14ème législature

Question N° 56761
de M. Hervé Féron (Socialiste, républicain et citoyen - Meurthe-et-Moselle )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > système pénitentiaire

Tête d'analyse > détenus

Analyse > effectifs. perspectives.

Question publiée au JO le : 03/06/2014 page : 4450
Réponse publiée au JO le : 09/12/2014 page : 10344
Date de changement d'attribution: 27/08/2014
Date de renouvellement: 09/09/2014

Texte de la question

M. Hervé Féron attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le malaise des surveillants pénitentiaires. Depuis plusieurs mois, on assiste à une recrudescence des actes de violence à l'égard du personnel comme courant janvier où deux agressions ont sérieusement blessé le directeur adjoint et un surveillant de la prison d'Alençon-Condé en l'espace de quelques jours. 6 prises d'otages se sont produites depuis le début de l'année dans les établissements pénitentiaires. Le 1er avril 2014, un nouveau record a été atteint suivant les chiffres de la direction de l'administration pénitentiaire qui évaluait à 68 859 le nombre de personnes incarcérées dans les prisons françaises sans que des postes supplémentaires de surveillants ne soient créés pour faire face à cette hausse. Cette surpopulation carcérale, problématique depuis des années, a des répercussions néfastes sur les conditions de travail du personnel qui est de plus en plus sujet à des agressions, qu'elles soient verbales ou physiques. Les agents n'ont plus le temps pour connaître et gérer efficacement les détenus, ni pour s'occuper de leur réinsertion. À cela s'ajoute les 800 vacances de postes qui accroissent la charge de travail des surveillants. La fatigue résultant des rythmes de travail diminue leur vigilance et augmente leur vulnérabilité face à l'acte inconsidéré d'un détenu. Ces conditions d'exercice ne sont pas acceptables, il y a une véritable urgence à remédier à ces difficultés. Au centre pénitentiaire de Nancy-Maxéville ouvert en 2009, on compte 866 détenus pour une capacité d'accueil de 692 places, soit un taux d'occupation de 125 % ! Dans cette optique, des moyens humains et financiers doivent être apportés aux surveillants pénitentiaires sous risque de voir la situation dégénérer. Il lui demande ainsi les intentions du Gouvernement afin d'apaiser les tensions dans les établissements pénitentiaires et de permettre au personnel d'exercer ses fonctions dans des conditions convenables.

Texte de la réponse

Depuis sa prise de fonction, la garde des sceaux, ministre de la justice, a axé sa politique pénitentiaire autour de trois objectifs : la rénovation et l'extension du parc immobilier, la prévention de la récidive par la réinsertion des personnes condamnées et la sécurité en détention, avec comme priorité, la dignité et la sécurité des personnels de l'administration pénitentiaire et des personne détenues. La garde des sceaux, ministre de la justice, est consciente de la difficulté, en même tant que de l'absolue nécessité, de la mission qu'exercent au quotidien les personnels de surveillance. C'est la raison pour laquelle elle a signé le 14 mai 2013 le protocole « Personnels de surveillance ». Ce document est le fruit de négociations engagées par la ministre en décembre 2012 entre la direction de l'administration pénitentiaire (DAP) et les organisations syndicales, qui ont participé à l'ensemble des travaux jusqu'à fin février 2013. L'objectif de ce protocole est la refonte du statut des personnels de surveillance (corps d'encadrement et d'application) qui date de 2006. Il vise à revaloriser le métier du surveillant, en développant, notamment, les parcours de carrière par le biais des formations continues et en recherchant de meilleures articulations entre organisation du travail et contenu des missions, en mesurant leur incidence sur la santé et l'équilibre social des agents. De plus, en accord avec les axes de la politique pénitentiaire actuelle, le protocole prévoit l'évaluation des conditions de travail des personnels afin d'améliorer le dispositif de prévention en matière de santé et sécurité au travail et une revalorisation indiciaire du corps d'encadrement et d'application : 17 millions d'euros sont ainsi alloués dans le cadre du budget triennal 2013-2015 à la revalorisation de la grille mais également à la promotion de nombreux surveillants au grade de surveillants brigadiers. Un comité de suivi associant l'UFAP-UNSa et la DAP veillera à la mise en oeuvre de ce protocole jusqu'en 2015, avec la parution des nouveaux décrets portant sur le statut des personnels et sur l'échelonnement indiciaire. Qui plus est, consciente que les conditions de travail des personnels de surveillance sont étroitement liées au respect des normes fixées en terme d'effectifs, la ministre a saisi conjointement l'inspection générale des services judiciaires (IGSJ) et l'inspection générale des finances (IGF) sur la situation des effectifs de l'administration pénitentiaire, ceci afin de bénéficier à la fois d'un regard extérieur et d'une analyse approfondie. Elle s'appuiera sur les conclusions de ce rapport pour définir les actions nécessaires à l'amélioration de la situation des ressources humaines. Par ailleurs, un recrutement exceptionnel de 534 personnels de surveillance sera réalisé d'ici 2017, dont 200 dès cette année, ceci afin de combler en partie les vacances de postes dans les établissements pénitentiaires. Ces nouveaux personnels, d'ores et déjà recrutés, seront affectés dans les établissements en juin 2015, au terme de leur formation. La surpopulation carcérale que vous évoquez est également un problème qui a été pris en compte par la garde des sceaux, ministre de la justice. C'est la raison pour laquelle elle a doté le ministère de la justice d'un programme immobilier ambitieux. Sur la période 2012 à 2018, il est prévu de construire ou réhabiliter 10 082 places en établissements pénitentiaires et de fermer en parallèle 5 020 places vétustes, soit un solde net de 5 062 places supplémentaires. Par ailleurs, la garde des sceaux a obtenu, dans le cadre du triennal 2015-2017, le lancement d'un nouveau programme pénitentiaire permettant de créer plus de 3 000 places nettes d'ici 2023. Ainsi, à terme, la France sera dotée de plus de 66 500 places dont 6 500 ouvertes en 2012 et 2018. Mais la politique pénitentiaire de la ministre ne se limite pas aux projets immobiliers. La limitation de la population carcérale passe également par une politique pénale plus intelligente. Ainsi, le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l'individualisation des peines, adopté le 15 août 2014, aura des effets positifs sur la surpopulation carcérale. En effet, s'inspirant du Rapport d'information sur les moyens de lutte contre la surpopulation carcérale, présenté par MM. les députés D. Raimbourg et S. Huygues en janvier de l'année dernière, le projet de réforme contient la suppression des mécanismes automatiques (et notamment des peines planchers) afin d'assurer une meilleure individualisation des peines ainsi que la possibilité de prononcer une libération sous contrainte afin de lutter contre les sorties sèches et d'inscrire les personnes condamnées dans un processus d'insertion ou de réinsertion et, donc, de prévention de la récidive. Le projet de loi prévoit également, à la suite du souhait formulé dans le rapport parlementaire de « faire véritablement de l'emprisonnement le dernier recours en matière correctionnelle », une nouvelle peine, la contrainte pénale. Enfin, si les établissements pénitentiaires présentent un bon niveau de sécurité, au regard notamment du faible nombre d'évasions constatées en France, de récents incidents ainsi que l'insécurité juridique liée à l'application de l'article 57 de la loi pénitentiaire relatif aux fouilles ont démontré la nécessité d'un plan d'action annoncé le 3 juin 2013 par la garde des sceaux pour un montant global de 33 millions d'euros en vue de l'amélioration des dispositifs de sécurité. Ce plan de sécurisation s'appuie sur trois piliers : des moyens matériels supplémentaires, des pratiques retravaillées et une meilleure prise en charge globale de la personne détenue. Une intensification des contrôles, notamment aux abords des établissements pénitentiaires, un renforcement du renseignement pénitentiaire, ainsi qu'une réflexion autour de la formation des personnels seront institués, ceci afin de replacer l'humain au coeur du système pénitentiaire.