un éventuel prolongement du parc existant au-delà de 40 ans, afin de permettre à EDF de planifier les actions et les investissements qui en résulteront. Actuellement, le nucléaire représente 75 % de l'énergie électrique en France. Cette énergie a été, à une époque révolue, le moyen pour la France d'assurer son indépendance énergétique vis-à-vis des autres États. Cependant, dans une perspective d'économies budgétaires, le rapport de la Cour des comptes apporte une preuve supplémentaire de l'urgente nécessité de nous interroger sur la politique nucléaire de la France, qui se révèle au final extrêmement coûteuse. Sachant que c'est à l'horizon 2025 que le Gouvernement s'est fixé l'objectif de réduire la part du nucléaire dans le mix énergétique français, qui doit passer de 75 % à 50 %, il souhaite lui demander quelles conclusions elle tire du dernier rapport de la Cour des comptes sur les coûts de la filière nucléaire et, au regard de celui-ci, quelles mesures elle compte mettre en place pour parvenir à l'objectif de 50 % d'énergie nucléaire dans le mix énergétique français à l'horizon 2015.

Texte de la réponse

Le Gouvernement a décidé de revoir en profondeur la méthodologie de calcul des tarifs réglementés de vente de l'électricité. Cette réforme passe par un nouveau décret qui sera transmis au Conseil d'État. L'avis de la Commission de régulation de l'énergie sera recueilli permettant de faire un bilan au 1er octobre 2014. Dans l'attente de la définition de cette nouvelle méthodologie, le Gouvernement a décidé d'annuler l'augmentation des tarifs de l'électricité de 5 % au 1er août 2014, qui avait été décidée par un arrêté daté de 2013. Malgré l'augmentation de 5 % en 2013 après plusieurs années de hausse à l'inflation, les tarifs de vente de l'électricité en France restent aujourd'hui sensiblement moins élevés que la moyenne des tarifs observés en Europe (40 % moins cher pour les particuliers). Par ailleurs, les conclusions du dernier rapport de la Cour des Comptes permettront d'éclairer les choix qui seront faits sur l'évolution du mix énergétique, dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l'énergie qui sera définie par la loi de programmation relative à la transition énergétique pour la croissance verte. La Cour établit plusieurs constats importants, que le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie reprend à son compte : - Depuis le rapport de 2012, les coûts de production du parc nucléaire, notamment les investissements nécessaires à la maintenance, ont augmenté. Ces hausses correspondent à l'intensification des travaux de modernisation lancés par EDF pour améliorer la disponibilité des centrales, du programme de prolongation espérée de la durée d'exploitation des centrales au-delà de 40 ans, ainsi qu'aux investissements supplémentaires demandés par l'autorité de sûreté nucléaire après l'accident de Fukushima. - La Cour note par ailleurs une augmentation des coûts prévisionnels sur le parc nucléaire. Les coûts futurs sont incertains par nature, et dépendront entre autres des décisions à venir concernant la prolongation de l'exploitation des réacteurs au-delà de 40 ans, mais les coûts liés au démantèlement et à la gestion des déchets sont provisionnés dans les comptes des exploitants. - Le rapport de la Cour montre que, malgré l'augmentation des coûts constatés et des coûts prévisionnels, la compétitivité du parc nucléaire devra s'évaluer au regard des coûts des moyens de substitution. - La « falaise d'investissements » liée au renouvellement du parc représente un effort financier important et impose de lisser l'effort en équilibrant fermetures, prolongations et développement des énergies renouvelables. Un tel pilotage permettra le rééquilibrage de notre mix électrique, voulu par le Président de la République. Il permettra à la France de bénéficier des meilleures technologies à mesure de leur développement, en développant une filière industrielle, et de maîtriser le coût de notre nouveau mix électrique, en tirant parti de ces progrès technologiques tout en continuant de bénéficier du faible coût de production de nos centrales nucléaires. Le rééquilibrage de notre mix électrique passe par une diversification des moyens de production. Cela passe d'abord par un développement ambitieux et raisonné des énergies renouvelables. C'est une opportunité industrielle et écologique. Le choix d'un socle de production nucléaire à 50 % s'appuie sur ce que nous ont légué nos prédécesseurs en termes d'outil de production. C'est un atout dans la transition qui s'engage car cela nous évitera de devoir développer le thermique fossile pour faire face aux besoins de consommation ou aux intermittences. Enfin, il faudra enrichir les moyens de production de base par de nécessaires innovations à court et moyen terme, telles que les capacités d'effacement, l'autoconsommation et le stockage de l'énergie. La loi de programmation relative à la transition énergétique pour la croissance verte qui sera présentée au Parlement en 2014 devra définir les outils de pilotage du mix énergétique et du parc électronucléaire, qui permettront au Gouvernement de mettre en oeuvre la transition énergétique ainsi définie.