14ème législature

Question N° 57063
de Mme Marion Maréchal-Le Pen (Non inscrit - Vaucluse )
Question écrite
Ministère interrogé > Affaires étrangères
Ministère attributaire > Affaires étrangères

Rubrique > marchés financiers

Tête d'analyse > marchés financiers internationaux

Analyse > transactions en dollars. poursuites judiciaires. attitude de la France.

Question publiée au JO le : 10/06/2014 page : 4607
Réponse publiée au JO le : 08/07/2014 page : 5833

Texte de la question

Mme Marion Maréchal-Le Pen appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et du développement international sur l'amende record que pourrait se voir infliger la BNP-Paribas par la justice des États-unis. La BNP-Paribas, première banque de France et d'Europe, est accusée par les États-unis d'avoir contourné les sanctions prises à l'encontre de l'Iran, le Soudan et Cuba en effectuant des transactions financières en dollars avec ces États soumis à l'embargo américain. En effet, les transactions en dollars doivent être conformes à la réglementation des États-unis bien que les actions de la banque française ne souffrent d'aucune irrégularité au regard du droit français, européen et des réglementations des Nations-unies. Sous la pression de la juridiction américaine, adepte de la justice par transaction, l'organisme bancaire plaiderait coupable. Il devrait s'acquitter d'une amende record d'environ 10 milliards de dollars afin d'éviter une sanction pénale, si préjudiciable pour sa réputation et son activité sur le sol américain qu'elle s'apparenterait à une « peine de mort ». Les États-unis ne sanctionnèrent pas avec une comparable sévérité une de ses banques, JP Morgan, principale responsable de la crise des subprimes en 2008. Or les faits reprochés à la BNP n'ont aucun impact sur les contribuables américains. Les différences de traitement entre, d'un côté les banques américaines et anglo-saxonnes, puis de l'autre les banques européennes, dissimulent mal le caractère avant tout politique de la manœuvre à l'encontre de la BNP-Paribas. Or celle-ci aura des conséquences sur les millions de clients et épargnants français et pèsera sur les ressources du Trésor public (la banque avait versé 2,5 milliards d'euros d'impôts sur les sociétés). La menace de sanction coïncide avec la reprise des négociations sur le traité transatlantique alors que des réticences s'expriment chez les peuples européens et plus particulièrement en France. De plus, la BNP serait bien placée sur le marché iranien dans le cas où, suite aux accords de novembre 2013 entre l'administration Obama et le régime iranien, les restrictions commerciales seraient partiellement levées. C'est pourquoi, face à ce message lourd de conséquences envoyé par les États-unis à la France et ses partenaires européens, elle demande si l'État français n'entend pas suspendre les négociations sur le traité transatlantique tant que la réciprocité, dans l'application des lois américaines, entre les établissements financiers américains et français n'est pas avérée. Par ailleurs, elle demande si l'État envisage de permettre aux banques françaises de s'affranchir de la politique d'embargo menée par les États-unis, notamment par l'incitation au développement d'accords basés sur des échanges dans une monnaie autre que le dollar, comme c'est le cas par exemple entre la banque de Chine et la deuxième banque russe depuis le 20 mai 2014.

Texte de la réponse

BNP Paribas fait aujourd'hui l'objet d'investigations et se trouve sous la menace de sanctions de la part de plusieurs autorités américaines. Ces autorités soupçonnent BNPP de ne pas avoir respecté par le passé certaines sanctions américaines concernant l'Iran, le Soudan, Cuba et d'autres pays de 2002 à 2009. Depuis le changement de doctrine des Etats-Unis, qui a eu lieu dans la seconde moitié des années 2000, toute opération faite en dollars doit, selon les autorités américaines, être conforme à la réglementation américaine, même si elle est menée par une structure qui n'est pas américaine. Selon la Banque de France, toutes les transactions incriminées étaient conformes aux droits français et européen, et compatibles avec les règles des Nations unies. Le Président de la République, ainsi que le ministre des affaires étrangères et du développement international et celui des finances et des comptes publics ont eu l'occasion d'appeler l'attention des autorités américaines sur le caractère disproportionné des sanctions évoquées. Le gouvernement français a particulièrement appelé la partie américaine à traiter cette question dans l'esprit de partenariat et de réciprocité qui préside aux négociations du « Partenariat commercial transatlantique » entre l'UE et les Etats-Unis. De manière plus générale, la portée extra-territoriale très large que l'administration et les juridictions américaines donnent aujourd'hui à leurs sanctions pose une question de fond. Cette évolution souligne le fait que l'euro occupe aujourd'hui une place dans les échanges internationaux qui n'est pas en rapport avec le poids de l'économie européenne, et elle rend plus nécessaire un renforcement du rôle de l'euro au niveau international. Cela pose aussi un problème évident d'asymétrie par rapport aux régimes de sanctions européens dont la justification et la portée sont encadrées plus strictement par le juge européen. C'est un débat important que l'Union européenne doit avoir avec ses partenaires américains.