14ème législature

Question N° 57230
de Mme Marion Maréchal-Le Pen (Non inscrit - Vaucluse )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > système pénitentiaire

Tête d'analyse > détenus

Analyse > radicalisation. lutte et prévention.

Question publiée au JO le : 10/06/2014 page : 4661
Réponse publiée au JO le : 21/10/2014 page : 8815
Date de changement d'attribution: 27/08/2014

Texte de la question

Mme Marion Maréchal-Le Pen alerte Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur développement de l'islam radical dans le milieu carcéral. Le 19 mars 2012, Mohamed Merah concluait son combat haineux par une tuerie à caractère antisémite devant un collège israélite. Deux ans après, Mehdi Nemmouche, lui aussi de nationalité française, est l'auteur présumé d'une fusillade dans un musée juif de Bruxelles. Les similitudes entre les deux individus sont troublantes : multirécidivistes condamnés à plusieurs peines fermes et fichés par les services de renseignement français. Le foyer commun à leur engagement terroriste est la prison. Par conséquent, les moyens d'actions de l'État font preuve d'une inquiétante perfectibilité lors de l'encadrement du séjour en prison. Depuis plusieurs années, le taux de prisonniers musulmans est en constante augmentation, dépassant allègrement la moitié de la population carcérale. Selon un récent rapport rendu au ministère de la justice par un sociologue, directeur de recherche à l'EHESS, 400 radicaux islamistes peuplent nos prisons. Des groupes islamistes structurés exercent en toute impunité un prosélytisme haineux derrière les barreaux auprès des détenus psychologiquement faibles. Près de la moitié des individus incarcérés pour terrorisme, considérés comme criminels de droits commun, continuent leur combat en se livrant au prosélytisme intégriste. Les établissements pénitenciers interdisent les mouvements collectifs religieux animés par des meneurs extrémistes non encadrés. Néanmoins, les surveillants sont désarmés face aux attitudes individuelles d'activités ou de replis intégristes religieux. Le signalement d'une radicalisation individuelle (sur la base d'une évolution vestimentaire, comportementale, par des appels collectifs à la prière) est certes constaté, noté et signalé à la DCRI mais pas réprimé. Les établissements carcéraux, manquant de moyens humains, ne sont pas tous confrontés au même degré d'importance d'islamisation radicale. Elle voudrait savoir si un arsenal humain et pénal sera mis en place pour répondre aux radicalisations individuelles et collectives constatées par le personnel pénitencier. Par ailleurs, elle demande si les terroristes islamistes et les individus répertoriés comme radicaux islamistes seront isolés afin de mettre fin à une mixité carcérale perçue comme un vivier prolifique pour les recruteurs des cellules du djihadisme.

Texte de la réponse

La lutte contre la propagation des comportements radicaux à dimension religieuse dans les établissements pénitentiaires est une priorité de la garde des sceaux, ministre de la justice, depuis sa prise de fonction. Ainsi Madame la garde des sceaux a diffusé depuis septembre 2012, seule ou en lien avec d'autres ministères, plusieurs dépêches sur des sujets qui touchent à la coordination de l'action des services de l'Etat ou encore à l'interdiction de sortie du territoire des mineurs. Une circulaire conjointe Ministères de l'Intérieur et de la Justice spécifique à la lutte contre la radicalisation violente et les filières djihadistes a été diffusée le 25 juin 2014, visant spécifiquement la mise en place d'outils d'analyse et de consolidation du renseignement et associant les services de l'administration pénitentiaire aux réunions des états-majors de sécurité. Sur le terrain, le ministère de la justice s'emploie tout d'abord, grâce au renseignement pénitentiaire, à détecter les mouvements de repli identitaire et de radicalisation et de gérer la détention des personnes concernées, en lien avec les autres administrations et services compétents, notamment la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) avec laquelle la direction de l'administration pénitentiaire a signé un protocole d'accord en 2012. Pour ce faire, la garde des sceaux a renforcé le bureau du renseignement pénitentiaire de sept postes et un fonctionnaire pénitentiaire va être détaché au sein de l'unité de coordination et de lutte anti-terroriste. Les personnels seront formés par l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire à la détection des personnes détenues en voie de radicalisation. La lutte contre le développement de l'islam radical en milieu pénitentiaire passe également par l'accompagnement des personnes détenues, tant sur un plan personnel que sur un plan religieux. Le rôle des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) est, à cet égard, essentiel pour permettre à ces personnes détenues d'effectuer des activités (travail, formation) et d'élaborer un projet de sortie, pour renouer ou maintenir le lien social. Par ailleurs, dans cette optique d'accompagnement, la garde des sceaux, ministre de la justice, a décidé l'augmentation du nombre d'aumôniers musulmans dans le budget 2014, de 15 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires, chiffre similaire à l'augmentation de l'année précédente. Cela permettra à l'aumônerie musulmane de développer sa présence dans les établissements et d'offrir aux personnes détenues le souhaitant un accompagnement spirituel dispensé par un aumônier agréé. Les établissements pénitentiaires disposent aujourd'hui de 169 aumôniers musulmans (sur un total de 1 391 en milieu carcéral). Les aumôniers musulmans qui interviennent en détention sont nommés sur proposition du Conseil français du culte musulman (CFCM) et après agrément du préfet. Ainsi, pour tout candidat à des fonctions d'aumônier proposé par l'autorité religieuse, une procédure administrative d'agrément est mise en oeuvre, à l'initiative de l'administration pénitentiaire et en lien avec les services du ministère de l'intérieur, chargés des enquêtes administratives permettant de vérifier le respect par ces candidats des principes laïcs et républicains. La garde des sceaux tient aussi à préciser qu'une charte relative au rôle et au fonctionnement de l'aumônerie musulmane sera rédigée prochainement, conjointement par les ministères de la justice et de l'intérieur, l'aumônerie nationale et le CFCM. Parallèlement à cette politique d'accompagnement, des solutions répressives sont également apportées par le ministère de la justice. En effet, les personnes détenues se manifestant par un prosélytisme abusif peuvent faire l'objet de sanctions disciplinaires, voire même être transférées dans un établissement où l'exploitation locale du renseignement aura permis de déterminer que leur influence sur le reste de la population pénale sera limitée. Si les faits reprochés constituent une infraction pénale, des poursuites pénales sont engagées par les parquets. Dans un second temps, l'objectif est de mettre en oeuvre pour la première fois en France une prise en charge adaptée à ces publics visant à un « désendoctrinement ». La détermination du gouvernement en général, et de la garde des sceaux, ministre de la justice, en particulier, visant à lutter contre la radicalisation pouvant conduire au terrorisme est sans faille. Les mesures précitées, qui attestent de la force de cette volonté, s'inspirent d'un équilibre permettant dans le même temps de refuser l'amalgame entre l'exercice d'une religion, d'une part, et des comportements violents assimilables à de véritables dérives sectaires, d'autre part.