14ème législature

Question N° 56583
de M. Dominique Dord (Union pour un Mouvement Populaire - Savoie )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > famille

Tête d'analyse > obligation alimentaire

Analyse > créances. recouvrement.

Question publiée au JO le : 03/06/2014 page : 4448
Réponse publiée au JO le : 26/01/2016 page : 816
Date de changement d'attribution: 27/08/2014
Date de renouvellement: 16/12/2014

Texte de la question

M. Dominique Dord attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la question des pensions alimentaires. L'étude sociologique Au tribunal des couples : enquête sur des affaires familiales menée par le collectif Onze pointe les inégalités qui sont renforcées au moment des séparations : celles-ci sont dues principalement au faible montant des contributions et prestations qui sont fixées lors du passage devant le juge des affaires familiales. Nous savons que les impayés de pension alimentaire ne relèvent pas systématiquement de situations d'infortune du parent débiteur : il existe derrière ces situations des mécanismes de violence économique, de précarisation volontaire, ou de fuite des responsabilités parentales. Lors des séparations, plus de la moitié des situations de conflit sont liées au patrimoine et à la fixation d'une contribution alimentaire. Pour certaines associations, il s'agit uniquement de détourner le débat de leurs devoirs premiers, pour ne le focaliser que sur leurs droits : les besoins matériels de l'enfant passent ainsi au second plan et restent alors à la charge principale des mères plus de neuf fois sur dix. Cela entraîne de nombreux coûts (vacances, loisirs, activités diverses, mais aussi les frais de soins). Enfin, il faut également prendre en compte l'abandon physique comme le non-respect des droits de visites hebdomadaires auprès des enfants et le délaissement affectif. L'abandon de famille étant un délit suffisamment grave car mettant en péril la situation du parent gardien et l'avenir de l'enfant, il lui demande donc quelles solutions elle entend apporter pour résoudre les questions essentielles de l'exécution et des recours possibles en cas de non-exécution des décisions de justice concernant l'obligation alimentaire.

Texte de la réponse

Il existe déjà de nombreuses procédures permettant à une personne de recouvrer une pension alimentaire impayée lorsque celle-ci a été prononcée ou homologuée par une décision de justice exécutoire. Le créancier dispose d'abord des procédures civiles d'exécution forcée de droit commun qui lui permettent de procéder à diverses mesures comme la saisie des rémunérations de son débiteur,  la saisie-attribution par laquelle un huissier de justice saisit une créance du débiteur entre les mains de son propre débiteur avec effet d'attribution immédiate des fonds au profit du créancier saisissant possible entre les mains d'un établissement de crédit,  ou encore la saisie-vente, qui concerne la saisie puis la vente des biens mobiliers matériels comme une télévision, une voiture ou encore un tableau, ou enfin la saisie immobilière. Sauf le cas de la saisie d'un immeuble ou de la saisie des rémunérations, le créancier qui bénéficie d'une décision exécutoire peut directement recourir à un huissier de justice pour qu'il procède à une mesure d'exécution sur le patrimoine de son débiteur. Pour trouver les informations nécessaires à la localisation du débiteur ou de ses biens, l'huissier de justice a un large pouvoir d'interrogation des administrations notamment pour qu'elles lui fournissent ces données, en application des dispositions de l'article L. 152-1 du code des procédures civiles d'exécution.  Outre ces procédures d'exécution, le créancier d'aliments dispose ensuite d'une procédure spécifique et dérogatoire au droit commun qui est le paiement direct de la pension alimentaire. Celle-ci est prévue pour le recouvrement des six derniers mois d'arriérés de pension alors étalé sur douze mois au plus et permet également le recouvrement de la pension en cours. Cette procédure suppose une seule échéance impayée de pension fixée par une décision de justice. En ce cas, le créancier d'aliments se rend chez l'huissier de justice qui notifie une mesure de saisie, selon une procédure simplifiée, au tiers saisi, qui peut être l'employeur, l'établissement bancaire ou tout tiers débiteur du débiteur d'aliments. Le tiers saisi est alors tenu de verser entre les mains de l'huissier le montant de la pension alimentaire si son obligation vis-à-vis du débiteur d'aliments le permet. Le créancier d'aliments est payé par priorité à tout autre créancier qui saisirait les rémunérations. Par ailleurs, plusieurs dispositifs sont destinés à simplifier la tâche du créancier d'aliments dans le recouvrement de sa pension. Ainsi, lorsque les procédures d'exécution ne fonctionnent pas, le créancier d'aliments peut s'adresser au procureur de la République pour qu'il mette en oeuvre une procédure de recouvrement public par le biais d'un comptable public. Les procédures utilisées pour le recouvrement de certains impôts peuvent donc être appliquées par l'administration en ce cas pour le compte du créancier d'aliments. Le code de la sécurité sociale prévoit enfin que le créancier d'une pension alimentaire au bénéfice d'enfants, peut, sous certaines conditions et dans certains cas, obtenir l'aide des organismes débiteurs de prestations familiales pour le recouvrement de celle-ci. Lesdits organismes, selon qu'ils ont versé ou non une prestation qui compense le non versement de la pension alimentaire en question, sont subrogés dans les droits du créancier, ou agissent sur son mandat. En outre,  le défaut de paiement de ces sommes constitue le délit d'abandon de famille puni de deux ans d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende. De plus, le décret no 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale a été modifié par un décret no 2014-673 du 25 juin 2014 afin de dispenser le créancier d'aliments de tout paiement ou d'avance de frais d'exécution et d'augmenter une partie de ces frais à la charge du débiteur d'aliments afin de l'inciter à régler volontairement et rapidement sa dette. S'agissant des saisies effectuées dans le cadre des successions, il paraît nécessaire de rappeler que, tant que le partage n'est pas intervenu dans une succession, les lots ne sont pas encore constitués de sorte qu'il existe un risque à saisir un bien qui appartiendra in fine à un autre coindivisaire. La saisie ne doit donc pas intervenir trop tôt. La saisie est en revanche tout à fait possible, et ce de manière définitive une fois le partage intervenu si la pension alimentaire a été consacrée par une décision de justice exécutoire. Les mécanismes tendant à favoriser le recouvrement des pensions sont donc nombreux. En complément, le projet de loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes,  adopté au Parlement, crée un mécanisme de garantie contre les impayés de pensions alimentaires qui sera expérimenté par les caisses d'allocations familiales (CAF) dans plusieurs départements.